Postpartum

Alizé est née le 12 décembre 2018. Le 29 décembre 2018, pour la première fois, je me suis sentie heureuse de l’avoir. Ce n’était pas définitif. Cette pensée m’a brièvement traversé l’esprit pour se sauver aussi rapidement qu’elle s’était manifestée.

Ceux qui me connaissent savent bien à quel point je me languissais de faire des bébés. C’était LA chose que je voulais le plus au monde, mon objectif de vie ultime.

Je ne m’étais pas créé d’attentes irréalistes quant à la vie avec un bébé. Je me doutais bien que c’était un immense bouleversement et que c’était loin d’être facile. Mais c’est impossible de savoir comment on va réellement se sentir une fois que bébé sera là. Parce que les images qu’on regarde et les livres qu’on lit ne viennent pas avec les émotions qui accompagnent l’arrivée de notre enfant à nous. 

J’ai réalisé mon rêve. Je voulais un bébé, je l’ai eu. Je devrais être heureuse, non? Eh bien, ce n’est pas toujours ça qui se passe, et j’espère qu’un jour on n’aura plus peur de le dire. Parce qu’admettre que ça ne va pas si bien que ça, c’est un premier pas vers la guérison.

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Je suis contente de voir qu’on commence à parler un peu plus des aspects moins l’fun de la maternité. Je pense notamment aux documentaires When the Bough Breaks, disponible sur Netflix, et plus près de chez nous, Pas facile d’être mère, qui a été présenté à Canal Vie.

Dès le lendemain de l’accouchement, je pleurais. Beaucoup. De désespoir, de détresse, de tristesse. Sans trop savoir pourquoi. J’étais perdue, déboussolée devant l’immensité de la tâche. Je me demandais ce que j’avais fait. Pourquoi j’avais tant tenu à avoir des enfants.

J’ai obtenu mon congé de l’hôpital trop vite. Je n’étais pas prête. Quand je suis arrivée à la maison, j’avais mal partout et les idées embrouillées. Je ne reconnaissais plus rien. Comme si j’étais revenue dans un lieu étranger. J’étais incapable d’arrêter de pleurer ce soir-là, puis le lendemain, puis les jours et les semaines qui ont suivi. Au début, ça commençait en soirée. Ensuite, ça s’est mis à être de plus en plus tôt dans la journée. Puis le matin en me levant, puis tout le temps.

Ça s’en allait en empirant. Je ne savais même pas pourquoi je pleurais, mais j’avais le cœur en miettes et je me sentais démolie. Je n’avais le goût de rien, et surtout pas de m’occuper d’un bébé.

Mon instinct me dictait de la garder en vie, et c’était ce même instinct qui me faisait paniquer à l’idée qu’il lui arrive quelque chose. Mais l’amour dévorant qui fait exploser le cœur de joie et d’amour, ça, je ne connaissais pas. J’ai eu le goût de choker. J’ai eu le sentiment de regretter. L’impression que je ne passerais pas au travers.

J’espérais que ça passe. Que ce soit le fameux baby blues dont on entend souvent parler. Mais au fond de moi, dès les premiers jours, je le savais que c’était plus grave que ça.

Avant, je croyais que c’était un mythe, le chaos postpartum. Que les gens exagéraient. J’étais dans le champ. J’ai réalisé avec horreur que c’était vrai, tout ce qu’on disait. Que j’étais pas plus fine qu’une autre. Que ma vie à moi aussi s’était fait ramasser de plein fouet. Comme toutes les autres avant moi.

Après deux semaines à me sentir comme de la marde, je me suis tannée. J’ai appelé à l’unité des naissances de l’hôpital où j’avais accouché et ils m’ont reçue tout de suite. J’ai vu une psychiatre dans le temps de le dire, puis j’ai été prise en charge par une équipe extraordinaire. Ce n’était pas qu’un baby blues.

À ce jour, les choses s’améliorent tranquillement. La morale de cette histoire, c’est que c’est correct de pas vivre l’extase et que ça arrive bien plus souvent qu’on le croit.

Alizé est née le 12 décembre 2018 et j’ai laissé traîner ma joie de vivre quelque part sur le plancher de la salle d’accouchement. Mais c’est la plus belle et la plus douce, et ça, je n’ai aucun doute là-dessus. J’imagine que c’est quand même un bon début.

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