C’est un temps d’arrêt que nous propose Peter Peter avec Session Live H2T, nouvel EP acoustique dans lequel l’auteur-compositeur-interprète se plait à revisiter six pièces de son répertoire, du premier album homonyme entièrement enregistré de manière analogique, jusqu’au plus récent Super Comédie. Si en plus de 10 ans les méthodes ont changées, l’essence, elle, reste la même. Revenu au Québec l’an dernier après avoir passé un peu plus de 8 ans en France, avec ce mini-album, l’artiste offre ici une formule guitare/voix efficace qui met de l’avant la délicatesse des mots et des mélodies, qu’on redécouvrent ici dans leurs formes initiales.
De retour au studio Hotel 2 Tango pour l’enregistrement du EP, Peter Peter a également fait équipe avec Dominic Vanchesteing pour la réalisation de cette session live, filmée en plans séquences. Parce que si les choses et les sons évoluent à travers les années, le désir de suivre ses envies et de rester authentique subsistent. Un décor dépouillé, meublé par l’éclairage et la musique permettent une captation habitée par la vulnérabilité, un message que l’artiste essais d’ailleurs de transmettre depuis le tout début dans ses albums. « [C’est un] personnage qui n’en est pas un, je suis assez transparent dans mes inquiétudes, dans mes doutes et dans mes éternels questionnements. Je n’ai jamais voulu proposer une super icône de la pop », me disait Peter Peter dans un café de Rosemont, où l’on a discuté de ce nouvel EP et de son retour sur scène aux Francos de Montréal qui aura lieu le 15 juin prochain.
Boucle Magazine: Tu marques ton retour au Québec avec la sortie de ce EP de reprises de ton répertoire. Est-ce que ça a eu un effet rétrospectif pour toi?
Peter Peter: On a tourné dans le studio où j’ai enregistré mon premier disque en 2010, alors j’ai vraiment eu l’impression de boucler la boucle. Jouer mes albums, ça a un peu fêté mes dix ans de carrière. C’est facile de voir l’allégorie et tout le monde fait un peu l’analogie avec l’heure des bilans. Après quatre disques et dix ans de carrière, je commence à me dire que j’ai passé à travers pas mal de trucs et d’époques musicales. C’est pas 20 ans encore, mais c’est porteur de beaucoup de sens.
BM: Est-ce que c’était un hasard de retourner enregistrer dans le même studio?
PP: J’ai toujours voulu réenregistrer là. L’Hotel 2 Tango c’est un endroit que j’aime beaucoup: s’il y a un studio organique à Montréal, c’est bien celui-là. On a tourné avec des vrais plans séquences et je vis un peu à l’ancienne par rapport à ça. Je me rends compte que les gens ne prennent plus nécessairement ce risque-là et que les lives, le streaming et les captations, ce sont souvent 4 ou 5 takes, tu prends les meilleurs bouts et tu peux couper les caméras. Il n’y a plus vraiment le feeling d’être on the edge.
BM: Ce retour à la base, tu le fais aussi avec la guitare qui commençait déjà à revenir un peu plus avec Super Comédie.
PP: Avec l’album Noir Eden, c’est une tournée que j’avais écourtée parce que je ne jouais pas assez de guitare. Je m’ennuyais un peu sur le stage, l’ordinateur faisait à peu près tout. Ça avait un côté contraignant qui ne me rejoignait pas nécessairement. J’aime l’électronique, mais je suis plus en phase avec la musique quand je joue d’un instrument. Quand j’avais fait le Club Soda avec Une version améliorée de la tristesse, il y avait un moment où le rideau se fermait et que j’étais seul avec une guitare. À ce qu’il parait, c’était le point culminant du concert et c’était là que les gens recevaient le plus gros du message.
BM: Dans les pièces du EP, il y a Rome qui ne se retrouve pas sur les précédents albums, mais elle n’est pas nouvelle. Si on fouille, on peut trouver des extraits qui datent de 2017 déjà!
PP: Non, elle n’est pas nouvelle! Je me souviens que pendant la tournée Noir Eden, j’étais revenu à Montréal et j’avais fait une émission de Patrick Masbourian et pendant le soundcheck, je me suis mis à jammer un riff de guitare et c’était Rome. Elle a dormi pendant longtemps et pendant les balbutiements de Super Comédie, j’ai commencé les démos avec Pierrick [Devin], qui à l’époque était le réalisateur. On a fait ça à Paris et on a enregistré à Montréal. Quand on est revenu à Paris, elle s’est un peu perdue dans le processus.
BM: Est-ce que tu as l’impression que ce EP clôt un chapitre aussi?
PP: On a toujours de drôles d’impressions dans la vie. Soit on dit au revoir à quelque chose, ou soit c’est quelque chose qui revient. Super Comédie c’était un album que je voulais plus vrai parce qu’après Noir Éden, j’avais envie de jouer avec des musiciens. J’ai l’impression de dire au revoir à un certain romantisme peu à peu. Je suis dans une ère radicale de ma vie. Je travaille du guitare/voix, mais aussi du electro dance music. J’apprends à dire au revoir à une époque et ce n’est pas tant à cause de la pandémie plus que les technologies et la digitalisation d’à peu près tout ce qui existe. Ça fait longtemps que je suis chez moi, à écrire des chansons et à déconnecter complètement du monde réel et c’est assez étrange.
BM: C’est aussi un mini-album qui invite à ralentir. Est ce que ça a eu le même effet pour toi?
PP: Un peu oui. Le fait d’être seul avec une guitare me pousse à moins me poser de question. Je veux garder ça simple. C’est brut, il n’y a pas vraiment autre chose que l’émotion, la bonne delivery, la bonne performance et le ton juste. Et je ne parle pas seulement de justesse de voix, mais de l’intention derrière. Alors ça me pousse à garder ça simple parce que faire un show avec beaucoup de musiciens, et surtout avec les ordinateurs et les synthés, c’est un rythme effréné. D’un côté, j’ai envie de retourner vers un instrument et d’un autre, je suis encore plus loin dans l’électro dance music. J’adore aller à l’est et à l’ouest. Ça me fait du bien d’explorer.
BM: Il y a le show aux Francos le 15 juin prochain! De rejouer les chansons de Super Comédie après tout ce temps sans les avoir faites sur scène, qu’est-ce que ça te fait?
PP: C’est un drôle de feeling en fait parce que ça a tellement été dans les airs pendant longtemps. C’est avec une nouvelle équipe aussi, il y a deux musiciens avec qui j’ai déjà joué dont Francis Mineau anciennement dans Malajube qui m’accompagne un peu depuis Une version améliorée [de la tristesse], mais je suis allé chercher des gens que je ne connais pas. Ça fait du bien aussi, il y a de la camaraderie qui me manque. On va être cinq ou six et ce ne sera pas l’ordinateur qui va jouer la deuxième guitare. En voulant quelque chose de plus organique, plus axé sur l’humanité, j’avais envie que ce soit plus vrai. Alors ça va être vraiment ce que Super Comédie aurait dû être.
BM: En revisitant tes albums, avec du recul, est-ce qu’il y a des chansons que tu réécoutes et que tu remets plus en question?
PP: Pendant un moment, je pense que je culpabilisais d’avoir sorti Loving Game et finalement, je l’aime. Il y a Nosferatu, une chanson que même en studio, je ne tripais pas. Je comprends où je voulais aller, sur Noir Eden, je voulais partir dans des trucs un peu Starmania, un peu opéra-rock. Je pensais beaucoup à Plamondon et Michel Berger. Quand tu n’as pas le côté théâtral derrière, ça finit par être des chansons vraiment pop, un peu 80s avec un autre registre de voix. Je préfère des trucs plus maussades, et mélancoliques. Je comprends pourquoi je l’ai fait, mais je ne suis plus dans ce trip-là.
Peter Peter sera en spectacle le 15 juin prochain au Studio TD dans le cadre des Francos de Montréal. Le EP Session Live H2T est disponible dès maintenant sur toutes les plateformes d’achat et d’écoute numériques, et les captations vidéos de chacune des chansons sont également disponibles par ici.
Photo de couverture: Peter Peter, crédit: Cassandra Jetten