Janette : une pièce à la hauteur de la grande dame

Janette : une pièce à la hauteur de la grande dame, critique, Boucle Magazine

J’ai eu l’immense privilège d’assister à la première médiatique de la très attendue pièce Janette, qui retrace la vie plus que remplie de la centenaire Janette Bertrand, tout en savourant un souper quatre services servi par les interprètes eux-mêmes. Ce fut une soirée à la fois magique et historique, portée par le texte sensible et percutant de Rébecca Déraspe, la mise en scène inspirée de Jean-Simon Traversy et le jeu d’une grande justesse de l’ensemble de la distribution.

Une pièce et une interprétation impressionnante

Je dois avouer qu’avant de voir la pièce, je ne connaissais pas grand-chose de la vie de Janette Bertrand. Je savais qu’elle était une figure marquante des droits des femmes au Québec, qu’elle avait bousculé bien des conventions, et qu’elle menait — et mène encore — une vie incroyablement remplie. Mais en sortant de ce spectacle d’environ deux heures, j’ai compris, enfin, à quel point cette femme est admirable.

La pièce est une véritable fresque théâtrale. On traverse près d’un siècle de vie en suivant les moments clés de l’histoire personnelle de Janette, entremêlés à ceux de l’évolution du Québec. À bien des égards, son parcours fait écho à celui de la Révolution tranquille : tout comme le Québec s’est extirpé de la grande noirceur, Janette s’est elle aussi frayé un chemin vers la liberté, vers l’affirmation de soi.

Janette : une pièce à la hauteur de la grande dame, critique, Boucle Magazine
Crédit : Danny Taillon

Tout commence par une enfance marquée par un père froid, une mère peu aimante, qui meurt alors qu’elle est encore jeune. Puis viennent les études universitaires, et, bien sûr, toutes les émissions qu’elle a animées à la radio et à la télévision. Le récit est vivant, riche, incarné.

Le format choisi, avec une adresse directe au public, fonctionne à merveille. On se sent interpellé, concerné, presque invité à faire partie de cette mémoire collective. Il faut dire que Guylaine Tremblay, dans le rôle de Janette, est absolument phénoménale. C’était la première fois que j’avais la chance de la voir sur scène, et j’ai été captivée par son jeu : à la fois naturel, nuancé et profondément sincère.

Les autres comédien.ne.s endossent avec aisance une multitude de rôles secondaires. Ils participent aussi au service des repas aux convives, tout en jouant leur propre rôle sur scène, ce qui contribue à créer une atmosphère conviviale, presque intime. Tous et toutes font preuve d’une justesse remarquable. L’ambiance est festive, portée par de la musique live, qui ajoute encore à la chaleur du moment. Mention spéciale à Normand Chouinard, qui remonte sur les planches avec une présence empreinte de dignité et de finesse. C’est un grand homme de théâtre, et la pièce elle-même rappelle avec justesse qu’il a toujours sa place sur scène. François-Simon Poirier, Sébastien Rajotte, Cynthia Wu-Maheux et Phara Thibault livrent tous les quatre des performances d’une grande justesse, à la fois sensibles et touchantes.

Lorenzo Somma, quant à lui, installé au piano, insuffle toute l’ambiance festive grâce à sa musique, qui accompagne magnifiquement le récit. Finalement, Zoé Lajeunesse-Guy, la petite-fille de Janette, est excellente et offre un hommage particulièrement émouvant à sa grand-mère. Ce moment, déjà chargé d’émotion, était d’autant plus bouleversant que Janette Bertrand elle-même assistait à la représentation. Elle est d’ailleurs montée sur scène à la fin du spectacle pour adresser un mot au public et à l’équipe de création. Un moment fort, vibrant, qui restera gravé dans ma mémoire pour longtemps.

Janette : une pièce à la hauteur de la grande dame, critique, Boucle Magazine
Crédit : Danny Taillon

C’est une pièce profondément féministe, qui ne cherche pas seulement à raconter un parcours, mais à transmettre une force, une volonté de s’émanciper, de briser les silences et de faire entendre sa voix. Elle est aussi lumineuse, traversée d’humour, de tendresse et d’humanité. On en ressort le cœur un peu plus grand, porté par la beauté des mots, des gestes, des musiques et des regards échangés sur scène. Il y aurait tant à dire, tant de moments qui mériteraient d’être racontés, soulignés, partagés. Et pourtant, les mots me manquent un peu pour rendre justice à tout ce que cette pièce m’a fait ressentir. Ce que je sais, en revanche, c’est que j’en suis ressortie bouleversée, inspirée et pleine d’une immense gratitude envers cette grande dame qu’est Janette Bertrand.

Manger sur la scène de Duceppe

En plus d’avoir assisté à cette pièce formidable, j’ai eu le privilège de faire partie des 24 convives assis directement sur scène durant le spectacle. Nous avons eu la chance de déguster un délicieux repas inspiré des recettes de Janette Bertrand, concocté avec soin par Gisèle Gauthier Traiteur. Ce souper-spectacle m’a été servi par l’une des interprètes, Phara Thibault, avec qui j’ai partagé ce moment dans une ambiance à la fois conviviale et théâtrale. Ce fut une expérience véritablement unique et mémorable.

On se sent réellement intégré au spectacle. Janette, incarnée par une Guylaine Tremblay remarquable, nomme en direct les plats que nous recevons. Les interprètes, tout en assurant le service, livrent également quelques répliques, ce qui crée un va-et-vient vivant entre fiction et réalité. C’est une immersion douce, intelligente et chaleureuse, qui ajoute une couche de proximité et de poésie à l’ensemble.

Janette : une pièce à la hauteur de la grande dame, critique, Boucle Magazine
Crédit : Danny Taillon

Le menu était tout simplement délicieux : une entrée fraîche de salade de pamplemousse et d’avocats, suivie d’une soupe onctueuse aux poireaux et pommes de terre. Le plat principal, un pot-au-feu réconfortant accompagné de légumes racines et d’une purée de pommes de terre savoureuse, était digne des meilleures tables familiales. Et pour terminer sur une note sucrée et tendre : les biscuits préférés de Donald, le grand amour de Janette. Le tout accompagné de deux verres de vin, dans une ambiance chaleureuse et intimiste. Souper en regardant un spectacle de cette qualité, c’est une expérience rare et franchement agréable.

Évidemment, à 180 $ le billet, ce n’est pas donné. Mais si vous avez les moyens, foncez. Vous ne le regretterez pas, je vous le promets. Au moment d’écrire ces lignes, il reste encore quelques places pour les supplémentaires, mais elles s’envolent rapidement. Et même sans le souper, la pièce en vaut pleinement la peine. Que vous connaissiez bien Janette Bertrand ou non, Janette est un spectacle à voir absolument. C’est pertinent, drôle, touchant et brillamment écrit. Un véritable bijou théâtral.

La pièce est présentée chez Duceppe jusqu’au 13 mai. Pour des billets, faites vite! C’est par ici.

Crédit photo de couverture : Danny Taillon

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Catherine Fournier

Étudiante à la maîtrise en théâtre, Catherine est une passionnée de tout ce qui touche à la culture. Son passe-temps préféré? Lire dans son lit, une bougie allumée pendant que son chat Clémentine dort à côté.

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