Il y a quelque temps, je me suis blessée dans le cadre de mes cours de danse. Après plusieurs consultations, le diagnostic est tombé : bursite inter capito-métatarsien. En bref, un amas de liquide emprisonné dans une poche entre deux métatarses probablement causé par mon sport fétiche : la danse en ligne sportive. Une grosse douleur, un engourdissement et un congé forcé : impossible de pratiquer un sport d’impact sollicitant les pieds et impliquant des changements de direction fréquents.
Ce fût un deuil, un immense deuil, car en dansant 4 heures par semaine mon anxiété allait mieux, ma charge mentale paraissait moins lourde, mon stress était en baisse et ma forme physique allait de mieux en mieux. Donc, après avoir changé tous les souliers de ma garde-robe et m’être habituée aux orthèses en ne sachant pas quand je pourrais recommencer les cours de danse — une bursite sous le pied étant assez difficile à guérir — je me suis dit qu’il fallait que je trouve quelque chose pour remplacer ce loisir.

Étant tout de même obligé de marcher avec mes souliers orthopédiques, j’ai eu envie de travailler un jour par semaine dans un deuxième emploi pour me ramasser un peu de sous. Une deuxième job qui ferait changement de ma job de semaine. En juillet dernier, j’ai commencé à travailler les dimanches dans une boutique tailles plus. J’ai rejoint des collègues de tous les âges, avec toutes sortes d’objectifs. Certaines travaillant à temps plein, d’autres à temps partiel. Si, par le passé, j’ai travaillé en restauration et en quincaillerie, et que ma carrière actuelle est en éducation, je n’ai cependant jamais travaillé dans une boutique de vêtements.

Eh bien, comment dire? J’adore ça! Mes collègues sont fantastiques. Elles m’ont accueillie et m’ont tout montré, puis nous formons maintenant, une fois par semaine, une super équipe! S. est une jeune femme bienveillante, apaisante et une formatrice hors paire et innovante. B. est une femme dans la soixantaine à la retraite qui contribue grandement au fonctionnement de la boutique et qui, comme elle le dit elle-même, « désire bouger et ne pas rester à ne rien faire ».
Toutes deux sont devenues mes complices du dimanche et ont le même objectif que moi : aider les femmes. En commençant à assister des clientes aux cabines d’essayage, j’ai constaté une chose : les femmes sont dures envers elles-mêmes. Je les entends utiliser des commentaires vis-à-vis leurs corps : des mots très durs. On sent encore aujourd’hui combien la pression est forte pour avoir l’air « moins grosse ». Les aider est parfois un baume sur leurs complexes et certaines repartent même en nous disant « merci, je me trouve belle avec tel morceau ». Bien sûr, ce ne sont pas toutes les femmes, et chacune a son cheminement à faire, mais les conseiller, les aider et leur permettre de vivre cette petite pause magasinage le plus agréablement possible me motive à chaque semaine.

Mes collègues m’ayant appris comment faire les ajustements de soutiens-gorge, j’ai également la chance de me sentir utile. Utile envers moi-même, car après cette formation, j’ai réalisé que je n’ai jamais su comment m’en acheter un à la bonne taille. Puis, utile pour les clientes qui ont parfois des besoins spécifiques et qui ont de la difficulté à trouver le bon soutien-gorge : poitrines atypiques, asymétrie des seins, transformation des seins suite à des changements corporels, reconstruction mammaire, taille des seins, premier soutien-gorge, besoin de lingerie pour se sentir bien, etc. Les besoins ne manquent pas et l’accompagnement qui passe par le service d’ajustement est très apprécié.
La vie est bien trop courte pour ne pas être confortable dans sa brassière, misère!

La situation d’une cliente m’a particulièrement touché récemment. Elle avait besoin d’un soutien-gorge s’attachant en avant, car elle est atteinte d’arthrite. Le temps de trouver le bon modèle, elle m’a parlé de sa souffrance articulaire et des mesures adaptatives qu’elle doit maintenant intégrer à sa vie. L’éducatrice spécialisée en moi l’écoutait et tentait le tout pour qu’elle reparte avec ce dont elle avait besoin. Oui, dans ce travail souvent boudé ou vu de haut par la société se cache des habiletés essentielles pour aider. Ce jour-là, je me suis sentie utile pour elle et j’ai souhaité faire une petite différence dans sa journée.
Une amie m’a déjà dit que le service à la clientèle devrait être obligatoire au moins deux ans pour tous. Ce n’est pas fou comme idée, car on en découvre beaucoup sur l’humain et ça va bien au-delà du travail en boutique.

Bref, mon nouveau cours de danse, ce sont mes journées dominicales avec mes collègues. J’y danse aussi, mais d’une autre façon. Une nouvelle façon de bouger, de me sentir utile et d’arrondir mes fins de mois tout en étant en mouvement! Le service, le soutien en cabine, les caisses, replacer les piles de vêtements sans relâche, placer les cintres du même côté, et plus encore, sont les mouvements de danse que les clientes ne voient pas, mais qu’elles apprécient. N’ayant jamais travaillé dans une boutique de ce genre avant, je ne réalisais pas à quel point les petites abeilles fournissent des efforts pour que l’expérience de magasinage soit agréable pour leurs précieuses clientes. Après tout, c’est le facteur humain qui fait la différence entre le magasinage en ligne et celui en personne!
En attendant de pouvoir retourner danser, je profite de cette nouvelle expérience de vie au maximum.
Mes précieuses collègues S. et B. on se voit dimanche!