Springsteen au grand écran : sur les traces de Nebraska

Springsteen au grand écran : sur les traces de Nebraska, Boucle Magazine

Scott Cooper a longtemps résisté à signer la réalisation de films musicaux après le succès de Crazy Heart, son premier long métrage paru en 2009. De Miles Davis en passant par Elvis Presley et Chat Baker, si les sujets étaient nombreux, ce n’est toutefois qu’à la lecture de Deliver Me from Nowhere: The Making of Bruce Springsteens’ Nebraska de Warren Zanes, que le réalisateur a décidé d’aller de l’avant, d’autant plus que l’album Nebraska de « The Boss » avait une importance toute particulière pour lui. Après un travail de longue haleine, c’est finalement le 24 octobre prochain qu’on pourra découvrir ce film biographique dédié à l’un des albums les plus marquant de l’artiste qui a influencé toute une génération.

Réunis devant les médias lors d’une conférence de presse virtuelle en vue de la sortie du film, le réalisateur, ainsi que les têtes d’affiche Jeremy Allen White et Jeremy Strong, on discuté du projet avec Warren Zanes, dont l’ouvrage a inspiré cette adaptation au grand écran.

Du livre au cinéma

Tenant comme point de départ l’élaboration du disque acoustique Nebraska paru en 1982, Springsteen : Délivrez-moi de nulle part, s’attarde à une période charnière dans la vie de Bruce Springsteen. Considéré comme l’une des œuvres les plus marquantes dans la discographie de l’artiste, cet album aura nourrit Scott Cooper autant au niveau artistique que personnel. « Ce disque a eu une grande importance pour moi. C’était le parfait sujet. À chaque écoute, Nebraska m’enseigne toujours quelque chose. Ce film parle justement de beaucoup de choses, mais surtout, d’un homme qui se demande comment il peut être honnête envers son travail et du courage qu’il a pour affronter ses traumas personnels » raconte Cooper, dont la réalisation a été particulièrement émouvante, puisqu’elle lui a permis d’entrer dans l’intimité d’un artiste qu’il admirait depuis longtemps, en plus d’être témoin de toute la vulnérabilité qui se cache derrière chacune des chansons de cet album emblématique.

Scène de Springsteen : Délivrez-moi de nulle part. © 2025 20th Century Studios

S’il connaissait bien l’œuvre musicale du « Boss », c’est néanmoins le livre de Warren Zanes qui a été la parfaite porte d’entrée à l’histoire qui se cachait derrière Nebraska. « Heureusement, le livre était une exploration très intime et honnête dans le parcours de Bruce. Ça a facilité les choses, puisque que [Warren] avait fait une grande partie du travail pour moi », dit Cooper. Ce dernier souligne également l’important apport de Jeremy Allen White, qui porte le rôle de Springsteen, ainsi que de Jeremy Strong, interprète de Jon Landau, confident et agent de longue date de Springsteen. « Quand on a des acteurs aussi talentueux que ces deux-là, capables de transmettre toute une gamme d’émotions par un simple regard, un geste, ou simplement par leur façon d’être, il est plus facile d’exprimer une forme d’introspection et de douleur que seuls les grands acteurs peuvent interpréter », ajoute le réalisateur.

L’entourage du « Boss »

Retraçant deux années dans la vie de Bruce Springsteen, Springsteen : Délivrez-moi de nulle part, se veut une incursion intime dans l’un des chapitres les plus transformateur de l’artiste qui, à l’époque, n’était qu’un jeune musicien sur le point de devenir une vedette mondiale. Entre la pression du succès et les fantômes de son passé, « The Boss » a été accompagné tout au long de ce processus par Jon Landau (Jeremy Strong), figure importante dans l’histoire de Nebraska. « Je connais Scott [Cooper] depuis longtemps et j’aime profondément son travail. Il a cette capacité à créer des œuvres d’une honnêteté brute et viscérale. Je connaissais également l’album Nebraska, qui est une œuvre tout aussi viscérale, mais je ne savais pratiquement rien sur Jon [Landau] au départ », raconte Jeremy Strong, qui plus tôt cette année, était en liste pour l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle pour son interprétation de Roy Cohn dans The Apprentice.

Jeremy Strong dans le rôle de Jon Landau. © 2025 20th Century Studios

« Ce projet était particulièrement intimidant », ajoute l’interprète de Jon Landau. « Bruce est vénéré comme peu le sont dans le monde, et il y a presque une forme de religion autour de lui et Jon. J’ai donc senti que j’avais beaucoup de travail à faire pour comprendre et assimiler le personnage à ma manière. Lorsqu’on incarne une personne réelle, on doit tout savoir sur elle. Il faut dévorer tout ce qui a été écrit à son sujet, écouter ce qu’elle a dit, étudier tout cela sans relâche et l’intérioriser. J’avais alors beaucoup de rattrapage à faire, et plus je m’embarquais dans cette aventure, plus je m’imprégnais de ce qu’ils ont accompli ensemble. Tout ce projet a vraiment été comme un rêve, du début à la fin », dit Strong.

Porter le rôle de Springsteen

Enregistré sur un magnétophone à quatre pistes dans la chambre de Springsteen au New Jersey, avec ses interprétations acoustiques brutes et sensibles, Nebraska fait encore aujourd’hui parti des albums incontournables des années 1980. La tâche s’avérait donc imposante pour Jeremy Allen White, qui porte le rôle du musicien à l’écran. « Pour être honnête, j’ai commencé le travail dans un vrai état de peur! Je me souviens du moment où je me suis engagé sur le projet avec Scott. J’étais très enthousiaste à l’idée de travailler avec lui et j’aimais profondément le scénario. De l’autre côté, je savais également à quel point Bruce est aimé, et à quel point la relation entre un artiste et son public est précieuse », dit Allen White. « Au début du processus, je me suis beaucoup concentré sur les aspects extérieurs. J’ai lu le livre de Warren, j’ai écouté son autobiographie audio en boucle et j’ai regardé beaucoup d’images d’archives. Bruce est une figure tellement connue que j’ai fini par m’enterrer un peu là-dedans. Ce qui a donc été un vrai tournant pour moi a été de « sortir Bruce de l’équation », ne serait-ce qu’un instant, et d’essayer de me rapprocher de l’homme qu’il était à ce moment-là, d’un point de vue plus personnel. »

Jeremy Allen White dans le rôle de Bruce Springsteen. © 2025 20th Century Studios

Voir l’homme derrière l’icône musicale, c’est notamment ce qui a permis à Jeremy Allen White de trouver ses marques. Un des grands défis de l’acteur a également été de littéralement se « transformer » en Springsteen, en se mettant au chant et à la guitare. « Un autre moment très fort pour moi a aussi été d’apprendre à jouer de la guitare et d’interpréter ses chansons du mieux possible. Nous avons enregistré une grande partie des pièces du film à Nashville chez RCA, et c’est là que j’ai ressenti pour la première fois une vraie proximité avec Bruce. Avec quelques-uns de mes rôles des dernières années, j’ai eu la chance de vivre des expériences partagées avec mes personnages en apprenant des compétences spécifiques à ceux-ci et là, j’étais seul dans un studio d’enregistrement, à chanter des mots qui ne sont pas les miens, mais que j’essayais de m’approprier. Ça a été un moment bascule. C’était la première fois que je me sentait vraiment connecté à lui », raconte l’interprète de Springsteen.

Alors que la chimie s’est faite de manière naturelle entre les deux acteurs, la présence de Bruce Springsteen et Jon Landau sur le plateau a également contribué à rendre l’expérience d’autant plus spéciale pour toute l’équipe. « Il y a déjà beaucoup de responsabilités quand on raconte n’importe quelle histoire, mais le fait que Bruce soit là, qu’il assiste à tout ça, à tous ces instants rejoués qui ont existé dans des lieux bien réels, pour moi, il y avait quelque chose de très fragile et délicat, surtout lors de certaines scènes très intimes. Je crois que je peux me permettre de parler un peu en son nom, et dire qu’il y avait chez lui aussi, beaucoup de fragilité » souligne Jeremy Allen White.

Ayant reçu un accueil favorable au Festival du film de Telluride en août dernier, Springsteen : Délivrez-moi de nulle part, arrivera sur nos écrans le 24 octobre prochain.

Photo de couverture : © 2025 20th Century Studios

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Karine Gagné

Rédactrice en chef adjointe et cheffe de section culture pour Boucle Magazine, Karine évolue dans le domaine culturel à divers titre. À travers ses articles, elle met de l’avant une ligne éditoriale axée sur la scène locale et la découverte.

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