Zone, Zone, Zone… Un classique du répertoire dramatique québécois et des écoles secondaires. Un drame important marquant la période noire des années 50 au Québec, mais qui semble avoir mal vieilli avec les générations. Zone n’est pourtant pas un classique si loin de l’actualité d’aujourd’hui. De là tout de le défi du metteur en scène Jean Stéphane Roy : dépoussiérer un des textes de théâtre les plus communs et rétablir sa réputation par une mise en scène accrocheuse, tout en restant fidèle à la pensée et à l’écriture de l’auteur. Ouf !
Dès les toutes premières démarches de Jean Stéphane, son entourage n’hésite pas à lui dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas… Zone, pourquoi Zone ? Mais en fait, pourquoi pas ? Il faut avouer que c’est intriguant de voir quelqu’un se lancer encore une fois dans une pièce aux représentations déjà si nombreuses et aux interprétations si variées (variations parfois trop éloignées de l’enjeu principal). C’est un bonbon ‘‘casse-gueule’’, comme on dit, que le metteur en scène n’a pourtant pas hésité à déballer pour y retrouver une saveur plus fraîche et comestible. Parce qu’on aura beau en dire ce qu’on veut, Zone retrouve l’essence de sa pertinence dans l’actualité sociopolitique d’aujourd’hui.
En ce sens, cette version du Théâtre de La Catapulte a, en grande partie, réussit son coup. Rattrapant les quelques petits défauts du langage (souvent critiqué) propre aux textes de Marcel Dubé, mais tout en restant près de son intention, c’est par l’excellent travail de la conception et de la mise en scène que Zone retrouve son éclat. Le refuge des jeunes contrebandiers de l’histoire, Tarzan, Ciboulette, Ti-Noir, Moineau et Passe-Partout, est un décor de poutres métalliques, désignant une partie de la structure d’un pont. Ils l’utilisent comme repère, comme hangar de leur marchandise, mais aussi comme terrain de jeux et d’émotions. L’espace est originalement utilisé par des déplacements physiques propre au Parkour et montre bien toute la vitalité et l’expérience de la gang dans un milieu qui lui est familier. Là où il y a désenchantement, c’est au niveau de l’interprétation. Le texte est livré froidement, trop rapidement, dans la plupart des scènes. Notons qu’au fil des actes, les comédiens semblaient se réchauffer et livrer des performances plus sensibles de leurs personnages (notamment Maxime Lavoie, qui fait un travail formidable avec Passe-Partout, lorsque celui-ci se réattribue la position du chef Tarzan après l’avoir trahi), mais cela ne réussit pas à précipiter les spectateurs dans le creux mélodramatique de la fin, mort de l’amour et du rêve.
Valery Drapeau