J’ai eu la chance d’assister à Neige sur Abidjan, présentée dans la salle Michelle-Rossignol au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Cette pièce m’a fait voyager, rire et pleurer. C’est un partage intime et émouvant, une expérience rare et précieuse au théâtre.
Une histoire de rencontre entre deux comédiens d’exception
Neige sur Abidjan puise ses racines dans un voyage marquant qu’Iannicko N’Doua a entrepris en Côte d’Ivoire en 2008. Avec une grande vulnérabilité, l’auteur et comédien y raconte son histoire : celle d’un père et d’un fils, séparés depuis plus de vingt ans et qui, après une longue correspondance, se rencontrent enfin à l’âge adulte. Sur scène, Hamadoun Kassogué incarne avec majesté le Griot, gardien de la mémoire familiale et des récits ancestraux. C’est lui qui guidera Iannicko dans sa quête d’origine et l’aidera à comprendre les liens profonds qui l’unissent à son père. Le Griot invite Iannicko à plonger dans ses souvenirs, un voyage intime qui prend la forme d’un récit émouvant, poétique et onirique, tissé de fragments d’histoires personnelles, de réminiscences de voyage et de lettres échangées. La parole du Griot, souvent au tu, met en lumière son rôle de gardien de la mémoire et permet de jouer sur les temporalités, les espaces et les souvenirs.
J’ai vraiment apprécié la complicité entre les deux interprètes, un lien palpable les unit. Leur jeu, malgré quelques petits accrochages dans le texte, reste juste et captivant. J’avais envie de les écouter et de me laisser porter par ce voyage. Les propos, plein de nuances et surtout d’humanité, m’ont profondément touchée. Bien que l’on soit au théâtre, j’avais l’impression d’entendre le témoignage intime d’un ami. Iannicko est un comédien extrêmement talentueux, et dans cette première pièce qu’il a écrite et co-mise en scène, son jeu s’allie parfaitement à sa sensibilité et à sa volonté de partager son histoire, qui, j’en suis convaincue, résonnera chez d’autres. Deux monologues de Iannicko m’ont particulièrement touché. Dans l’un, il dit à son père toutes les raisons pourquoi il lui en veut, et c’est un moment très émotif et vulnérable que l’acteur nous partage. Le monologue de la fin, plus poétique, parle quant à lui de mémoire et de filiation, un moment d’une rare beauté. La mise en scène de Marc Beaupré joue également un grand rôle dans la beauté de l’ensemble de l’œuvre.
Une mise en scène épurée, mais pleine de sens
J’ai absolument adoré la mise en scène. Elle était d’une grande simplicité, mais incroyablement évocatrice. À l’avant, un petit banc, et en fond, deux grands panneaux translucides montés sur des structures de bois qui servaient tour à tour de bancs ou de lits. L’éclairage était parfaitement conçu et suffisait à nous faire voyager entre différents espaces et temporalités. La musique, très présente et variée, nous transportait d’elle-même. Chaque élément de cette mise en espace m’a séduit. C’était un décor idéal pour représenter ces non-lieux, ces espaces de réflexion et de mémoire. Je n’ai aucun commentaire négatif sur la mise en scène, c’est pour moi une totale réussite. Les panneaux permettaient des jeux de miroirs vraiment intéressants, tout en servant d’écrans pour projeter des archives. J’ai tout aimé.
En bref, c’est une pièce profondément humaine, à la fois simple et riche de complexité. Elle nous embarque dans un voyage touchant et parfois triste au cœur des souvenirs d’un homme qui n’a jamais connu son père. C’est beau, souvent drôle, mais surtout empreint d’une grande humanité. Je suis sortie du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui encore enchantée.
Neige sur Abidjan est présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 23 novembre. Pour des billets, c’est par ici.
Photo de couverture : Valérie Remise