À chaque année, le concept du Festival Fringe me rappelle Forest Gump et la devise de sa maman. Vous savez : « La vie, c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber » ? Courir les spectacles du Fringe revient à choisir les chocolats par leur apparence extérieure (l’image, le titre, la brève description) et à se laisser surprendre par ce qu’il y a à l’intérieur. Une surprise parfois excellente et d’autres fois… bien mauvaise. Attirant les amateurs et les fans de théâtre, danse et musique, qui souhaitent se divertir à rabais et les curieux qui se demandent « ce qu’ils peuvent bien encore inventer, ces artistes, de nos jours ? », le Fringe est un festival à part dans sa catégorie, puisqu’il ne base pas sa programmation sur un choix, mais bien sur le hasard… C’est donc avec joie (et parfois avec regret, il faut bien l’avouer) qu’il est possible d’assister à divers types de créations artistiques. Dans ma propre pige, les saveurs ont été très variées :
L’after-eight pour Hamlet, la fin d’une enfance (Naxos Théâtre au Studio Jean Valcourt)
Certains adorent le mélange chocolat-menthe? Pas moi. L’enrobage au chocolat me tente, mais la sensation de le manger en même temps que je mâche une gomme ou juste après m’être brossée les dents, pas vraiment. C’est le genre de classique dont je ne comprends pas la popularité. Le monologue de Thomas Marceul, reprenant le personnage d’Hamlet et le texte de Shakespeare (dans une adaptation et une mise en scène de Ned Grujic) pour une version contemporaine et enfantine est ce genre de classique retravaillé, dans une direction claire et prévisible. Le concept est bien compris, mais trop clairement. Ça manque de subtilité, de profondeur et même d’originalité. Le comédien pouvait bien se démener autant qu’il le pouvait avec ses qualités formidables (excellant travail physique et vocal), cela n’a pas pu atténuer le goût horrible de la menthe dans ma bouche…
L’espresso pour Instatweet (pêle-mêle de comédiens au Club Espagnol)
Prêt, pas prêt ? Réveillé, endormi ? En lendemain de veille ou même avec deux-trois bières dans le nez ? Instatweet avait quand même lieu, pour le bonheur de ses comédiens et de son public. Soirée beaucoup plus qu’improvisée, cette bande d’excentriques hyperactifs a de quoi animer une autre bande toute-ouïe à leurs folies et simagrées.
Le « crème à l’orange » pour Je me moi (Collectif Les Cindys Projet Plath au MAI)
L’idée de départ semblait originale : parler du théâtre au théâtre. Le théâtre dans ses plus obscurs replis, dans son processus effroyablement long et complexe, dans ses déceptions, dans son instabilité financière et émotive… Il y a de quoi jaser! Qui sont tous ces fous qui s’y risquent en toute connaissance de cause ? Qui sont tous ces fous qui acceptent de courir autant vers la même destination où il n’y aura qu’un seul gagnant par contrat ? Ce sont les passionnés, les amoureux, qui acceptent de se produire pour le simple plaisir de jouer devant une foule, qui ont ce besoin de simplement faire ce qu’ils aiment, foule ou pas. C’est aussi ça, le Fringe. Le recours parfait aux artistes créatifs qui n’ont pas encore eu leur chance dans la sphère artistique plus médiatisée (et mieux payée). Cependant, Je me moi s’étendait un peu trop dans cette misère artistique et donnait parfois davantage l’impression d’un règlement de compte que d’un plaisir d’informer sur le métier. Malgré une pointe d’humour bien cernée et quelques très bons interprètes, le texte paraissait déconstruit et éparpillé, parfois redondant, comme lorsqu’on a peine à mâcher dans un crémage qui n’en finit plus, même si c’était bon, les premières minutes.
Le carré au lait pour Farci(e)s (Collectif Théâtre du Repas Chaud au Théâtre MainLine)
C’est un bon choix que le carré au lait. Par contre, dans une boîte aux saveurs multiples, on aimerait qu’il nous surprenne avec plus de saveurs que le goût du simple chocolat au lait. Farci(e)s donnait envie, avant et même pendant le spectacle, de « davantage ». Davantage d’histoire, davantage de buts, davantage de temps (30 minutes se suffisent pas à notre gourmandise), parce que, c’était bon! Une mise en scène développée et très esthétique, des personnages intéressants dans des situations vraiment cocasses… Le début d’une formidable idée est là ! Mais parce que cela ne dure que quelques minutes et qu’il n’y a rien pour boucler la boucle, comme on dit, Farci(e)s ressemble davantage à un exercice scolaire qu’à un spectacle semi-professionnel.
Le Ferrero Rocher pour Crustacés (Théâtre La Bouilloire au Studio Jean Valcourt)
« C’est même pas un choix dans les boîtes normales de chocolat, ça ! », vous allez me dire ? Peut-être, mais Crustacés, dans ma pige, a surpassé de loin le reste de la boîte. Cette nouvelle production de la jeune compagnie La Bouilloire surprend par son professionnalisme, il faut se le dire. Le texte repose sur une formule gagnante, mais ne s’y assoit pas. Les personnages sont colorés, craquants de vérité et interprétés par des comédiens talentueux, entre qui la chimie passe et se maintient. La mise en scène était simple et judicieuse, les décors et la musique accompagnaient parfaitement le récit dans ses lieux divers et son ambiance qui respire la jeunesse et la témérité. Une production pleine de promesses pour ses créateurs, dignes d’être admis dans la cour des grands !