Chasser l’inconfort pour accepter le naturel

J’aurai 30 ans cette année et je réalise que la perception que j’ai de mon apparence physique a énormément changé durant ma vingtaine. Au fil des années, j’ai de plus en plus retiré d’artifices pour privilégier le confort et me considérer comme jolie et présentable tout de même. Je dois toutefois encore souvent combattre des pensées formatées par la société. 

On voudrait nous faire croire que des jambes toujours douces, c’est possible et essentiel, mais en fait , c’est que ma maladresse fait en sorte qu’une fois rasées, mes jambes auront immanquablement des coupures ou quelques poils oubliés. Et l’hiver, je range souvent mon rasoir loin dans le fond de l’armoire. 

Au début, je me sentais obligée de m’excuser à ma blonde. «  Scuse, je suis une mauvaise blonde, j’ai les jambes poilues. »  Mais elle s’en fiche dans le fond. Qui oserait dire à sa moitié qu’elle a quelque chose à se reprocher parce qu’elle a préféré dormir cinq minutes de plus plutôt que de se massacrer avec un rasoir? 

Nous ne sommes pas de moins bonnes personnes en fonction du temps passé à se préparer devant le miroir. Notre valeur dépend du respect, de l’écoute et de l’ouverture d’esprit desquels on fait preuve. De la générosité, de l’empathie et de la patience. De toutes les qualités inestimables que les autres apprécient chez nous et donc, on devrait vraiment arrêter de s’excuser pour nos coiffures à la va-vite et nos vêtements mous. 

Ce genre de geste de beauté qu’une femme ( ou toute autre identité/genre) se sent contrainte de faire alors que ça demande temps, argent et frustration, j’arrive de plus en plus à les délaisser et j’en suis fière. Oui, je suis fière de moi quand je pars vers le travail avec rien dans le visage sauf de la crème et du baume à lèvres . 

Même si je n’ai pas de défaut très marqué sur le visage, tout autour de moi semble me dire que je ne suis présentable en société qu’avec beaucoup de grimage. Mais la réalité, c’est que je ne dois rien à personne, que ce soit en maquillage, en bijoux, en talons hauts ou en manucure. Même si mes cernes sont un peu apparents et mon teint moins poudré, ça ne devrait pas choquer personne. Ça ne devrait même pas être quelque chose qu’on remarque.

Tout ça, c’est des choix, pas des nécessités. 

Lorsque j’avais vingt ans, je considérais comme absolument nécessaire de porter mes lentilles de contact plutôt que mes lunettes lorsque je sortais dans un bar ou avec des amis. Je sentais que je ne pourrais pas être considérée comme attirante avec mes lunettes alors que plus de la moitié des gens en ont besoin. En plus, mes lentilles rendaient mes yeux secs et fatigués. 

Je portais les vêtements les plus inconfortables parce qu’ils avantageaient la silhouette que j’entrainais avec acharnement. Des vêtements trop serrés, aux tissus rêches, des robes pas assez chaudes en hiver. 

Maintenant, le fait de vivre avec ma blonde qui porte régulièrement des vêtements amples d’hommes m’a fait réaliser que s’imposer un inconfort supplémentaire, ça ne sert à rien. 

Il y a tellement d’aspects dans la vie qui sont frustrants, tristes ou stressants sur lesquels on n’a pas le moindre contrôle. Si au moins, je peux être bien dans ce je porte et libre de mes mouvements, ça m’ aide à passer une meilleure journée. 

Je porte donc désormais des pantalons doux et trop grands achetés dans une boutique de plein air pour aller travailler, les t-shirts d’hommes de Star Wars de ma blonde et des chemises à carreaux sans croire que les clients de mon travail me trouveront trop tomboy.

La féminité ou ce qui perçut comme telle, ce n’est pas non plus une obligation sociale. À peu près tout ce qui est considéré comme féminin, sexy ou attrayant est peu pratique au quotidien et dispendieux. Oui, j’aime porter de jolies robes l’été et du rouge à lèvres parfois. J’aime sentir les fruits et avoir les cheveux roux même si je suis une châtaine naturelle. 

Tout ça, je ne le fais que pour moi et parce que ça me tente. Un lieu de travail qui impose un certain maquillage ou des talons hauts à ses employés me rend profondément inconfortable. Lorsque dans mon travail de libraire, je conseille les clients sur leurs achats et leurs prochaines lectures, ils se souviendront que le livre que je leur ai proposé leur a plu et que j’étais souriante. J’ose croire que mon apparence, tant qu’elle est décente et propre, leur importera peu. 

Tout ça peut paraître futile aux yeux de certains, mais dans notre société instagrammée au possible, on a le droit de considérer comme une victoire d’avoir réussi à ignorer ces conventions impossibles de magazines, de ne pas douter de l’autre lorsqu’elle nous dit qu’on est belle alors qu’on est en pyjama tout croche. Dans la confiance et l’acceptation de soi et de ses imperfections, chacun chemine du mieux qu’il/qu’elle peut, aussi lentement qu’il le faille. 

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Amélie Lacroix Maccabée

Bibliophile, créative et curieuse. Hypersensible se réfugiant dans les mots et les arts. Gamine dans l'âme et accro au sucre. Intéressée par la cause féministe, environnementale et par la diversité sexuelle et culturelle dans les médias et la littérature.

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