À l’occasion de son dernier 5 à 7 de la saison, le Théâtre Duceppe a vu juste en faisant rayonner dans ses coulisses la plus récente production du collectif Les Hébertistes, Être ou ne pas être un douchebag, qui prend maintenant son envol au Théâtre La Bordée à Québec. Pour l’écriture de sa deuxième pièce, l’autrice et comédienne Mary-Lee Picknell a eu envie d’explorer les relations homme-femme, mais d’une toute autre manière. Le résultat? Un échange à deux inattendu à la fois drôle et touchant, bousculant des stéréotypes encore bien ancrés dans le monde contemporain.
Inverser les rapports de force
Si rester coincé dans un ascenseur est déjà affolant, imaginez l’être avec votre ex-amant.e à qui vous n’avez pas adressé la parole depuis 10 ans. C’est la prémisse qui attend le public installé autour de ce petit espace clos de 1,5 mètre carré, où Karine (Mary-Lee Picknell) et Malik (Vincent Paquette), s’apprêtent sans le savoir à revisiter un passé qui a bien évolué. Une rencontre fortuite qui déconcerte le personnage de Karine dès les premiers instants, alors qu’elle se dirige, sans trop de hâte, vers un surprise party pour souligner son 40e anniversaire.

Dès les premières minutes, on réalise rapidement que les deux ex-amants ont à première vue bien peu de choses en commun. Après tout, une décennie s’est écoulée depuis leur dernière rencontre. Alors que Malik, 30 ans, est plutôt du type voiture et joints, Karine, elle, a plutôt pris le chemin de la sobriété et de la croissance personnelle. Un douchebag, Malik? La désormais quarantenaire le souligne d’emblée au principal intéressé qui remettra rapidement en question ce préjugé. Après tout, comme il le mentionne, il est déjà allé au théâtre et apprécie le travail de Jean-Paul Riopelle (qui, pas de chance, serait lui aussi un douchebag selon Karine, compte tenu de son intérêt pour les voitures et sa tendance à prioriser les boys club).
Au cours de ces 50 minutes, Karine et Malik confrontent leurs démons du passé, mais aussi certaines idées préconçues entretenues qui aveuglent leur opinion des gens. Alors que Malik se confie sur un événement qui a bousculé sa vie, les constats de Karine sur ses habitudes de consommation et le vieillissement des femmes proposent des moments éloquents teintés d’empathie, qui s’entremêlent habilement aux dialogues aussi drôles que rythmés. L’autrice nous amène parfois même là où on ne s’y attend pas, d’une réinterprétation impromptue d’un extrait de chanson de Mes Aïeux jusqu’à un soin skin care improvisé qui provoque autant de rires que d’attendrissement.
À huis clos

Dans une mise en scène signée Guillermina Kerwin, Être ou ne pas être un douchebag transporte le public dans une sorte de voyeurisme, où chacun.e devient témoin de cet échange intime, lors duquel les deux protagonistes dévoilent toute leur vulnérabilité. Dans ce petit espace habité par différents effets de lumières et de sons, la sensation claustrophobique est palpable jusque dans l’audience, qui arrive presqu’à ressentir l’état anxiogène auquel font face Karine et Malik, qui maximise l’espace, chacun à leur tour. Marche rapide (puisqu’il faut bien atteindre l’objectif de pas journaliers malgré tout), pull-ups et jeux de réflexion avec les surfaces réfléchissantes permettent de faire oublier ce petit espace dans lequel les deux interprètes réussissent, du début à la fin, à capter l’attention des spectateur.rice.s.
Chose certaine, à travers leurs quêtes identitaires, Karine et Malik réaliseront qu’ils se ressemblent peut-être plus qu’ils le pensent…
D’abord au Théâtre Duceppe, la pièce Être ou ne pas être un douchebag est maintenant présentée au Théâtre La Bordée à Québec jusqu’au 16 mai.
Crédit photo de couverture : Denis Taillons