Cinq à sept. Les groupes d’amis en ont régulièrement. Ces soirées pendant lesquelles ils boivent, rient et se racontent un peu sans toujours dire le fond de leur pensée. La musique tonitruante contribue à créer une impression d’intimité à leurs conversations qui voguent entre des sujets amusants, les fantasmes sexuels, et d’autres plus sérieux, la mort. Mais vite, après s’être dévoilé en quelques phrases, avoir confié ses pensées angoissantes à ses amies de picolade, on reprend notre contenance et on retourne à des sujets plus légers tout en criant Shooter.
La pièce Cinq à Sept, présentement à la deuxième salle de l’Espace Go, c’est un peu ça. Trois comédiennes, Kathleen Fortin, Geneviève Schmidt et Julie Le Breton, se retrouvent pour quelques heures autour de plusieurs verres d’alcool et se confient. Sur leur travail, bien sûr, mais aussi sur ce qui les réunit en tant que femmes : la sexualité, leur relation avec les hommes, la maternité, le culte de l’apparence, le jugement rapide posé sur les autres. Elles se révoltent contre leur société superficielle et les réseaux sociaux qui construisent des vies factices à force de photographies bien cadrées. Elles évoquent leurs aspirations, leurs rêves, ce qu’elles aimeraient devenir et ce qu’elles sont réellement.
En une heure à peine, ces trois femmes nous bouleversent complètement par leur sensibilité, leur authenticité et les thèmes incroyablement actuels qu’elles abordent sans détour. Il est difficile de ne pas ressortir de cette pièce en réfléchissant à leurs propos percutants. Le texte de cette pièce, écrit par Fanny Britt en association avec les trois interprètes, ne peut laisser personne dans l’indifférence. Il choque parfois, il fait sourire et il donne aussi envie de fondre en larmes. Fanny Britt est une auteure, dramaturge et essayiste de grand talent dont je vous invite à suivre les réalisations de près. Cinq à Sept est mise en scène par Mani Soleymanlou et une création d’Orange Noyée en association avec le Théâtre français du Centre national des Arts.
Les trois comédiennes qui interprètent en quelque sorte leur propre rôle sont toutes trois très solides dans leur jeu, mais j’ai été particulièrement éblouie par Kathleen Fortin qui s’est donnée toute entière sur scène. Cinq à sept est une œuvre très intense, car malgré sa trop courte durée, les comédiennes y dansent, y sautent, y crient et semblent y dévoiler leurs secrets les plus profonds. La frontière entre la réalité et la fiction est difficile à définir, mais le texte en entier porte certainement à réflexion. Les décors sobres laissent davantage d’espace à la musique et aux mouvements qui sont très présents.
Je crois que la pièce aurait eu encore davantage d’impact si elle avait été un peu plus longue, mais je conseille tout de même vivement à tous d’aller la voir.
Cinq à Sept au Théâtre L’Espace Go du 17 novembre au 5 décembre 2015, en supplémentaire du 8 au 10 décembre.
L’image à la une est celle de l’auteure Fanny Britt. La photographie est tirée du site www.ville.montreal.qc.ca
Amélie Lacroix Maccabée
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