Le jour où l’école a abandonné les profs

Je ne suis pas prof, mais j’ai des yeux pour voir. Pourquoi l’école a-t-elle abandonné les profs ? Pourquoi les directions ne sortent-elles pas dans les médias pour demander des ressources supplémentaires ? Des éducatrices spécialisées, des psychoéducatrices, etc. Pourquoi continue-t-on de demander aux profs d’enseigner des matières et d’avoir des quotas académiques alors que les besoins particuliers pleuvent et que les faibles habiletés sociales sont un fléau en ce moment ?

Je pose la question parce que, moi, les enfants à besoins particuliers, je les aime. Parfois, dans mon travail, je dois aider les parents à faire le deuil de l’enfant rêvé: leurs enfants étant extras juste comme ils sont. Ceci étant dit, dans une masse d’enfants à besoins particuliers: il y a d’autres enfants qui ont particulièrement des besoins. Voyez-vous, un enfant qui manifeste ses besoins par des comportements parfois inacceptables en société continuera de manifester ses besoins par les mêmes comportements s’il a un gain ou si le besoin n’est pas adressé. Demander à un prof si génial soit-il, de faire du 1 pour 1 dans une classe régulière, c’est mettre l’enfant en échec et l’enseignant K.O.

Parfois, les parents jugent les profs qui ont l’air d’avoir étiqueté leurs enfants ou qui sont simplement au bout du rouleau. Je suis absolument contre la malveillance ou la stigmatisation d’un enfant, mais savez-vous à quel point c’est difficile de se faire dire de pratiquer son métier comme si de rien n’était alors que l’enfant qui est sous notre charge a des besoins qui dépassent nos compétences ? Petit à petit, à force d’être toujours à côté de son X la démotivation et le sentiment de vide en viennent à voler le sens au travail.

Je suis pour les parents qui veulent tout faire pour leur enfant, par contre, il faut se demander si le chemin que l’on voudrait pour eux est le bon. L’école a aussi abandonné les enfants: ceux-ci n’ont presque plus de classes spéciales pour répondre à leurs besoins. Pourquoi ne traite-t-on pas l’éducation avec équité ? Donner à chacun ce dont il a besoin pour avancer. Pourquoi les enfants décrochent-ils de l’école déjà en deuxième année ? Car quand l’enseignant n’est pas formé pour comprendre les symptômes et signes d’un TSA, d’une dysphasie ou du Gilles La Tourette et bien l’année est longue. Autant pour la prof qui n’a pas étudié là-dedans et qui ne connaît que la courbe « normale » de développement que pour l’enfant qui marche à contre-courant tous les matins quand la cloche sonne. Demande-t-on à des optométristes d’opérer à cœur ouvert dans nos hôpitaux ? Non. Alors pourquoi demande-t-on aux enseignants de pratiquer 1001 métiers sauf le leur ?

Pouvons-nous, chers profs, vous accompagner dans les médias? Aller revendiquer des ressources pour les élèves et pour vous ? Pouvons-nous demander aux directions de sévir dans les cas d’intimidation et de comportements graves et demander d’arrêter de voir les statistiques comme une priorité ? Combien d’élèves allons-nous perdre? Combien vont-ils décrocher et combien de profs choisiront leur santé avant leur métier ? Lâchez les codes de diagnostics, car diagnostic ou non, les souffrances de l’enfant sont les mêmes et le travail de l’enseignant aussi. Lâchez aussi le fait que les parents devraient poser telle ou telle action quand un neuropsy dans le réseau public a une liste d’attente de plus d’un an. D’ailleurs, pourquoi lorsqu’une école et les parents veulent faire évaluer un enfant, le gouvernement ne pourrait-il pas rembourser les frais en privé ? Croyez-moi, ce serait un investissement, car des parents en burn-out qui ne travaille plus et qui ont le cœur brisé, un enfant anxieux et une prof qui quitte l’enseignement, ça, ça coûte cher.

Pouvons-nous faire redoubler ceux qui en ont besoin? Car, personnellement, je me suis fait dire qu’un doubleur, ça coûte 40 000$ à l’état. Sauf que, combien coûte un élève qui est malheureux pendant un an à ne pas réussir dû au retard accumulé? Nos élèves ne sont pas de la chair à saucisses à sortir de l’usine no matter what. Nos élèves ce ne sont pas des codes à envoyer au local des TES en attendant juin. Nos enfants, c’est notre richesse nationale, la relève, les adultes de demain. Alors, les profs, dites-nous, comment peut-on vous aider ?

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Miss Grenadine

Conseillère pédagogique et éducatrice spécialisée, Miss Grenadine est passionnée de la vie et aime sortir sa plume pour s'exprimer sur l'humain, la culture et bien sûr la pédagogie ! Elle adore aussi les entrepreneurs d'ici et les produits naturels et écologiques. Le développement des habiletés sociales chez les jeunes, l'ouverture sur la différence et l'image positive corporelle sont des valeurs primordiales a ses yeux.

10 réflexions au sujet de “Le jour où l’école a abandonné les profs”

  1. MERCI! La meilleure façon de nous supporter est de dire publiquement (télévision, journaux…) que vous pensez comme nous! Trop de monde pense juste aux vacances estivales des profs…donc aucune raison de se plaindre. Si d’autres personnes que nous expliquent à la population la réalité dans les classes, les gens vont peut-être commencer à nous croire! ?
    Merci encore pour ce texte qui explique parfaitement la réalité en classe régulière!

    D’une prof fatiguée d’essayer d’être superwomen au quotidien et de travailler des heures bénévolement! ?

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  2. J’aimerais avoir moins d’élèves dans ma classe. J’aimerais que les élèves à besoins particuliers se retrouvent dans des classes à volet particulier. Je voudrais que si l’on intègre un élève, qu’il ait les services auxquels il a droit. J’aimerais avoir du temps pour corriger, planifier faire les suivis avec les parents pendant mes journées pédagogiques. J’aimerais que les élèves au régulier puisse évoluer dans un environnement stimulant et motivant. J’aimerais voir moins de profs au bout du rouleau. J’aimerais qu’on me fasse confiance et qu’on m’écoute quand je parle des besoins de mes élèves. J’aimerais qu’on cesse de me demander de faire un travail pour lequel je n’ai pas étudié. J’aimerais avoir le temps de créer un lien avec tous mes élèves afin de pouvoir passer ma matière plus facilement. Finalement, j’aimerais que la profession que j’adore ne me rende plus triste….

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    • Bonjour Sabrina
      Me permettez-vous de retranscrire votre message sur la page Facebook de TLMEP en question pour le ministre Roberge qui enregistre aujourd’hui?

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  3. Bonjour, je partage tout à fait votre point de vue, c’est pourquoi je vous invite à rejoindre notre mouvement citoyen « les Losanges Jaunes ». Ce mouvement a été créé il y a deux semaines. Son objectif principal est de sensibiliser la population à la crise actuelle dans les écoles publiques du Québec. Comme vous, nous faisons le constat suivant : il est urgent d’agir tous ensemble (parents, personnel scolaire, élèves et membres de la communauté) afin d »offrir de meilleures conditions dans nos écoles publiques car elles ont un impact direct sur nos enfants. Nous pensons qu’une profonde réflexion collective s’impose en éducation!… Le losange jaune est un signe de solidarité avec le personnel scolaire et les élèves. Je vous invite à consulter la page Facebook avec le lien ci-dessous. Un groupe est aussi associé à cette page (je vais partager votre texte). N’hésitez pas à me contacter pour toutes informations supplémentaires! https://www.facebook.com/leslosangesjaunes/?modal=admin_todo_tour

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  4. Wow! Quel extraordinaire message d’empathie! Vous avez entièrement compris nos revendications! Nous sommes plusieurs, malgré notre passion, à être à bout de souffle. Voir la détresse de nos élèves et ne pouvoir répondre à leurs besoins, même en y mettant toute notre énergie et beaucoup de temps, nous épuise physiquement et moralement! Malgré tout, je ne pourrais pas envisager de faire un autre métier…

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  5. Un texte percutant de vérités que nous partageons également à la Coalition de parents d’enfants à besoins particuliers du Québec qui regroupent plus de 80 % et aussi des enseignantes, spécialistes, éducatrices, éducatrices et autres intervenantes de l’éducation et nos alliés qui elles et eux aussi ont à cœur le développement du plein potentiel de tous les enfants et particulièrement celles et ceux qui sont les plus gravement affectés par la dés-affection des gouvernements pour l’école et les profs. Il est temps de rétablir les liens de confiance par éthique de solidarité envers les enfants et apprenants de Québec. Ce texte peut paraître à contre-courant à publier dans notre groupe, car plusieurs pensent à tort que nous sommes qu’un regroupement de parents CONTRE les enseignantEs… quand dans les faits, nous sommes leurs alliés naturels POUR revendiquer de meilleures conditions d’apprentissage, de meilleurs services et de meilleurs soutiens au bénéfice de tous les élèves au sein des écoles québécoises, incluant celles et ceux qui sont chargés d’enseigner à nos enfants. Rien ne sert de nous diviser quand ce dont nos enfants et apprenants ont le plus besoin c’est d’un village de personnes bienveillantes pour les aider à s’épanouir. « Alors, les profs, dites-nous, comment peut-on vous aider » à aider nos enfants à atteindre leur plein potentiel de réussite éducative et sociale dans le respect de leurs différences ? @cpebpq

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  6. Excellente réflexion! Les parents représentent ‘le vrai pouvoir de parole et d’action’ auprès des diverses autorités en éducation et ce, autant au niveau provincial, régional, municipal qu’au niveau de l’école même. Sans le support et la voix des parents…la situation dans les écoles ne progressera guère…Revendiquez, questionnez, communiquez et exigez des réponses et des actions concrètes pour l’éducation de vos enfants! Les médias sont vos alliés pour informer la population à grande échelle. Par ricochet, les changements apportés profiteront à tous les élèves et intervenants/es du milieu scolaire. Chaque petit geste est important et…les enseignants/es comptent sur vous! L’union fait la force!

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  7. Je suis enseignante en adaptation scolaire depuis près de 20 ans au secondaire, j’ai vu les classes d’adapt fermer une à une, l’intégration sauvage des élèves au régulier, les coupes dans les services. Les effets ne se font pas seulement sentir dans la classe régulière… les classes d’adaptation restantes se sont aussi alourdies, les commissions scolaires les remplissent à pleine capacité d’un « mélange » d’élèves qui ont les besoins les plus criants, qui dérangent le plus au régulier. On a laissé tombé les enfants qui ont un rythme d’apprentissage différent des autres… pour le ministère cette clientèle n’existe pas, les classes qui répondait à leurs besoins ont été sauvagement fermées (je parle en pleine connaissance de cause… j’ai enseigné plus de 15 ans en cheminement continu!). J’adore les enfants, j’adore enseigner, mais je sais que je vais quitter l’enseignement dans les prochaines années… la pression du système, l’incompréhension et le manque total de respect envers ce que nous accomplissons chaque jour c’est lourd à porter.

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  8. WOW ! MERCI ! Effectivement, c’est vous qui avez le pouvoir de nous aider… Les enseignants sont considérés seulement comme des chialeux malheureusement lorsqu’ils osent prendre la parole.

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  9. Merci pour ce bel article!

    Les gens doivent savoir ce qui se passe en éducation présentement, car tout ne va pas très bien dans nos écoles. C’est difficile pour moi d’en parler comme je le voudrais, car mon devoir de loyauté envers mon employeur ne me permet pas de vous citer des exemples et de m’exprimer librement sur ce sujet. Je peux vous dire que je trouve ça difficile de voir des élèves en difficulté qui n’ont pas accès à des ressources. J’aimerais que tous se soulèvent pour eux. Ce sont des petits êtres qui subissent, qui ne peuvent se défendre et qui ont pourtant des droits. J’ai hâte que l’éducation au Québec soit considérée comme une priorité et pas comme un business. Les enfants ne sont pas des marchandises qu’on peut tabletter!

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