Petits appareils/Small appliances : souvenirs d’une vie commune

Petits appareils/Small appliances : souvenirs d'une vie commune, Boucle Magazine

D’une simplicité bouleversante, cette création de Manolis Antoniou est produite par la compagnie Boulouki Théâtre et coproduite par le théâtre Espace Libre. Il s’agit de la deuxième création de cette compagnie, qui aime utiliser l’art du storytelling et qui favorise les espaces intimes. Petits appareils/small appliances n’a pas fait exception à la règle, œuvre qui explore en deux temps les notions du vide, de la solitude et du deuil.

On assiste d’abord à une première partie dans l’obscurité, se laissant bercer par le son de témoignages audio. On y entend entre autres des récits sur l’amour (avec un grand A) et sur les absences qui se font ressentir. Cette narration devient ensuite liée à certains objets du quotidien, qui sont eux mis en évidence par des jeux de lumière signé Chantal Labonté. Par cette mise en scène, les objets semblent prendre vie et incarner les souvenirs, la mémoire d’une vie commune. La seconde partie, plus concrète, se déroule dans une cuisine et l’on y suit une dame le temps d’une matinée d’apparence banale. Pourtant, ce qui est loin de l’être est l’émotion qui y est sous-jacente, qui tente d’être refoulée par le personnage.

La solitude dans chaque geste

Ce solo est interprété par Louise Bédard, figure de la danse contemporaine. Démontrant une grande vulnérabilité, elle nous montre avec finesse l’intimité d’une personne qui lutte contre la solitude et la perte d’un être cher. De façon presque ritualisée, elle allume une dizaine de chandelles, change son bouquet de fleurs, coupe des oignons et se prépare un café. Des gestes du quotidien habités du passé, qui transpirent la résilience. On se sent privilégié.e d’assister à ces simples tâches et d’être témoin du temps qui passe drôlement lentement quand on se sent seul.e. Je souligne le choix assumé de faire durer le silence et la longueur de chaque instant, faisant écho à des moments que nous avons tous et toutes vécu. J’étais hypnotisée par les gestes exécutés avec grande précision par l’interprète, emplie de sensibilité. On arrivait à percevoir sa dualité, entre le souhait de se remémorer des souvenirs, puis de continuer sa propre vie malgré la tristesse de la perte.

Crédit photo : Maryse Boyce

Une œuvre multisensorielle

Ce que j’ai particulièrement apprécié de cette pièce est le fait qu’elle nous fait voyager à travers nos multiples sens. La conception d’éclairage rendait l’ambiance chaleureuse, tout en mettant en évidence les objets qui nous entourent et qui constituent notre existence. Une impression dans la première partie d’être au musée et de découvrir de simples choses, tels une lampe, un téléphone ou un cadre, mais qui prennent un tout autre sens quand ils sont accompagnés de témoignages, les rendant vivants. Par ces voix hors champ, on pouvait se laisser transporter dès le début de la pièce, se déposant au rythme sonore des anecdotes. Puis, comme dans une maison réellement habitée, de multiples odeurs se mélangeaient, entre les chandelles allumées, comme des cierges, l’odeur d’oignons coupés et le café fraîchement chauffé, se répandant dans la pièce et ajoutant au réalisme d’une vie qui se poursuit.

Crédit photo : Maryse Boyce

Bien qu’à mon avis, il manquait un peu de liens entre les deux parties, avec deux tons plutôt distincts, je recommande cette œuvre pour sa douceur et son humanité. Je note quand même une préférence pour le deuxième segment de la pièce, qui m’a davantage captée et touchée.

Vous pouvez toujours assister à Petits appareils/small appliances jusqu’au 8 novembre 2025, dans la salle Gravel-Ronfard du théâtre Espace Libre. Pour les billets, c’est par ici.

Crédit photo de couverture : Maryse Boyce

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