Il arrive parfois, en lisant des livres pour le plaisir ou pour les cours, qu’on ait de la difficulté à les comprendre, car ils utilisent un vocabulaire trop technique et complexe. Lire du Hubert Aquin ou une analyse d’art contemporain sans perdre le fil, c’est loin d’être évident. J’ai ressenti un peu la même chose en lisant La vie est d’hommage de Jack Kerouac, mais pour des raisons complètement différentes.
Si vous suivez l’actualité littéraire, vous avez peut-être entendu parler de ce recueil de textes de Kerouac, qui publie pour la première fois ses oeuvres en français. En effet, les parents de Kerouac étaient d’origine québécoise et il a vécu au Québec jusqu’à l’âge de six ans avant de déménager dans la ville de Lowell au Massachusetts. Entre 1840 et 1930, des centaines de milliers de Canadiens français ont immigré dans cette région afin d’y trouver de meilleurs emplois. Kerouac a donc grandi parmi des gens qui parlaient souvent un mélange de français et d’anglais et il accordait un grand attachement à sa langue maternelle. Il n’avait toutefois pas eu l’occasion d’en apprendre toutes les subtilités écrites. En ouvrant les archives de Kerouac, en 2006, Jean-Christophe Cloutier, celui qui a mis en place et rassemblé cet ouvrage, a été surpris de découvrir beaucoup de textes en français. Il a donc épluché les archives, fouillé les feuilles gribouillées et les dossiers épars pour en faire un livre. Peu importe l’opinion que l’on peut avoir sur le livre, il faut saluer la patience et l’extrême minutie de Jean-Christophe Cloutier.
Bref, en amorçant ma lecture, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais j’ai été plutôt perplexe et perturbée tout le long de ma lecture. En fait, comme la majorité des textes sont écrits dans un langage franglais très oral, ils sont difficiles à déchiffrer. Ils présentent de nombreux anglicismes, erreurs d’orthographe, de grammaire et de syntaxe. Si vous trouvez que le joual est compliqué à lire, La vie est d’hommage se situe à un autre niveau complètement. Même si les histoires et les témoignages de Kerouac étaient intéressants, je n’ai pas pu les apprécier, car j’étais trop absorbée à tenter de les déchiffrer. Je comprends la volonté de vouloir montrer les textes dans leur authenticité, mais j’appréciais davantage les extraits en anglais ou les parties traduites par Jean-Christophe Cloutier.
Kerouac était assurément un grand écrivain qui savait créer des illustrations avec les mots et quelques phrases m’ont beaucoup touchée. Comme j’avais lu très peu de livres de Kerouac avant celui-là, je ne faisais pas partie du public cible. Cloutier explique que les textes en français de l’auteur permettent de comprendre des mystères qui subsistaient dans les oeuvres anglaises. On y raconte des aventures de jeunes hommes, souvent des alter ego de l’auteur, qui voyagent et tentent de survivre avec peu de moyens, mais beaucoup de rêves. On y retrouve des histoires complètes, des extraits de romans, une analyse littéraire, des lettres et diverses réflexions.
Ceux qui ont lu tous ses livres pourront sûrement mieux comprendre et apprécier La vie est d’hommage que les néophytes. Ce recueil peut aussi constituer une excellente matière pour ceux qui analysent la langue dans un cadre universitaire. En plus de mêler l’anglais et le français, il crée aussi des néologismes. Pour ceux que ce type de langage intéresse ou pour les fanatiques de Kerouac, je conseille de lire ces textes à voix haute et lentement. Les relire peut sûrement aider également.
En somme, il est clair que La vie est d’hommage possède un grand intérêt historique. Jean-Christophe Cloutier décrit et met très bien en contexte chacun des extraits. Il faut toutefois lire ce volume avec beaucoup d’attention pour en suivre les récits.
« Chacun a sa peur dans l’monde épouvantable. Quand qu’on est jeune comme ça la noirceur s’élarge plus vite qu’on grandit. Mais tu vouér toujours un etoile de ton lit chez vous, pis ça sa dur jusse qu’attemps t’es assez fort pis t’a pu besoin d’étoile pour t’ranforcer l’coeur. » (p.88)
Jack Kerouac, La vie est d’hommage, Éditions Boréal, 2016, Montréal, 347 pages, 29.95$
Amélie Lacroix Maccabée
L’image à la une provient du site www.editionsboreal.qc.ca