Dans cet article, le féminin est utilisé sans discrimination des genres, pour alléger le texte.
C’est toujours un bonheur de remettre les pieds au Théâtre d’Aujourd’hui pour goûter la pointe de l’iceberg du théâtre contemporain. Il faut dire qu’avec les réchauffements climatiques, ces îlots de poésie fondent aussi rapidement que les coupures en culture augmentent. Doit-on rappeler ici que, du 5 au 8 octobre, plusieurs salles mettront à votre disposition papier et crayons pour modifier le gouvernement en place ? Aussi en supplémentaire le 19 octobre prochain. Faites-vite, la prochaine représentation aura lieu dans quatre ans. Mais bon, je diverge.
C’est donc au Théâtre d’Aujourd’hui que j’ai vu Ce que nous avons fait, une pièce qui vaut son pesant d’or (pis elle est ben pesante). Ce que nous avons fait est une réflexion sur la schizophrénie. En fait, pas sur la schizophrénie directement, mais plutôt sur la famille d’une schizophrène, sur le poids, la lourdeur de cette charge pour les parents, sur cet enfant qui ne saura jamais s’occuper de soi. Celle qui, en grandissant, deviendra de plus en plus dangereuse pour elle-même. Que faire en tant que frère quand on veut passer à autre chose ? Quand on veut battre de ses propres ailes sans se soucier ? Quand on veut qu’on nous laisse tranquille ? Que faire en tant que parent ? Lorsque l’on prend sa retraite et tout ce qui meuble nos vies est la peur du téléphone ? La peur d’une mauvaise nouvelle ? D’une tentative de suicide ? D’un vrai suicide ?
Michel-Maxime Legault nous propose une mise en scène épurée, adéquate dans le décor de Marilène Bastien; le père, la mère, la fille, acculés au mur bleu poudre, éclairage hétérogène, comme s’ils étaient tous trois au fond d’une piscine, noyés sous l’émotion inévitable, emprisonnés tels des Sims dans une piscine à qui on aurait enlevé leur seule échelle.
C’est la sœur de Michel-Maxime Legault, son histoire, l’histoire de sa famille que Pascal Brullemans a accepté de mettre en mots. Une histoire magnifiquement rendue par Marie-Pier Labrecque dans le rôle de la sœur. Une performance de la folie, de l’isolement, tout à fait juste, loin de la caricature. Sylvie Drapeau, la mère, et Robert Lalonde, le père, sont sensibles, aimants, attentionnés, découragés, épuisés ; bref, humains. On les sent flirter avec la limite de l’amour filial. Doit-on toujours laisser tout tomber ce qu’on faisait à l’instant, les projets à long terme, les voyages, juste au cas où le téléphone sonnerait ? Peut-on dire « non » quand il sonne ? Dans Ce que nous avons fait, vous verrez leurs réponses, comment la mère et le père décident d’agir individuellement, et le résultat vous étonnera.
Ce que nous avons fait est sur les planches du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 22 octobre.