Texte et mise en scène d’Olivier Kemeid
Pour ceux qui, comme moi, ont manqué l’année dernière Moi, dans les ruines rouges du siècle d’Olivier Kemeid, au Théâtre d’Aujourd’hui, c’est le moment de vous rattraper ! Explorant à nouveau le sujet de l’exil, cette récente création nous replonge au cœur d’un printemps de violence, dans une Égypte embrasée et dissipée pour la seconde fois de son histoire. Elle nous rappelle que tout reste encore à faire… bien qu’il semble que nous ne soyons pas ceux qui pourront y changer quoi que ce soit.
Mathieu est fils d’une mère québécoise et d’un père égyptien (exilé au Québec depuis la Révolution de 1952). Allant à la rencontre de ce côté de la famille qu’il n’a jamais connu, il comprend bien rapidement que son voyage ne sera pas aussi paisible qu’il s’y attendait…
Loin des grandes retrouvailles, il se creuse un fossé entre le sang mêlé et le sang pur. Entre celui qui veut aider et ceux qui savent que rien ne peut changer. Entre l’exilé et ceux qui sont restés. Entre le canadien francophone tout blanc, tout naïf, qui n’a jamais connu la guerre et une Égypte en crise, qui n’a jamais vraiment connu de trêve. Pourtant, il y a bien un lien familial, séparé depuis la naissance, qui se maintient et se tiraille entre deux pays, deux pensées, deux espoirs. Ceux qui sont restés savent qu’ils ne connaîtront pas mieux, ceux qui sont partis n’auront pas la tranquillité d’esprit pour autant, déchirés par leur double-nationalité et leur statut de réfugié, quand à leurs enfants… et bien, ils n’ont pas choisi. Au fond, ils sont tous à leur façon furieux et désespérés, parce qu’impuissants, malgré toute bonne volonté.
L’histoire et son propos peuvent sembler lourd, mais il n’en est rien. Le texte est parsemé de petits instants de répit, légers et amusants, qui rendent la pièce accessible à tous. La mise en scène garde un certain contrôle du récit tout en lui donnant une belle fluidité. Émilie Bibeau et Marie-Thérèse Fortin sont sublimes dans leurs rôles, respectivement Nora (la fougueuse et têtue jeune fille) et Béatrice (au changement de caractère déconcertant), la cousine du père de Mathieu et l’hôtesse de son séjour. Un décor simple et efficace (une palissade de boîtes en carton), accentué par des jeux sonores et visuels, suffit amplement à recréer les multiples lieux et abymes d’un pays qu’on ne connait que trop peu. À voir !
Présenté au Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 16 mars
Une production de la troupe Trois Tristes Tigres