Entrevue : Katryna-Florence, de Montréal à Los Angeles

Entrevue : Katryna-Florence, de Montréal à Los Angeles

Le parcours de Katryna-Florence est loin d’être ordinaire. Dans la vingtaine seulement, la jeune artiste montréalaise a forgé son chemin jusqu’à Los Angeles, d’où elle a récemment lancé son tout premier mini-album What If I’m Too Much?, une collection de 6 titres émancipateurs, marquant le début d’un nouveau chapitre qui s’annonce déjà bien prometteur. De ses études en jazz à l’Université de Montréal, en passant par le Berklee College of Music à New York, jusqu’au programme de mentorat Los Angeles Academy for Artist and Music Production (LAAMP) dirigé par le duo de producteurs norvégiens Stargate (Rihanna, Beyoncé, Katy Perry, Sam Smith et bien d’autres), l’autrice-compositrice-interprète et productrice a plus d’une corde à son arc et ce premier EP mêlant habilement pop, jazz et R&B en est la preuve.

Faire le saut

En quelques années, les choses se sont rapidement enchaînées pour Katryna-Florence. Un double DEC en jazz et en sciences de la santé et une année d’études en neurosciences à l’Université de Montréal plus tard, c’est finalement la musique qui a remporté avec une transition vers le programme en interprétation jazz, profil chant — il faut dire que la passion y est déjà depuis l’âge de 10 ans, moment où les cours de piano se sont vite imbriqué aux écoutes en boucle des premiers albums d’Adele sur lesquels elle a longtemps chanté. « C’est avec ses albums que j’ai appris à m’accompagner au piano et j’y trouvais beaucoup de plaisir. J’ai ensuite commencé à composer vers 17 ans, chose que j’ai continué à faire pendant mes études à l’UdeM. Dans ce temps-là, je faisais beaucoup d’arrangements très jazz et des chansons qui pouvaient parfois durer jusqu’à 9 minutes. C’était très différent de ce que je fais aujourd’hui! (Rires) »

Le temps de la maîtrise venu, c’est le Berklee College of Music de New York et son nouveau programme d’un an Songwriting and Production, donné dans le mythique studio Power Station, qui a attiré son attention. « C’est là que j’ai vraiment appris à travailler avec le logiciel Ableton Live et à produire mes propres chansons. On y croise beaucoup de gens, dont plusieurs qui viennent de Broadway tous les jours » dit-elle. Après cette année d’apprentissage et un visa de travail en main, l’aventure new-yorkaise devait se poursuive encore quelque temps, mais c’est à ce moment qu’est arrivé l’opportunité de participer au programme Los Angeles Academy for Artist and Music Production (LAAMP). « J’ai vu qu’il y avait une bourse de l’organisme We Are Moving the Needle, soutenant les femmes dans le monde de l’audio. Il y a un très faible pourcentage de celles-ci de ce côté de l’industrie, alors ils offrent des bourses et master classes comme celle que j’ai fait. J’ai appliqué ne pensant pas trop si ça allait fonctionner et finalement, à la fin du mois d’août 2023, j’ai reçu un courriel de demande d’entrevue. Deux jours plus tard, ils m’ont annoncé que j’avais la bourse, j’ai donc dû me retourner sur un 10 cent. Je suis rapidement partie pour Los Angeles puisque le programme commençait 3 semaines plus tard. J’y suis encore depuis ce temps-là » me raconte Katryna-Florence en visioconférence depuis LA.

Trouver son identité musicale

En studio cinq jours par semaine et douze heures par jour, ce programme intensif en Californie lui a permis de développer son réseau, mais aussi d’approfondir plusieurs connaissances musicales auprès de différents mentors. « Il y avait toujours des invités vraiment intéressants, comme le réalisateur Kenny Beats, ou encore Emily Warren qui a écrit plusieurs chansons pour Dua Lipa. Le programme est dirigé par Stargate, un duo de réalisateurs norvégiens qui a entre autres fait des chansons pour Rhianna, Katy Perry et Beyoncé. Ce sont des légendes et on était vraiment près d’eux pendant le programme. Ils nous aidaient beaucoup. Au début, je pense que je me mettais de la pression et j’avais un peu le syndrome de l’imposteur, mais rapidement, toute la cohorte est devenue super proche. Je travaille d’ailleurs encore avec ces gens-là aujourd’hui. C’était vraiment la meilleure expérience post-maîtrise que je pouvais avoir pour trouver mon son. »

Ce son, l’autrice-compositrice-interprète l’a adroitement façonné au cours de ces années d’apprentissages, qui se sont entremêlés de différents showcases et spectacles. Entre l’écriture, la réalisation et la production vocale pour d’autres artistes et pour son propre projet, Katryna-Florence a pu s’approprier un style bien a elle porté par une voix puissante et des harmonies soignées, dans lesquelles le monde de la pop rencontre celui du jazz. « Je pense que le lien entre toutes mes chansons, c’est qu’il y a beaucoup de production vocale. C’est ce que j’aime le plus. Mon but en faisant de la pop, c’est aussi qu’il y ait des éléments qui plaisent aux fans de jazz, comme des changements d’accords ou des petites dissonances qui peuvent surprendre à l’écoute. Ce côté plus instinctif, c’est qui me fait plaisir dans la création » souligne celle qui se dit également influencé par la pop britannique actuelle. « J’aime beaucoup la scène pop à Londres. C’est un peu plus organique, et aussi un peu plus jazzy et néo-soul. Je pense entre autres aux artistes RAYE, Olivia Dean et aussi Lola Young, qui a un son très brut » ajoute-t-elle. 

Des influences qui se font entendre sur plusieurs pièces de ce premier mini-album, dont Faces, coécrite avec Zach Steinberg et Matias Malagardis, qui a également participé à la plupart des morceaux. « On a peaufiné le son et on s’est assuré que toutes les chansons aillent bien ensemble et que tout soit fluide une fois assemblé, puisqu’il y en a de très différentes, comme certaines qui sont un peu plus folk, ou d’autres, davantage néo-soul comme Faces. » Parmi une quinzaine de chansons composées pendant et après le programme LAAMP, six se sont ainsi classées pour le EP. « Le choix n’a pas été si difficile. Ce sont vraiment mes coups de cœur des deux dernières années depuis les débuts de cette aventure » dit Katryna-Florence.

En toute vulnérabilité

À travers What If I’m Too Much?, on y retrouve les échos d’un riche parcours musical, mais également d’un cheminement personnel ponctué d’introspections et de prises de conscience. D’entrée de jeu, l’intime Selfish, dans laquelle l’autrice-compositrice-interprète se livre sur ses angoisses avec vulnérabilité. « Certaines pièces ont été plus difficiles que d’autres à faire comme celle-ci. Ce n’est pas facile d’écrire et d’admettre ce genre de chose, mais en même temps, c’est ce qui est beau de la chanson et c’est ce qui la rend vraie. Elle permet de constater que tout le monde est humain. Ce EP a été beaucoup de remises en question. Vers la fin du processus, j’ai réalisé que toutes les chansons étaient très personnelles et introspectives. Je me demandais si j’étais trop ou pas assez, et si j’étais à la hauteur, parce que je sentais qu’il fallait toujours que je m’ajuste pour entrer dans un moule. Ce projet-là a donc été une manière pour moi de faire la paix avec tous ces questionnements et d’assumer qui je suis. Je suis contente que ça sorte maintenant, parce que j’ai passé à autre chose et c’est un chapitre de ma vie qui se ferme pour passer au suivant. »

La démarche fut ainsi libératrice pour la jeune artiste, qui a pu mettre des mots sur des émotions complexes. « Je suis une personnes assez refermée et introvertie. Je ne partage pas beaucoup mes émotions et je garde ça très loin de moi. Je suis un peu dans l’évitement. Avec des chansons comme Selfish ou Room for Doubt qui parlent de crises d’anxiété et d’attaques de panique, j’aborde des sujets dont je n’avais pas osé parler auparavant. Ça a été très thérapeutique d’une certaine façon. J’ai appris à être plus douce et moins sévère avec moi-même. Les sessions de composition et d’enregistrement ont été des moments où je me suis permis d’être vulnérable avec mes collaborateurs et ça a donné un mini-album qui est très honnête. C’est d’ailleurs plaisant de ne pas toujours être toute seule quand on écrit, même si ce sont des trucs super personnels. Il y a plusieurs avantages et ça amène une autre perspective sur ses idées. C’est toujours bénéfique. »

Alors qu’elle prévoit rester du côté de Los Angeles encore quelque temps pour continuer de développer son réseau, Katryna-Florence est toujours bien attaché au Québec et a déjà hâte d’y revenir pour présenter ses chansons. « J’aimerais éventuellement revenir pour faire des festivals et des spectacles. C’est certain que ça me manque, c’est la maison! Je reçois des messages d’amis de longue date, et même d’inconnus me disant qu’ils ont entendu une de mes chansons à la radio et juste de constater que ma musique commence à être diffusée au Québec, ça me fait vraiment plaisir et c’est certain que je veux y revenir pour partager ça avec ma famille et mes amis! »

En attendant le prochain passage de l’artiste au Québec, son premier mini-album What If I’m Too Much? est disponible sur toutes les plateformes d’achat et d’écoute numériques. La trame sonore parfaite pour cet été!

Pour ne rien manquer de ce qui s’en vient pour Katryna-Florence, rendez-vous sur ses pages Facebook et Instagram.

Entrevue : Katryna-Florence, de Montréal à Los Angeles

Katryna-Florence, What If I’m Too Much?, 2025

Crédit photo de couverture : Marilou Duchesne

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Karine Gagné

Rédactrice en chef adjointe et cheffe de section culture pour Boucle Magazine, Karine évolue dans le domaine culturel à divers titre. À travers ses articles, elle met de l’avant une ligne éditoriale axée sur la scène locale et la découverte.

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