Écrit par Étienne Lepage
Mis en scène par Frédérick Gravel
Il n’y a pas d’histoire, à proprement parler. Qu’un bouquet de réflexions échauffées et modernes dispersées à droite et à gauche, à qui mieux-mieux, dans une foule attentive. Pourtant, le spectateur est malmené, trimbalé avec acharnement d’une idée à une autre, sans qu’il n’y ait nécessairement de fil conducteur ! Mais, il adore ça. Un peu de violence douce et intellectuelle au théâtre ne fait de mal à personne. Surtout lorsque le public est consentant.
« Et si je décidais de tirer sur la foule d’un théâtre ? Ça serait une blague de mauvais goût, mais ça se fait… » nous annonce, à l’à-peu-près, un des personnages. Rire. Malaise. Introduction au discours du spectacle et à la position que devra prendre désormais le public, s’il veut l’apprécier pleinement. Parce que tout se joue à cette limite, tant pour le texte concis d’Étienne Lepage que l’adaptation corporelle de Frédérick Gravel. Une limite parfois difficile d’accès et où il est parfois impossible de savoir de quel côté on doit basculer. Notre réflexion se décompose, controversée et incertaine, au rythme des corps et du débit des comédiens. Et pourtant, c’est avec plaisir qu’on se laisse porter, malgré tout, par un humour grinçant et une musique envoûtante, qu’on se laisse charmer par une chorégraphie de dits et de non-dits.
On sent que la réflexion ne transcende pas uniquement le texte, mais tout le travail. Les comédiens installent et désinstallent avec tant d’aise et d’habiletés les différents climats qu’explore la pièce, du physique au verbal, de l’abstrait au concret, de la certitude à l’incertitude, qu’on ne peut qu’y reconnaître une profonde recherche, en étroite collaboration avec les créateurs. On les sent impliqués dans un projet qui parle déjà de lui-même, un projet qui vole la vedette. Ainsi parlait est définitivement une création intéressante, particulièrement réussie et recherchée, que nous rend, sourire en coin, le Groupe Gravel/Lepage.
En reprise à La Chapelle (d’abord paru au FTA de 2013), jusqu’au 14 septembre.
Valery Drapeau