À propos de l’importance des librairies

Aujourd’hui, en regardant mes messages sur Facebook, j’ai vu cette nouvelle. La librairie Chapters au centre-ville allait fermer pour laisser place à la boutique de lingerie Victoria’s Secret.  À l’intérieur de moi, tout n’était que déception et frustration. Pourtant, dans la plupart des articles consacrés à cette annonce, le tout était accueilli comme la bonne nouvelle de l’année ou presque.

Ici, nous ne parlons pas de l’ouverture d’une boutique vendant des produits révolutionnaires non-disponibles au Canada ou de la découverte d’une avancée dans les recherches sur le cancer.  L’ouverture de cette boutique ne sera qu’un magasin de lingerie de plus parmi la quantité déjà ouverts. Les tiroirs de sous-vêtements des femmes montréalaises ne sont pas décimés par manque de choix.

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Je ne connais pas les raisons spécifiques pour lesquelles Chapters a décidé de fermer ses portes  et  je comprends que plusieurs personnes puissent apprécier acheter des dessous pour se faire plaisir. J’aime moi-même m’acheter de jolis vêtements. Là n’est pas le problème. Toutefois, était-ce vraiment nécessaire de le faire aux dépens d’une institution de la vente de livres au Québec qui manquera à plusieurs lecteurs comme moi? N’était-il pas possible d’ouvrir le Victoria’s  Secret un coin de rue plus loin?

Une librairie ou une bibliothèque, pour moi, c’est comme un temple. C’est un endroit où je peux entrer et tout oublier. C’est un endroit où je laisse mon téléphone moisir au fond de ma sacoche, où je m’arrête devant chaque belle couverture et me retient de ne pas tout emporter sur mon passage. C’est un endroit où j’ai envie d’aller m’asseoir dans un coin, les bras croulant sous les bandes dessinées pour cesser de penser à ce qui ne tourne pas rond dans ma vie.  C’est un endroit où les gens peuvent flâner, s’informer, acheter des cadeaux ou faire des provisions pour les vacances.

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Malgré le fait que je travaille dans une librairie de livres usagés,  l’intérêt que je porte à ce genre d’emplacements est toujours le même. Lorsque je suis allée aux États-Unis en juin, j’ai passé une heure dans la librairie de la rue principale, deux dans le Barnes and Nobles de la ville et j’ai visité la bibliothèque municipale et universitaire. Ce genre d’institution m’apaise, me réconforte et me donne en quelque sorte espoir en la vie. Ça peut paraître stupide, mais chaque fois qu’une personne achète des dizaines de livres à mon travail avec le sourire d’un chat ayant mangé une souris, je ne peux m’empêcher d’être heureuse.librairie2

Cette fermeture n’est malheureusement qu’une parmi tant d’autres. Souvent, je lis dans les journaux qu’une petite librairie indépendante de Montréal ou Québec a dû fermer ses portes.  Le sort des magazines et des journaux n’est guère mieux.

Chaque fois qu’une librairie ferme,  qu’un magazine disparaît, qu’un journal intéressant songe à délaisser le format papier, je fulmine, j’ai envie de crier.  Vous allez vous dire que je prends ça un peu trop au sérieux, mais les livres apportent énormément dans ma vie. Ici, je ne parle pas de Kindles, de IPad ou tout autre machin sensé remplacer un livre. Non, je parle de ces centaines de pages que je traîne toujours dans mon sac à main et qui me permettent d’échapper à la foule dans les lieux publics.

C’est cet amas de papier qui alourdit mes épaules à chaque fois que j’ai le malheur d’entrer à la Bibliothèque Nationale. Ce sont ces bouquins qui envahissent mes tables et mes bureaux et que je classe méthodiquement sur mes tablettes. C’est un livre avec des taches de café, une couverture racornie d’avoir été emportée partout, des mots que je souligne au marqueur pour les retranscrire dans un cahier. Ce sont des personnages qui me font rire toute seule dans le métro. Ce sont  tous les titres que j’essaye de déchiffrer peu subtilement dans les transports en commun lorsque les gens lisent.

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J’essaie de me dire que malgré tout, les librairies et les livres papiers ne sont pas destinés à mourir au profit d’une nouvelle technologie ou d’un nouveau magasin international. J’essaie de croire qu’il y aura toujours des gens pour se détruire le dos à transporter des tonnes d’ouvrages dans leur sac. J’essaie de croire qu’il y aura toujours des intellos  pour aimer fouiner dans les librairies plutôt que de commander des livres sur internet. J’ai besoin d’y croire.

Et vous, comment avez-vous réagi en apprenant cette nouvelle?

Amélie Lacroix Maccabée

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Amélie Lacroix Maccabée

Bibliophile, créative et curieuse. Hypersensible se réfugiant dans les mots et les arts. Gamine dans l'âme et accro au sucre. Intéressée par la cause féministe, environnementale et par la diversité sexuelle et culturelle dans les médias et la littérature.

2 réflexions au sujet de “À propos de l’importance des librairies”

  1. Je dois avouer que je me serais réjouie de l’ouverture d’un Victoria’s Secret si ce n’avait été du fait qu’il allait remplacer le Chapters. Ça me brise le cœur. Je pouvais passer de longs moment à y fouiner…

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    • C’est ça que je trouve dommage: qu’on doive sacrifier une librairie pour ouvrir autre chose. Au moins, il parait qu’ils vont rénover et agrandir le Indigo à quelques rues de là.

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