Entrevue : KROY, en plein mouvement

Entrevue : KROY, Militia, Boucle Magazine

Après nous avoir proposé un premier élan solo avec Scavanger il y a maintenant huit ans, KROY, projet de Camille Poliquin, marquait récemment son retour avec MILITIA, une collection de pièces rassemblant des bribes de vie des dix dernières années. Dans cet éloquent survol, l’autrice-compositrice-interprète nous raconte ces moments chargés d’émotions au travers desquels elle a navigué, mais surtout évolué. Maintenant dans la trentaine, celle qui forme la moitié du duo Milk & Bone présente un deuxième album à la fois sombre et puissant, teinté de mélodies électros lumineuses. Un univers dichotomique qu’elle se plaît à approfondir tout au long des douze extraits que forme cette milice, prête à braver les tempêtes.

Vulnérabilité

« Ça ne m’arrive jamais d’écrire quand je me sens bien ou quand rien ne me dérange. [Cet album], c’est un peu un catalogue de tous les moments difficiles que j’ai traversé pendant ces dernières années, comment j’ai réussi à naviguer au travers tout ça et à mieux me l’expliquer. » raconte Camille, dont les textes retracent, dans une grande intimité, les tourbillons vécus lors de cette période de changements. Une proximité émotive qu’elle s’est permis d’explorer sans filtre. « Quand j’écris, on dirait presque que j’oublie que les chansons vont sortir un jour! C’est un album qui est tellement personnel, c’est un peu comme ouvrir mon journal intime » ajoute-t-elle.

Mémos vocaux et bouts de papier accumulés, anciens comme récents, ont ainsi permis de construire ce second ouvrage, dont l’ancrage est plus solide que jamais. « On dirait que cet album-là, c’est comme mon retour aussi. J’avais tellement hâte de le sortir et de continuer à faire des choses! Ça m’a donné la confiance de continuer à travailler et en même temps, la confirmation que ça vaut la peine de le faire. Parfois, dans un projet solo, c’est difficile de se convaincre soi-même et de se prouver que ça vaut la peine. Souvent, ma confiance ou mon syndrome de l’imposteur essaie de me convaincre du contraire, mais on dirait que là, j’ai vraiment envie de naviguer sur cette vague de confiance et de reconnaissance pour continuer à faire de la musique et de ne pas attendre 8 ans avant d’en sortir! (Rires) »

Un terrain de jeu créatif

Si la dernière décennie a laissé le temps nécessaire à l’écriture, elle a aussi servi de terrain de jeu pour les explorations musicales. L’introductrice KILLSWITCH dresse la table : textures enveloppantes et mélodie chatoyante s’installent, alors que DEFENDER prend le relai avec ses sons digitaux tranchés, peu de temps avant que le doux intermède BLUEBIRD ne résonne et que les guitares ne suivent. Il n’y a pas de doute, avec MILITIA, KROY, qui assure pour une première fois le rôle de directrice musicale, s’est fait plaisir. « C’est comme le contraire d’un album concept! » lance-t-elle. « Souvent, ces disques sont faits dans une période de temps plus limité avec une instrumentation et une esthétique qui est similaire. Dans ces pièces-là, j’ai l’impression que c’est un survol de tout ce que j’ai exploré dans les dernières années. Il y a des chansons qui sont par exemple beaucoup plus acoustiques comme THE WOLF et CREATURE. Je me souviens que c’est une période où j’écoutais beaucoup de Marissa Nadler et de Jessica Pratt, qui s’accompagnent aussi beaucoup de guitare, un instrument avec lequel j’avais rarement travaillé auparavant. En parallèle, il y a des chansons beaucoup plus digitales, comme GHOST. Ça représente un peu tout ce voyage de recherche identitaire musicale que j’ai fait au travers des années. »

Approfondie lors de la pandémie, cette recherche musicale et digitale, KROY l’a également creusée lors d’un projet de résidence au Centre PHI — ANIMACHINA – animisme et némésis — au cours duquel elle a pu explorer les liens entre robots et musique. « À la base, si je poussais l’idée au maximum et qu’hypothétiquement, la pandémie perdurait pour toujours et que je ne pouvais plus être dans la même pièce que mes musiciens, je me suis demandé comment j’imaginerai un spectacle dans une physicalité qui serait intéressante. Mais c’est loin d’être seulement pratique, il y a aussi tout l’aspect esthétique de la robotique que j’aime. Je suis donc partie sur une tangente et je pense que ça a aussi beaucoup influencé ma musique » raconte-t-elle. 

Les imposants robots industriels maintenant apprivoisés, Camille compte continuer d’explorer les différentes avenues possibles à ce projet qui se poursuivra du côté de Toronto cet automne, cette fois en partie avec les pièces du plus récent album. « J’ai tellement de fun avec ce projet! On dirait que j’y retrouve un peu la candeur de quand j’ai commencé à faire de la musique, avant que ça ne me définisse et que ça devienne ma carrière. Ce que j’aime de mon travail avec les robots, c’est que là-dedans, il n’y a rien qui est attendu de moi et rien que je peux quantifier ou qualifier. C’est vraiment juste de la recherche et je me sens vraiment comme une enfant, prête à essayer et à apprendre plein de choses! Je retournerai voir les robots cet automne à Toronto et on utilisera sûrement des pièces de l’album MILITIA, qui sont super digitales, pour leur apprendre à les jouer, mais avec des instruments acoustiques. »

MILITIA sur scène

Entourée de plusieurs collaborateurs pour la réalisation de chacune des pièces de ce plus récent album, avant de ne monter sur scène pour sa prochaine tournée, l’autrice-compositrice-interprète insiste sur l’importance du travail d’équipe dans la réalisation de ce projet de longue haleine. « Je suis tellement contente d’avoir travaillé avec des gens qui eux aussi, n’avaient pas peur d’aller dans cette noirceur-là! » dit-elle. Parmi ses acolytes, on compte d’ailleurs Guillaume Guilbault, collaborateur et ami de longue date qui avait également participé à l’album Scavanger, ainsi qu’à sa précédente tournée « Je pense que je n’ai jamais fait un concert sans lui! On s’est rencontré au Cégep lui et moi. Quand on a commencé, on faisait des covers de Katy Perry sur YouTube! » raconte-t-elle. « J’adore travailler avec des gens qui peuvent rester à mes côtés très longtemps parce qu’on grandit un peu en même temps. Aussi, avec des collaborateurs comme Guillaume par exemple, on se connaît depuis tellement longtemps qu’il y a une confiance qui est là et qui est un peu intouchable. Même chose quand on fait des chansons en live. Cette confiance fait que je me sens absolument libre créativement. »

Le public aura l’occasion de le constater par lui-même au cours des mois à venir, alors que KROY s’arrêtera dans plusieurs salles du Québec pour présenter MILITIA. Après une tournée printanière avec la formation Ghostly Kisses et un spectacle sur la Scène principale du Festival de Jazz de Montréal cet été, Camille est d’ailleurs fin prête à remonter sur scène. « Je ne savais pas comment j’allais me sentir de retourner sur scène en solo et finalement, j’ai adoré ça! Il y a une liberté vocale dans ce projet qui me fait tellement de bien et j’éprouve presqu’une catharsis à chanter ces pièces sur scène. J’ai eu tellement de fun lors de ces spectacles, surtout au Festival de Jazz. C’était incroyable, il y avait tellement de monde! Ça m’a vraiment donné l’énergie et l’envie de refaire plein de concerts! »

KROY sera en spectacle le 28 septembre prochain au Théâtre Fairmont dans le cadre du festival POP Montréal. Pour connaître toutes les prochaines dates au calendrier, c’est par ici! L’album MILITIA est disponible dès maintenant en format physique et numérique sur toutes les plateformes d’écoute.

Crédit photo de couverture : Gerardo Alcaine

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Karine Gagné

Rédactrice en chef adjointe et cheffe de section culture pour Boucle Magazine, Karine évolue dans le domaine culturel à divers titre. À travers ses articles, elle met de l’avant une ligne éditoriale axée sur la scène locale et la découverte.

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