Texte d’Eugène Ionesco
Dans une mise en scène de Frederic Dubois
Je dévoile tout de suite le ‘‘punch’’ : j’ai un coup de coeur pour Frédéric Dubois. Il est sans doute le metteur en scène le plus prometteur de la relève.
C’est dans cette optique que le Théâtre du Nouveau Monde l’a probablement invité (enfin!) à faire son entrée dans la grande institution. Ce ne fut pas étonnant d’assister à la réussite d’un autre projet d’envergure du jeune créateur. Ce qui le fut, c’est plutôt de voir comment, en 1 heure et 45 minutes exactement, il réussit à renouveler l’image même du fameux (et poussiéreux?) TNM. Abaissant le mur des conventions du ‘‘spectacle mondain’’, Frédéric Dubois offre, avec ses comédiens un spectacle des plus rafraîchissant.
C’est par une mise en scène taillée et un décor (d’Anick La Bissonière) épuré, qu’il réussit en grande partie à donner cette bouffée d’air frais à la pièce. Ce dernier se limite à une chaise à roulettes bon marché, type Ikea, servant de trône (oui, oui, de trône!) au roi qui se meurt et à l’immense miroir au fond de la scène, qui rabat l’image de la foule venue assister au spectacle… et, de toute évidence, à l’agonie du roi. Cette ironie du double-jeu s’inscrit parfaitement au type d’humour de Ionesco et s’adapte très bien à la mise en scène impeccable de Dubois. Il capte tout, tant dans la salle que sur la scène et sert, de ce fait, à combler l’espace du plateau. La superficialité d’un décor chargé n’est pas nécessaire, lorsqu’il y a déjà suffisament à voir avec les comédiens et leurs doubles. Après tout, les spectateurs ne sont-ils pas eux-mêmes une source de spectacle ? Impliqués dans un décor où ils se voient projetés, en même temps que la pièce qui se déroule sur leurs yeux, ils sont confrontés à un double-rôle en amateur. Qui osera juger qui ? La foule au roi ? Le roi aux spectateurs ? Les critiques aux comédiens ? La ligne est mince entre ceux qui jugent et celui qui est jugé. Frederic Dubois a compris que Ionesco ne se partageait pas avec des effets tappe-à-l’oeil, mais bien par des idées dépouillées, par des propos toujours actuels qui touchent tout autant les spectateurs. Le discours du roi est un peu celui de tous et celui qui n’est dit de personne. Celui qu’on entend partout, mais qui ne nous rentre toujours pas dans la tête. Oui, nous allons tous mourir, mais encore ? Qu’allons-nous laisser derrière nous ? La jeunesse du roi Bérenger rappelle qu’il n’y a pas d’âge à la mort et pas d’âge pour commencer quoi que ce soit. Il y a pourtant plusieurs façon de se préparer à cette éventualité, mais on ne se sens jamais tout à fait prêt à partir, avec le sentiment que tout resterait encore à faire. Le miroir est définitivement l’élément indispensable du décor. Criant de vérité, il insiste sur la proximité du texte (un peu long, mais très bien soutenu par les acteurs), des mots et de la réflexion de l’auteur au public. En plus, il offre un charmant jeu visuel, rarement exploité à ce point. Les costumes (Linda Brunelle), parfois simples, d’autres fois géométriques et extravagants, conviennent bien à la personnalité de chaque personnage. L’ambiance générale tient aussi à l’éclairage et au son, qui soupèsent l’étrangeté de la pièce. Les comédiens (Benoît McGinnis pour le roi, Kathleen Fortin pour la bonne, Patrice Dubois fait le médecin, Violette Chauveau en la raisonnée Marguerite, Isabelle Vincent dans la peau de la lolita et reine Marie, Émilien Néron dans le rôle du garde) sont tous excellants et se complètent à merveille grâce à une direction d’acteurs très soignée.
Présenté au Théâtre du Nouveau Monde, jusqu’au 9 février.
Je t’invite à découvrir mon blog sur la culture la mode et la photographie. Je le débute.