Depuis les derniers mois, les milieux professionnels de beaucoup d’entre nous ont été bouleversés. Des enseignants doivent donner des cours à distance, des entreprises ont fermés, beaucoup font du télétravail, certains commerces sont peu achalandés.
Personnellement, c’est mon cinquième automne comme libraire et j’ai parfois l’impression d’être dans un cas à part. Nous sommes dans un centre commercial qui, à l’exception de l’épicerie, la pharmacie et la SAQ, semble très tranquille récemment. Pourtant, depuis notre réouverture en juin, nous n’avons jamais été aussi occupés. Même depuis le début de la deuxième vague, le flot de clients ne dérougit pas. Certains jours, on se sent comme la semaine avant Noël.
Par moment, ça peut être stressant de travailler au service à la clientèle alors que la maladie court, mais nous sommes bien protégés par nos masques et nos visières et je suis heureuse que les librairies soient ouvertes, contrairement au premier confinement. Par contre, je me sens triste pour les commerces et les entreprises dont les revenus ont chuté dramatiquement et qui peinent à couvrir leurs frais.
Au début, je trouvais ça un peu étrange qu’autant de gens viennent au centre commercial alors qu’on les encourage à rester chez soi pour éviter la propagation. En y repensant, j’ai cependant réalisé que le plaisir de la lecture, de s’acheter un nouveau livre tout juste sorti des boîtes, en est un qui fait beaucoup de bien. Je crois que c’est le cas peu importe la situation, mais en temps de crise plus que jamais. La librairie est ce petit espace de réconfort et de normalité dans ces temps incertains.
Ce moment pendant lequel les gens peuvent avoir comme seul préoccupation de faire un choix parmi tous les nouveaux livres, celui pendant lequel ils peuvent conserver leurs habitudes calme le mental un brin.
Les habitudes d’avant persistent. Les clients réguliers continuent de venir nous visiter, on les reconnait même masqués et la relation reste la même. En tant que libraires, on peut encore leur proposer nos récents coups de cœur, leur montrer avec enthousiasme ce roman qu’on a adoré et qui leur plaira. Le temps de notre chiffre de travail, on peut, malgré les nouvelles contraintes, se plonger encore dans nos passions littéraires. Certaines personnes qui avaient cessé de lire parce que trop occupés, reviennent nous voir. Ils retrouvent ce plaisir et j’espère qu’ils le garderont.
Les théâtres ont dû fermer, les spectacles sont arrêtés. Beaucoup d’activités culturelles et artistiques ont fait pause, mais le livre constitue cette merveilleuse opportunité de s’évader dans le respect de toutes les règles sanitaires possible. C’est rassurant quelque part, pour les lecteurs assidus comme moi, de savoir que ce loisir restera, pourra toujours nous apporter du bonheur dans l’isolement.
Ca me rassure infiniment de constater que, peu importe les mesures que Legault annonce, des nouveautés littéraires affluent toujours et attendent d’être montrés. À défaut de savoir quand je pourrai retourner voir mes parents, je sais que le documentaire Nos oiseaux illustré par Mathilde Cinq-Mars que j’adore est sorti il y quelques jours. Je sais qu’une nouvelle édition des Quatre filles du Dr March au rayon adulte arrive et que je pourrai, en ce novembre difficile, offrir ce petit réconfort aux gens qui en ont bien besoin. Ces certitudes sont mes baumes actuels et je crois que c’est une des raisons pour lesquels notre librairie et beaucoup d’autres sont si occupées. Ça peut paraître irréel de continuer de conseiller des lectures en temps de pandémie, mais non. Si les livres que mes collègues et moi devons réceptionner, étiqueter, placer et passer à la caisse apportent un soupçon de doux à la santé mentale des gens qui nous visitent, ils sont nécessaires.
Et vous, qu’est-ce qui vous fait du bien ces temps-ci?