Après t’avoir bordé tendrement, je meurs : un huis clos entre mère et fils

Après t'avoir bordé tendrement, je meurs : un huis clos entre mère et fils, Boucle Magazine

Le 26 novembre dernier, j’étais assise dans la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui pour assister à la première médiatique d’Après t’avoir bordé tendrement, je meurs, une pièce de Stéphanie Labbé, mise en scène par Gabrielle Lessard. Un huis clos très prenant entre une mère et son fils adolescent.

Comprendre la violence de son enfant

C’est dans une salle d’attente d’hôpital que nous transporte la pièce. Fanny reçoit un appel de l’école l’informant qu’une bagarre a éclaté entre son fils et un autre garçon, et qu’elle doit se rendre à l’hôpital pour le rejoindre. Très vite, on se retrouve plongé dans cette salle d’attente où la mère tente de comprendre ce qui a poussé Léo à se battre. On apprend que l’autre adolescent est en salle d’opération et qu’il se trouve entre la vie et la mort. La peur des conséquences alimente la tension entre Léo et sa mère. Ce qui suit, c’est près d’une heure de tentatives de communication entre eux. C’est lourd, chargé de non-dits, et on traverse avec eux une réelle gamme d’émotions. On sent l’amour qui les unit, mais aussi les tensions, les attentes et les questions qui restent en suspens.

Après t'avoir bordé tendrement, je meurs : un huis clos entre mère et fils, Boucle Magazine
Crédit photo : Valérie Remise

C’est une pièce vraiment réaliste et profondément humaine. On sent très bien les questionnements de la mère, ses remises en question, sa culpabilité, son incompréhension devant ce qui arrive. On sent aussi les frustrations de l’adolescent, son envie de justice, sa façon de comprendre la violence et sa désillusion devant un monde qui ne fait que la reproduire. Même si le sujet est lourd, la pièce est ponctuée de moments d’humour qui rendent les personnages encore plus vrais et qui nous permettent de nous reconnaître en eux. C’est un texte rempli de nuance, qui reste proche du vécu.

Des interprètes de qualité et une mise en espace intéressante

Ce texte fort est porté par deux interprètes : Louise Cardinal dans le rôle de Fanny et Félix-Antoine Bénard dans celui de Léo. Louise Cardinal est tout simplement exceptionnelle dans la peau de cette mère anxieuse qui essaie, comme elle peut, de vouloir le meilleur pour son fils. Elle est à la fois profondément attachante et capable de faire remonter en nous cette image un peu floue, parfois irritante, mais tellement aimante qu’on avait de notre propre mère à l’adolescence. Elle joue juste, sans en mettre trop, et ça frappe.

Félix-Antoine Bénard, quant à lui, est tout aussi convaincant dans le rôle de Léo. Seulement par le ton de sa voix, on sent la frustration qui s’accumule, les non-dits, la fierté et l’imprudence propres à cet âge. Il ne regrette pas ce qu’il a fait, et c’est au fil de la discussion que l’on comprend peu à peu d’où vient ce manque de regret et ce que ça dit de sa vision du monde et de son éducation. Bref, le duo d’acteurs tient la pièce avec une justesse remarquable et permet une véritable immersion.

Après t'avoir bordé tendrement, je meurs : un huis clos entre mère et fils, Boucle Magazine
Crédit photo : Valérie Remise

C’est sur une scène étroite et allongée, avec le public placé de part et d’autre, que l’action se déroule. On y retrouve seulement deux chaises et les quelques objets de la mère. Tout est vert, un vert écran presque uniforme. C’est un choix qui m’a déroutée au départ, mais qui, au final, crée un décalage intéressant et offre un espace suffisamment neutre pour représenter la salle d’attente. J’ai toujours une petite crainte lorsque le public est installé des deux côtés de la scène, mais ici, la mise en espace est vraiment bien pensée et on ne manque rien, peu importe où l’on est assis.

La mise en scène de Gabrielle Lessard et la scénographie de Cédric Delorme-Bouchard fonctionnent parfaitement ensemble et servent vraiment le propos. J’ai aussi beaucoup aimé l’environnement sonore, parfois légèrement anxiogène, ainsi que les appels de patients en voix off qui viennent ponctuer le huis clos entre la mère et le fils et rappeler ce qui se joue à l’extérieur de leur bulle.

Après t’avoir bordé tendrement, je meurs est une excellente pièce, accessible et de grande qualité. Contrairement à d’autres créations auxquelles j’ai assisté, je crois que celle-ci pourrait rejoindre un large éventail de publics. J’ai pleuré, j’ai ri, tout ce que j’aime au théâtre.

Après t’avoir bordé tendrement, je meurs, est présentée à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 13 décembre. Une supplémentaire a également été ajoutée le samedi 6 décembre à 20 h. Pour des billets, c’est par ici!

Crédit photo de couverture : Valérie Remise

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Catherine Fournier

Étudiante à la maîtrise en théâtre, Catherine est une passionnée de tout ce qui touche à la culture. Son passe-temps préféré? Lire dans son lit, une bougie allumée pendant que son chat Clémentine dort à côté.

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