Avec la pièce Ici par hasard présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, c’est la question du deuil qui est explorée. Comment la perte d’un être cher, en l’occurrence un membre de la famille, peut bouleverser la vie de celles et ceux qui restent? Même si l’œuvre aborde de front l’idée du suicide et du choix de mettre fin à sa vie, cette pièce traite les répercussions que cela peut avoir sur une fratrie d’une façon légère.
Dans une mise en scène de Cédrik Lapratte-Roy, trois frères et sœurs se retrouvent au chalet familial un an après la mort de leur sœur, Irène. Leurs parents étant déjà décédés, on apprend qu’Irène s’est suicidée sans donner trop d’explications. Seules trois lettres rédigées à chaque adelphe. À travers ces retrouvailles hautes en couleur, les personnages vont tenter de répandre les cendres de leur sœur et de lui rendre hommage, une dernière fois. Malgré le ton humoristique et léger, on peut tout de même déceler le fond d’amertume derrière les mots écrits de l’autrice Carolanne Foucher.

C’est alors que, suite à un grand coup de vent qui emporte les cendres, Irène réapparaît le lendemain matin dans le chalet, préparant le café et le petit-déjeuner à tout le monde. Aucun doute ne plane bien longtemps; elle est toujours morte, mais elle revient une dernière fois au chalet familial pour achever sa quête ultime. Sa réapparition devient un prétexte; la fratrie possède un peu plus de temps pour pouvoir se dire les choses en face. L’œuvre aborde non seulement le deuil et la douleur causée par une perte qu’on sait inévitable et irréversible, mais explore aussi en quelque sorte le fantasme de pouvoir revenir en arrière une dernière fois.
Quête de sens
Tout au long de la pièce, nous cherchons nous-mêmes à comprendre ce qui a pu pousser Irène au suicide. Nous avons besoin de comprendre pour faire sens. Cependant, tout comme les personnages, nous repartons sans réponse. Cela illustre bien le sentiment d’impuissance qu’il est possible de vivre dans un tel contexte, en plus d’être habité.e par de la culpabilité, de la tristesse et de la colère.
L’idée d’explorer les thématiques du suicide et des dynamiques entre frères et sœurs était très intéressante et innovante. Le texte est brillamment construit, oscillant entre humour et sensibilité. Nous ressentions bien les liens qui unissent cette famille, avec toutes ses failles et ses qualités. Il aurait peut-être fallu quelques coupures pour rendre l’œuvre encore plus poignante et saisissante. Certains moments tournaient en rond et perdaient de leur impact en devenant répétitifs. Reste que les propos de la pièce étaient bouleversants.
Recherche de profondeur

Bien que j’ai apprécié le ton de la pièce, qui montre aussi que la vie continue malgré les drames, j’aurais apprécié une plus grande profondeur ou une autre ambiance instaurée au début. Étant donné le contexte difficile dans lequel se retrouvent les personnages, qui viennent au chalet pour répandre les cendres de leur sœur, j’aurais aimé ressentir l’intensité du moment dans le jeu des interprètes. La performance de Simon Beaulé-Bulman, Odile Gagné-Roy, Mary-Lee Picknell et Carolanne Foucher laissait parfois planer une certaine banalisation de la situation, ce qui détonne et surprend quelques fois. Par contre, la chimie des comédien.ne.s nous laissait assister à de beaux moments de complicité et d’émotions tout au long de la pièce. Soulignons le monologue de la fin qui était d’une beauté et d’une puissance renversante, autant dans l’interprétation que la poésie du texte. J’en ai eu les larmes aux yeux.

Vous avez encore la chance d’aller voir la pièce Ici par hasard au CTD’A jusqu’au 29 mars, dans la salle Jean-Claude-Germain. Allez-y!
Crédit photo de couverture : Maryse Boyce