C’est le 2 octobre dernier que Larynx, nouvelle aventure solo d’Alexandre Larin, dévoilait son premier album Ruche de mouches, 9 pièces où l’absurde flirt avec le réalisme pour en faire un disque à la fois introspectif et éclaté. En résulte une poésie singulière sur une musique inspirée tant par les mélodies psych des 70s que le rock des années 90. Si les influences s’étalent jusqu’à David Lynch, Terry Gilliam ou Michel Gondry, l’auteur-compositeur-interprète qu’on a notamment connu en formule groupe (Rust Eden) et comme guitariste accompagnateur (Helena Deland) dévoile une première proposition addictive et spontanée, qui donne vite envie d’y retourner. On a eu Larynx au bout du fil pour discuter de la démarche entourant ce tout nouvel opus.
Boucle Magazine : Tu arrives aujourd’hui avec Larynx, une première proposition solo. Est-ce que c’est un projet auquel tu réfléchissais depuis longtemps ?
Larynx : Pas tant, j’ai toujours été un gars de band et même en solo, dans ma tête, ça n’allait pas être moi tout seul qui enregistre tout. J’ai toujours adoré travailler avec des musiciens et je pense que je suis meilleur en collaboration. C’est arrivé à un moment où j’ai eu une petite écoeurantite. Je trouvais que c’était un peu difficile en général le milieu, t’sais les attentes et le stress qui vient avec. J’ai eu besoin de me retrouver seul et de me rappeler pourquoi je faisais ça. J’ai commencé à faire de la musique dans le garage chez mes parents et je voulais revivre ça. J’ai eu des idées et j’avais envie d’essayer quelque chose en français, ça s’est fait un petit peu du jour au lendemain.
BM : Ça amène une plus grande liberté aussi d’être seul comme ça.
L : Oui ! J’ai toujours été très démocratique dans les bands avec lesquels j’étais et un moment donné je trouvais ça un peu difficile de m’exprimer sur des affaires plus personnelles.
BM : Influences 70’s, visuels éclatés, comment décrirais-tu l’univers de Larynx ?
L : C’est drôle parce que j’en parlais justement tantôt avec mon ami et gérant Alex Archambault ! Je sais pas où j’ai vu ça, mais il y a quelqu’un qui parlait d’univers surréaliste et c’est le mot que je cherchais un peu depuis le début. J’aime jouer sur les mots et arriver avec des idées absurdes. On dirait que des fois, ça peut mélanger et porter à croire que c’est un peu une blague même si j’aime bien rire, mais je préfère accentuer ça sur le côté surréaliste ou absurde et dire qu’il n’y a pas vraiment de cadre à ce que je fais. Je me donne la liberté d’arriver avec des sujets un peu éclatés. Mais niveau musical, ça reste du rock à différentes influences, autant mélange entre les années 90 et les années 70. C’est comme si j’avais juste skippé les années 80, je vais y revenir un jour là ! (rires)
BM : Il y a quand même une grande franchise à travers les chansons et les tourments sont vite rattrapés par les notes plus légères. Le clip de Lubie en est d’ailleurs un bon exemple. Est-ce que pour toi c’est un moyen de mettre de côté l’aspect plus dramatique d’une situation pour l’adoucir ?
L : Oui, c’était un peu ça le concept du clip. Avec le réalisateur Hugo Ferland-Dionne, on s’est assis et il a décortiqué chaque phrase [de la chanson]. C’est un exercice que je n’avais pas fait. Il m’est arrivé avec ce que ça signifiait pour lui et après il m’a demandé ce que ça signifiait pour moi. Là est arrivé le sujet de breakup et toutes sortes d’affaires vraiment plus deep. C’est quelque chose que j’aime beaucoup aussi, jouer avec les contraires et les contrastes. On essaie d’en rire, mais c’est quand même triste t’sais. Je préfère toujours flirter avec le côté un peu plus absurde de la vie. Il y a des moments qui sont super profonds et vraiment rushant, mais avec un recul des fois, c’est juste absurde.
BM : Comment arrives-tu à ces associations là, très métaphoriques ? On pense aussi entre autres à la chanson Muffin aux bananes cowboy.
L : Muffin aux bananes cowboy, je l’ai écrite pour mon ami Tommy Bélisle, qui est l’autre membre propriétaire de mon label Bonbonbon et c’est une chanson que j’avais faite pour sa fête il y a un petit bout. Quand je pense à quelqu’un et que je lui fais une toune de fête, c’est instantanément un lexique et des insides jokes. Justement lui, il faisait des pains aux bananes pour le Cégep du Vieux ou quelque chose comme ça et je me disais « Wow, y’a réussis dans la vie dans le fond, il fait des pains aux bananes, il gagne sa vie de même c’est quoi l’affaire ! » Et dans ce temps-là, il arrêtait pas de parler de cowboys, alors c’est vraiment juste des associations super rapides quand je pense à la personne et bon, c’est sûr que la version originale avait un peu plus de mots pas disables (rires).
BM : Tu décris Ruche de mouches comme un album de thérapie, pourquoi ?
L : Quand j’ai commencé à l’écrire, les premières chansons n’étaient pas du tout pour un album. C’était juste des idées que je mettais de côté et c’était pas mal dans une fin de relation. C’est classique et un peu cliché, mais c’est sûr qu’il fallait écrire des tounes pour extérioriser ça un peu. C’était le mood du début de l’album quand j’ai commencé à travailler dessus. Après ça, il y a d’autres idées qui sont arrivées et qui ont varié le thème.
BM : Tu laisses beaucoup de place à l’imaginaire. On t’entend d’ailleurs chanter dans Faveur « Laisse-toi délirer ». Est-ce que ce côté te permet d’aborder des sujets que tu n’aborderais pas autrement ?
L : Oui ça c’est sur, parce que de toute façon, dans les paroles en général, j’ose espérer que je n’ai pas été dans le trop cheesy. Je me rappelle quand j’écrivais des chansons en anglais, je voyais l’idée de chanter en français comme un défi de taille. J’écoutais du Daniel Bélanger, du Leloup ou du Charlebois et j’étais comme ayoye ! Ça me faisait un petit peu peur et j’entendais aussi d’autres affaires, sans nommer de noms (rires), vraiment cheesy et je me disais oh my God, ça peut pas être trop littérale, ou en tout cas, ça sera pas mon style d’être juste beaucoup trop straight up triste, alors j’ai toujours préféré y aller en métaphore et en imaginaire. Je trouve que ça laisse aussi beaucoup de place à l’interprétation et ça, c’est une affaire vraiment intéressante. C’est pas mal mon approche. Justement avec Faveur, c’est une toune qui parle de plusieurs trucs. Je faisais écouter ça à mes parents et ils pensaient que je parlais de notre chien qu’on a euthanasié et ils pleuraient. Je leur ai dit non je parlais pas de ça, ça c’est plus la toune De le chien (rires) ! Alors oui, je trouve que c’est une façon facile d’aborder n’importe quoi en étant plus flou et je pense que ça sert aussi à la chanson au final.
BM : Il y a aussi une certaine théâtralité dans tes chansons. On parle même de « chansons odyssées ». C’est important pour toi de faire de chaque pièce une aventure ?
L : Oui quand même. Mon père m’a élevé musicalement dans le rock progressif des années 70 et le psychédélique des années 60. Dans ce temps-là, c’était vraiment ça le trip. T’ouvrais la pochette et il y avait plein d’affaires cachées, des messages subliminaux et toutes sortes de trucs qui rendaient ça un peu théâtral. Je me suis aussi mis à triper sur les années 90 qui sont vraiment à l’opposé de ça, mais j’aimais l’idée d’avoir un juste milieu. C’est sur que c’est resté dans mes racines, avoir quelque chose à grand déploiement, même si ce sont des chansons parfois assez courtes.
BM : Qu’est-ce qui te plait dans ce son-là?
L : C’est drôle parce qu’au secondaire, tout le monde tripait sur Green Day et le punk rock des années 2000. Moi aussi j’ai aimé ça là, j’ai déjà porté des shoes de skate ! (rires) Mais dès que mon père m’a fait découvrir ça [le psych rock], y’a quelque chose qui a tout de suite fait « oui, c’est ça ! ». Je me rappelle que ma chambre dans le sous-sol de mes parents, je l’avais déjà décoré full psychédélique. J’avais fermé toutes les fenêtres, on voyait plus rien, y’avaient des black lights et je tripais déjà sur Pink Floyd, mais j’avais jamais fumé de joint de ma vie ! (rires) C’était juste « Wow, le psychédélique c’est nice ! » J’aimais la valeur artistique et le terrain de jeu justement bien ouvert de ce style et ça a toujours été naturel. […] Ça toujours fait partie de moi et ça n’a jamais été un statement de mode. C’est quelque chose qui me réconforte, c’est comme un bol de soupe pour moi ces années-là.
Curieux.ses d’en entendre davantage ? L’album Ruche de mouches est disponible sur toutes les plateformes d’achat et d’écoute numériques sous l’étiquette Bonbonbon. Pour suivre Larynx et ne rien rater de ce qui s’en vient pour lui, rendez-vous sur ses pages Facebook et Instagram.
Photo de couverture : Ruche de mouches, Larynx