C’était le matin et j’avais tellement besoin d’un café quand j’ai aperçu sur le présentoir à 5 $, à côté du percolateur d’où j’ai l’habitude de tirer mon doux nectar matinal, la collection des films de James Bond. Trois films pour six dollars quatre-vingt-dix-neuf : une aubaine.
Sur les covers, accompagnant les sexy Connery, Moore et Craig de ce monde, se tenait fièrement une panoplie de femmes plus jolies les unes que les autres. Des Russes, des Suisses, des Anglaises, des Japonaises, bref, des standards de beauté qui ont su émoustiller des générations d’hommes depuis plus de 50 ans.
Ces Bond Girls sont de jolies jeunes femmes, dans la vingtaine, vulnérables, un peu nunuches même quand on regarde Jill Materson se faire peindre en or dans les premières minutes de Goldfinger. En fait, plus j’y pensais et plus j’étais divisée par rapport au rôle iconique que représentait la Bond Girl dans mon esprit.
La caissière pensait sûrement que j’étais en train de vivre quelque chose de malsain.
Mon cerveau gauche :
« Wow, des filles de toutes les nationalités qui jouent des personnages de premier plan et des personnages de femmes fortes qui plus est. Des femmes sexuellement émancipés qui sont parfois l’élément clef des aventures de James. »
Mon cerveau droit :
« Wow, des filles jeunes, minces et plantureuses, portant des noms un peu vulgaire comme Pussy Galore. Des nénettes reconnues pour sortir de l’eau en bikini au ralenti : on repassera pour une image saine et diversifiée de la femme. »
Je vous avouerais que même après tous ces cafés, je suis encore partagée quant au statut des Bond Girls. Ces femmes légendaires se situent dans une zone grise pour moi. Je les aime pour leur beauté, pour leur carrière — de l’espionne à la criminelle indépendante. J’aime qu’elles soient blondes, rousses, brunes, violettes. Je les admire pour être des personnages libres et émancipés.
En même temps, je les hais d’être aussi éphémères, de disparaître à chaque film, comme des personnages de seconde main desquels on peut se débarrasser sans mentionner pourquoi ni comment elles disparaissent soudainement à chaque épisode. J’exècre toutes les Bond Girls qui n’ont servi que d’eye-candy. Je les déteste dans leur homogénéité, dans leur abondance (une à trois filles par aventure), leur manque de diversité. Combien de fois avons-nous vu une femme de plus de 50 kilos dans le lit de l’agent 007? Le décompte est facile : zéro. J’abhorre leur statut de jouet sexuel.
Lueur d’espoir
On a néanmoins vu plus de retenue de la part des réalisateurs dans le dernier Skyfall. Une seule Bond Girl est rapidement éliminée. On laisse plus de place aux femmes de tête comme M et Moneypenny. La culture populaire entourant la gent féminine est peut-être à veille de changer. Quand on y pense, depuis Octopussy dans les années 1980, années qui ont suivi les grandes luttes féministes, certaines Bond Girsl se sont affranchies. N’est-ce pas une spécialiste de l’énergie nucléaire, Dre Christmas Jones, qui séduit le beau James dans The World Is Not Enough (1999)? La Bond Girl moderne saurait-elle troquer le blanc de son bikini pour le blanc d’un sarrau? Ça m’aura bien coûté six dollars quatre-vingt-dix-neuf plus taxes pour y penser.
Mes préférées :
#3 Solitaire – Live And Let Die
Simone Latrelle de son vrai nom, elle mène une vie libre et indépendante, bannissant les hommes de sa vie. C’est de là que vient le surnom Solitaire.
Le hic : elle s’éprend toutefois de James. «Être une femme libérée tu sais c’est pas si facile» disait Cookie Dingler.
#2 Tatiana Romanova – From Russia With Love
L’espionne du KGB est la seule à se marier avec 007. Elle réussit à faire jurer son amour «à la vie à la mort» à l’un des tombeurs les plus célèbres du cinéma… pas mal du tout!
Le hic : «À la vie, à la mort» n’aura pas été si long finalement. Elle meurt en route pour leur lune de miel.
#1 Vesper Lynd – Casino Royale
Son nom est une variation de « West Berlin », nom qui souligne sa loyauté envers les Soviétiques et donc son statut d’agent double. Comme si son nom et sa double vie n’étaient pas assez fascinants, Vesper convainc Bond de laisser le MI6 pour mener une vie normale à ses côtés. Elle est la deuxième, après Romanova (1963), à réussir cet exploit.
Le hic : elle meurt elle aussi. Heureusement pour elle, contrairement à plusieurs autres– mention spéciale à la dizaine de Bond Girls qui n’ont pas joué un rôle assez important pour qu’on leur attribut un nom – sa mort n’est pas complètement effacée de la mémoire collective, car on mentionne sa présence dans Quantum of Solace. Enfin, une Bond Girl disparue dont on se soucie!