Et si elle m’avait crue…

Avec tout le bruit autour des agressions sexuelles et des violences faites aux femmes en ce moment, j’ai lu beaucoup de choses. Des pertinentes, des choquantes et même des fucking frustrantes (allô Madame Bombardier!). Sauf qu’il y a un type de texte qui est venu me tordre vraiment le cœur. Ce qui me percute dans tous ces discours, ce sont les témoignages des filles qu’on n’a pas crues. Ça me donne envie de crier. Littéralement.

Je vous en ai déjà parlé il y a bientôt 3 ans, j’ai été victime d’une agression sexuelle alors que je n’avais que 16 ans. J’avais gradué à peine quelques mois avant et je préparais mon entrée au cégep. Déjà, à mon bal des finissants, j’avais appris à la dure qu’être une femme, c’était être constamment vue comme une chose à prendre et j’avais été féroce pour éviter une agression d’un garçon plus vieux qui s’était introduit sur le site de la soirée. J’ai eu ce courage parce que j’étais en public et que des amies n’étaient pas très loin.

À la fin de l’été, j’ai vécu un agression sexuelle complète par deux jeunes hommes dans l’appartement de l’un deux qui habitait au sous-sol de chez ses parents. Je n’ai pas eu le même courage parce que j’étais terrorisée. Parce qu’on m’a menacée d’être la risée de ma petite ville. Parce qu’ils étaient deux et que j’étais seule. Parce que…

Ils étaient plus âgés que moi. C’était des amis de ma meilleure amie de l’époque, qui était un peu plus vieille que moi elle aussi. On avait fumé un petit joint dans le terrain vague adjacent à la maison avant d’entrer. On se sentait cool. Je n’avais aucune crainte; je m’en allais voir des gars et flirter, comme une fille de 16 ans… Puis, la soirée s’est étirée et ma copine est repartie à la maison, mais moi, je suis restée là-bas. Elle a toujours cru que je voulais rester. En quelque sorte, oui, un peu, parce que j’avais du plaisir, mais la ligne est mince entre le moment où on a du plaisir et celui où tout bascule. Ce que je ne voulais certainement pas, c’est ce qui s’est produit, une fois que mon amie est partie.

Et je ne les ai jamais dénoncés. Par peur, mais aussi parce que la première personne à qui j’en ai parlé m’a claqué la porte au nez. Ma meilleure amie de l’époque ne m’a pas crue. Celle avec qui je venais d’emménager pour entamer ma nouvelle vie de collégienne m’a craché au visage en me disant :  « T’avais qu’à pas rester là toute seule et flirter. »

Mon cœur s’est brisé en mille miettes. Je n’en aurais pas parlé à personne d’autre parce que j’avais tellement honte de revenir souillée pas ces deux hommes. Ces deux hommes qu’elle connaissait. L’un d’eux était son crush et ce qu’elle a pensé de moi est horrible. Si ma meilleure amie ne pouvait pas me croire, elle qui me connaissait si bien et qui a vu mon visage rempli de terreur quand j’ai cogné à la porte de sa chambre, qui allait me croire? J’ai gardé le silence pendant presque 15 ans par la suite. Même ma mère ne l’a su qu’à l’aube de mes 30 ans.

Crédit photo : Quotesgram
Crédit photo : Quotesgram

Et si elle m’avait crue…

Vous savez, je ne lui en veux pas à cette amie. Je l’ai dit il y a trois ans et je le répète aujourd’hui. Elle n’est pas la responsable de ce viol, elle est seulement le résultat de cette société qui maintient cette culture du viol. Je me demande seulement si les choses auraient été différentes si elle m’avait crue.

« T’avais juste à pas reste là seule. »

« T’avais juste à pas prendre un joint avant d’aller voir des gars. »

« T’avais juste à pas fréquenter des jeunes adultes alors que tu étais mineure. »

« T’avais juste à pas flirter avec eux. »

« T’avais juste à crier et te débattre. »

NON.

C’est aux agresseurs qu’il faut dire : « T’avais juste à pas être un horrible être humain! »

Ça suffit de mettre le blâme toujours sur la victime. J’en peux plus de lire ça. Les victimes ne sont PAS responsables de cette violence physique et psychologique qu’on leur inflige. C’est un non-sens qui me gruge tellement d’énergie, et on va se le dire l’actualité regorge de ces aberrations. De quoi me pomper un peu plus chaque jour. Il faut donc agir MAINTENANT pour changer les choses. 

J’ai été brisée à l’âge de 16 ans. Je pense à tous ces hommes que j’ai mal aimés par la suite. À tous ceux à qui j’ai permis de mal m’aimer aussi à cause de cet événement de vie traumatisant et dégueulasse. On a pris quelque chose que jamais on ne pourra me rendre.

Aujourd’hui, j’ai pu commencer à me guérir et c’est beaucoup grâce à tous ces débats et ces discours, aux femmes qui se battent pour briser le silence, pour redonner du pouvoir à ces femmes à qui on a volé leur dignité.

Je pense à ces hommes qui nous aiment. Ceux qui comprennent que quelque chose s’est brisé à l’intérieur de nous, mais qui nous aident à nous reconstruire, qui nous donnent l’espace et le temps pour nous réparer. Qui nous redonnent confiance et qui éduquent leurs (et nos!) enfants de façon à ce que l’histoire arrête de se répéter pour encore beaucoup trop de femmes.

À toutes ces femmes qu’on n’a pas crues …

ON VOUS CROIT!

 

Pour faire une différence,  pour protester et faire entendre votre voix, il y a aura aujourd’hui, le mercredi 26 octobre 2016, une manifestation au parc Émilie-Gamelin dès 17 h 30.  Pour plus d’infos, c’est par ici :  https://www.facebook.com/events/1114460498641519/

 

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Mélanie Galipeau

Rédactrice, gestionnaire de communauté, entrepreneure et intervenante sociale engagée. Addict du Web et fascinée par le concept de groupe. She's a dreamer. Elle aime les fleurs, les cupcakes et dormir. Quand elle ne dort pas, elle est constamment à la recherche d'instants de zénitude et de bonheur.

2 réflexions au sujet de “Et si elle m’avait crue…”

    • Bonjour Martine. Merci pour votre message, je savais que je n’étais pas seule à vivre ça. C’est aussi le genre de mots qu’on m’a attribué au travers cette histoire. C’est horrible de dire des choses comme ça à un victime. Plein de compassion et je vous dit bravo d’avoir mener le combat jusqu’à l’emprisonnement de votre agresseur.

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