Il y a déjà plus de deux mois, nous avons lancé notre premier dossier thématique sur le blogue. Mettant nos collaboratrices au coeur du projet, le but de cet exercice était de propulser les idées qui façonnent les valeurs du blogue. Ainsi, pendant près de trois mois, Boucle Magazine a publié les opinions et réflexions de femmes ayant ce premier sujet à coeur. Reflétant notre mission, le dossier débuté en mars traitait la diversité sous toutes ses formes. C’est donc neuf articles en lien à la diversité qui ont émergé de ce projet et qui complètent maintenant notre premier dossier thématique.
Parler de diversité, oui, mais pourquoi?
L’importance de la diversité n’est plus à débattre, car, qu’elle soit physique, culturelle, sexuelle ou de genre, cette dernière fait partie intégrante de nos vies. Pourquoi alors tant en parler? Car la représentation est plus importante que jamais. Comment espérer inspirer les gens issus de la diversité à l’infinité des opportunités quand on les oblige à se fondre dans un spectre restreint de possibilités?
«Le jour où on ne remarquera plus qu’il y a des mannequins noires ou des tailles plus partout dans les magazines, où ce sera aussi banal que les numéros de page, là, la diversité sera soutenue.»
Miss Grenadine, La Diversité, à qui de la projeter ? (Boucle Magazine, mars 2019)
Parce que la solution réside bien souvent dans la normalisation de la diversité. Aussi simple que ça. Pourquoi mettre l’accent sur le nouveau dossier taille plus d’un magazine alors que cela devrait simplement être la norme? Je suis d’accord qu’il faut célébrer les victoires, mais à quel prix? Ne sommes-nous pas en train d’encore mettre la diversité dans une case à part?
«Où sont ces corps d’hommes, de femmes, de personnes trans, queer, non binaires qui composent notre réalité, où sont les personnes vieillissantes, où sont les corps des personnes en situation de handicap ou de celles qui ont subi d’importantes interventions médicales ? Seule la diversité jugée acceptable et agréable à l’oeil nous est présentée à des fins marketing tel un bel apparat.»
Mélanie Guénette-Robert, Place à la diversité: contribuer au changement (Boucle Magazine, mars 2019)
Lorsque l’on commencera à voir la réelle diversité représentée dans les médias, alors là, peut-être pourrons nous célébrer victoire. Le jour où l’on réalisera que la diversité ne s’arrête pas à une couleur de peau ou à un poids, le moment où l’on acceptera qu’à quelque part on s’est fait leurrer à croire que l’étendue de la diversité qu’on ose nous montrer est complète, ce jour-là, la vraie lutte pourra débuter.
«Ensemble, on est plus fortes que l’addition des images vides et irréalistes qu’on nous garroche perpétuellement, cette parade sans fin impossible à suivre.»
Anabelle G. Turcotte, Les filles (Boucle Magazine, mars 2019)
Et lorsque plus de femmes réaliseront qu’il faut cesser de croire que les standards de beauté imposés par une société qui se sert des lacunes inventés pour nous vendre des produits non nécessaires sont vrais, lorsque plus de femmes accepteront qu’elles sont complètes malgré les demandes toujours plus pesantes d’une société patriarcale qui tend à les culpabiliser, alors nous serons de plus en plus fortes. Et nous pourrons défaire les tabous et les stigmas entourant le monde au féminin. Ensemble.
«Ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas et c’est pourquoi ils préfèrent le nier ou le détester. Ils se sentent menacés par l’inconnu.»
Jude, La société : portrait de diversité (Boucle Magazine, mars 2019)
Ainsi, plus la diversité sous toutes ses formes sera représentée, moins celle-ci sera inconnue et moins les gens en auront peur. Plus elle fera partie de la normalité et moins les prochaines générations se poseront des questions sur la réalité de ce à quoi ils aspirent.
«Il faut des modèles auxquels il peut s’identifier dans ce qu’il est et dans ce qu’il pourrait devenir.»
Jessica Roy Lasalle, La diversité selon Jessica (Boucle Magazine, avril 2019)
Oui, il faut plus de femmes représentées dans des emplois typiquement masculins et vice-versa afin de défaire l’idée qu’une femme ou qu’un homme doit se contraindre aux métiers que les générations passées ont jugés comme acceptables. Car la vérité est que les standards sociétaires nous sont imposés depuis l’enfance et que nous y sommes habitués depuis toujours. Aller contre ceux-ci est contre-intuitif et le moule est souvent bien plus confortable qu’on ose se l’avouer. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’il y a un manque de représentation? La quête identitaire débute.
«Je me suis installée au millième étage d’un building beau, coloré, ouvert. Et je me suis sentie perdue. Et j’ai eu honte de l’être.»
Publié sous anonymat, Blanc, beige et gris (Boucle Magazine, avril 2019)
Cette quête identitaire, elle fut mienne bien des fois. Québécoise depuis toujours et originaire d’une minorité visible, comment me sentir totalement chez moi au Québec lorsqu’on me demande constamment d’où je viens, comment il se fait que je n’aie pas d’accent et que l’on me pose l’étiquette d’«exotique»? Comment me sentir totalement chez moi ailleurs, quand je n’ai jamais vécu dans mon pays d’origine et que ma langue maternelle n’est pas parfaite ? Si les immigrants de deuxième génération étaient mieux représentés, les questionnements finiraient par être désuets, j’en suis convaincue.
«Forcer un petit peu les choses, sans que la qualité soit mise de côté — parce que des gens compétents, il y en a autant qu’il y a de différences —, pour que ça devienne normal de voir la diversité, parce qu’elle fait partie de nous, de nos sociétés.»
Karine Gagné, L’équation de la différence dans les médias (Boucle Magazine, avril 2019)
J’ose croire que nous vivons dans un Québec inclusif qui peu à peu s’ouvre pour laisser place à la diversité. Non, je ne parle pas d’une perte d’identité québécoise. Au contraire, je parle de la rendre encore plus vraie, encore plus forte et encore plus représentative. Cessons de faire vivre les stéréotypes outrageants qui défilent devant nos yeux chaque jour. Refusons de les encourager et ouvrons les yeux sur la réalité. Et lorsque je parle de stéréotypes, ceux-ci s’étendent particulièrement à la diversité.
«La vie de deux femmes en couple ou qui apprennent à se connaître est peu montrée ou visible pour la plupart en dehors des clichés sexuels sur lesquels bon nombre de gens aiment bien fantasmer.»
Amélie Lacroix-Maccabée, La fille dans l’écran et la diversité sexuelle (Boucle Magazine, avril 2019)
J’ai connu nombre de femmes qui n’osaient pas embrasser leur blonde dans les lieux publics par peur d’être sexualisée pour une action qui serait totalement banalisée par notre société hétéronormative pour un couple hétéro. La vérité, acceptons là, c’est qu’une femme est beaucoup plus sujette à être jugée par sa différence. Les standards imposés aux femmes sont si nombreux que celles qui réussissent à s’y contraindre sont peu nombreuses.
«Je crois que la diversité passe aussi par la pluralisation de la féminité et l’acceptation d’une large définition de celle-ci.»
Sabrina Chamberland-Desjardins, La diversité de la féminité (Boucle Magazine, mai 2019)
Si des initiatives comme la journée sans diète, maipoils et Autrices existent, c’est qu’il y a encore énormément de travail à faire et qu’il faut continuer de se battre ensemble. Élevons nos voix à un point tel qu’il sera impossible de ne pas les entendre.
Je clos donc notre dossier sur la diversité en espérant que ce dernier aura pu susciter réflexions et discussion sur le sujet. Je crois que nous pouvons être fiers d’être témoins d’un point tournant dans la société. Plus nos mots seront forts et plus nous pourrons voir les changements s’installer pour de bon. Parler de diversité, oui, mais pourquoi? Pour enfin la normaliser et la faire vivre comme réalité à part entière.