Quand j’étais éducatrice, j’ai eu dans mon groupe plein d’enfants. Un de ceux-là travaille maintenant dans une épicerie comme livreur. Il fait ça comme ça pour payer ses études. Il ne le réalise peut-être pas, mais il est en train de devenir le héros de ses futurs petits enfants. Les gens qui nous nourrissent directement ou indirectement sont véritablement ceux qui nous permettent de rester en santé pour continuer à combattre cet ennemi invisible.
On doit réaliser collectivement que présentement ce sont ceux qui gagnent moins de 15$ de l’heure et qui n’ont vraiment pas choisi un métier de risque qui nous tiennent debout, car le corps médical ne pourrait pas travailler s’ils ne mangeaient pas. Le personnel de la santé est au front, parfois enceintes et parfois mêmes immunosupprimées. Tous les services essentiels méritent qu’on fasse tout ce que l’on peut pour les honorer. La moindre des choses c’est de bien se garder de tout déplacement non essentiel et de justement redéfinir ce qui l’est.
J’ai aussi une pensée pour les éducatrices, que ce soit en milieu familial en CPE ou en privé: merci à vous toutes. Vous avez peur et vous avez raison. On vous demande de remplir une mission et on dit le contraire au reste de la population. En fait, vous faites plus que d’affronter vos peurs: vous soulagez des parents. Oui, il y a de l’abus. Des parents irresponsables c’est certain. Mais je vous parle des parents pour qui vous êtes le service d’URGENCE et qui l’utilisent en ce sens. Voyez-vous les parents des services essentiels ont le cœur brisé, car ils savent que personne ne veut garder leurs enfants. Pouvez-vous imaginer comment ça doit être difficile d’aller sauver des vies si on a le cœur en miettes ? Alors, vous aussi, vous contribuez, malgré votre inconfort justifié, à maintenir la société debout.
Maintenant pour les voyageurs, je suis désolée, mais il se peut que vous ayez à froisser vos parents ou vos grands-parents. L’épicerie doit être dans leur frigo avant leur arrivée et soyez fermes: ce sont eux encore à ce jour la clé de l’aplanissement de la courbe. J’ai moi-même dû parler à mon grand-père de 87 ans en lui demandant comment il allait se sentir s’il mettait la vie de sa femme en jeu, car il voulait aller acheter un pain. Je l’ai blessé, je l’ai froissé et bousculé, mais chaque geste compte et on doit faire ce qu’il faut par respect pour ceux qui se lève le matin pour nous permettre de vivre après le COVID-19. Il nous restera du temps, tout le temps nécessaire après cette crise pour se raccommoder. D’ailleurs c’est pour cela que je l’ai un peu bousculé par mes propos, parce que je l’aime et que je veux qu’il reste en vie.
En terminant, j’aimerais aussi mentionner que c’est un temps historique: personne ne va bien, personne est dans sa zone de confort et les gens qui font de l’anxiété, qui ont des problèmes ou des besoins en on juste plus. Ne nous comparons pas, restons unis chacun chez soi et pour les autres qui doivent sortir: restons chacun chez soi pour eux aussi. Nous avons tous des réactions normales à des situations anormales.
Une pensée pour les proches aidants aussi qui font parfois face à des réactions très difficiles de leurs parents et parfois plein de reproches, car la compréhension n’est pas toujours au rendez-vous pour les plus âgés. Parents d’enfants handicapés ou besoins particuliers, on pense à vous aussi. Soyez des citoyens exemplaires, brillons comme peuple.