Entrevue : Common Holly, faire place à la vulnérabilité

Common Holly, c’est le projet de Brigitte Naggar, montréalaise d’adoption née à New York dont la musique fait écho tant au Canada qu’aux États-Unis. Après Playing House (2017), un premier album qui comptait notamment une collaboration avec Jean-Michel Blais et qui lui a valu une signature avec la maison de disque australienne Solitaire Recordings, elle propose When I say to you Black Lightning, un deuxième disque enivrant sorti en octobre dernier.

Sur When I say to you Black Lightning, on y retrouve à la fois le ton rock et délicat auquel nous avais habitué Common Holly, mais aussi l’exploration de sons plus bruts, qui naviguent entre l’électro-acoustique et le lo-fi. Pour cette nouvelle proposition, l’autrice-compositrice-interprète en fait un album laboratoire où elle s’est permis d’explorer de nouvelles avenues. « Je pense que la différence entre un deuxième album et un premier, c’est qu’on a le droit d’expérimenter. […] C’est de se dire, OK, qu’est-ce que je peux faire, quelles sont mes options, et avec chaque album, ça devient de plus en plus une expérimentation. » Sans vouloir uniquement être collé à l’étiquette folk, elle fait équipe avec Devon Bate à la réalisation, ainsi que Hamish Mitchell pour créer une ambiance distinctive, ponctuée de sons et d’échantillonnages. « Après avoir pris un an et demi à enregistrer des chansons différentes les unes des autres, on se demandait [avec Bate] comment on allait mettre tout ça dans un album. C’est à ce moment-là qu’on a engagé Hamish qui a tout pris et a tout réenregistré sur des cassettes. Il a fait ça plus analogue, et ça a fini par donner l’ambiance qu’on voulait. »

Si d’entrée de jeu le premier album, plus personnel, servait d’introduction, celui-ci laisse place à une création plus libre et axée vers l’autre. « J’essaie de mieux définir ce que je veux créer, je me vois entrer de plus en plus dans ça et je pense que les deux choses que j’aime le plus, c’est l’accessibilité et l’expérimentation. » […] Donc quelque chose de créatif, d’expérimental, mais aussi qui est accessible aux gens n’importe où, parce que je pense que c’est important d’avoir une connexion avec son public, de ne pas être limité. » Dans cette création, on retrouvera également les influences punks de la musicienne et de son ancien groupe Rose Bush. « J’aime beaucoup le genre punk et je pense vraiment que ça a influencé ma musique, spécifiquement dans les performances aussi. » Une référence qui s’entend entre autres sur Crazy OK, pièce en fin d’album qui a d’ailleurs failli ne pas s’y retrouver.

À travers des textes sensibles où s’entremêlent force et vulnérabilité, il y a aussi les questionnements et les histoires, celles qui s’invitent dans la vie de la musicienne, mais aussi dans celles d’amis, de gens rencontrés et inventés. « Quand j’ai écrit les chansons, ça venait de quelque part, c’est quand même sincère et honnête, mais je voulais vraiment que ce soit plus que ça. Je voulais engager d’autres personnes. » En résulte un disque ouvert, où l’auditeur est invité à faire ses propres interprétations des thèmes. « L’album parle un peu des difficultés qui arrivent dans la vie, celles que tu commences à découvrir peut-être dans la mi-vingtaine. Donc c’est sûr que c’est là, c’est présent et c’était un peu dans mon intention. Mais à part ça, j’aime beaucoup le mystère, ça m’enlève un peu de responsabilités ! Si je laisse les autres répondre, ça me met un peu plus à l’aise parce que ce n’est pas tout sur moi. »

Comprendre l’humain, donc, tant à travers soi (I Try), qu’à travers les autres, un thème qu’elle affectionne particulièrement. « C’est quand même un grand thème, mais je pense qu’à la fin, c’est ça ma passion, de comprendre les relations entre les gens dans le monde et les expériences qu’on a tous en commun. » Ces réflexions, Naggar les amène en douceur, parfois avec humour, parfois sous forme de métaphores. Une manière d’alléger et de relativiser le sujet, tout en prenant une distance par rapport à lui. Autre forme d’expérimentation, les mots, répétitifs et accourcis (You dance, It’s Not Real), deviennent un terrain de jeu puissant, qui prouve que de temps à autre, on peut « dire plus avec moins ».

Si l’enjeu de la santé mentale prend une place importante dans l’album, on ne peut passer sous le silence cette préoccupation bien présente dans le milieu de la musique. « On voit que c’est quelque chose qui atteint tout le monde, partout, mais c’est sûr qu’on peut dire que dans le milieu de l’artiste, c’est beaucoup présent. Et même, ma maison de disque à Toronto (Royal Moutain Records) a commencé un fond pour leurs artistes pour leur permettre d’aller voir des conseillers et thérapeutes. Ça a commencé l’année dernière. Donc, il y a un fond pour chaque groupe et ils commencent à essayer d’inspirer d’autres maisons de disques à faire la même chose parce que c’est vraiment une épidémie je te dirais dans le milieu, et ça les aide aussi si leurs artistes vont bien. »

When I say to you Black Lightning est disponible en format physique et numérique sur toutes les plateformes, et le lancement montréalais aura lieu le 26 novembre prochain à la Casa del Popolo. Tu peux te procurer un billet par ici et t’abonner aux pages Facebook et Instagram de Common Holly pour suivre ce qui s’en vient pour elle !

Photo de couverture : Common Holly, crédit : Alex Apostolidis

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Karine Gagné

Rédactrice en chef adjointe et cheffe de section culture pour Boucle Magazine, Karine évolue dans le domaine culturel à divers titre. À travers ses articles, elle met de l’avant une ligne éditoriale axée sur la scène locale et la découverte.

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