Après 13 représentations à guichets fermés en 2023 au Théâtre Duceppe, Whitehorse fait son retour à la Cinquième Salle de la Place des Arts pour lancer le mois de décembre. Dans une mise en scène signée Simon Lacroix, l’adaptation scénique de la bande dessinée de Samuel Cantin fait une fois de plus effet avec son univers décalé et ses textes désopilants, cosignés pour l’occasion en collaboration avec Guillaume Laurin et Sébastien Tessier. Rocambolesque, divertissante et juste assez mordante, la pièce a tout pour faire oublier le temps froid qui s’installe.
Une satire efficace
Un réalisateur excentrique et convoité de tous, des interprètes à la recherche de nouveaux défis, un auteur en quête d’inspiration et un cascadeur des plus investis, voilà tout ce qu’il faut pour dresser la parfaite caricature du milieu artistique québécois. Laura (Charlotte Aubin), actrice aux grandes ambitions, est bien déterminée à obtenir le premier rôle dans le prochain film de Sylvain Pastrami (Guillaume Laurin) pour lequel elle a décroché une audition, et ce, même si son conjoint Henri (Sébastien Tessier) tente de la dissuader. Pastrami a beau s’être rendu à Cannes, son égo démesuré est suffisant pour faire naître autant d’insécurité que de jalousie chez Henri, qui tente pour sa part de donner un élan à sa carrière d’écrivain. Si la prémisse promet déjà des moments haut en couleur, la suite est loin de décevoir. Avec Whitehorse, même le plus improbable est possible, au grand bonheur du public qui s’esclaffe du début à la fin.
Le secret pour cette recette gagnante? Un rythme précis, des dialogues piquants et une distribution infaillible qui fait agilement briller les répliques du trio Cantin, Tessier et Laurin. Entre humour noir et sensibilité, les travers de chaque personnage sont mis en lumière au milieu de scènes divertissantes, démontrant les rouages d’un écosystème artistique étourdissant et parfois même aveuglant. Difficile de ne pas vouloir impressionner ce Sylvain Pastrami, interprété haut la main par l’énergique Guillaume Laurin. Avec ses idées de grandeurs et son dévouement absolu à l’art, Pastrami, entouré de son fervent assistant Patrick (mené par Éric Bernier), deviendra source d’un véritable cauchemar pour Henri, approprié à merveille par Sébastien Tessier. Doutes, anxiété et paranoïa voleront constamment au-dessus de la tête de ce dernier qui tente, tant bien que mal, de regagner l’amour de Laura qui n’est d’ailleurs plus la même, aux dires de ses amis, depuis qu’elle a joué dans STAT — une des savoureuses références qui ponctuent la pièce. Le comble du malheur pour Henri? Un diagnostic improbable du « syndrome de la tortue », rare maladie qui, comme l’explique l’excentrique Dre Von Strudel (Frédérike Bédard) accompagnée de son apocalyptique perroquet, déformera tout son corps et le mènera imminemment à sa finalité.
En trois dimensions
Alors que Whitehorse met habilement en lumière certains stéréotypes de l’industrie cinématographique, sa force réside également dans une mise en scène éclatée, qui rend justice à l’œuvre graphique de Cantin. D’un appartement, en passant par une salle d’audition jusqu’au parc où Henri et son ami Diego (Patrick Emmanuel Abellard) — qui, de son métier de cascadeur se déplace constamment avec des acrobaties de toute sorte — ont des discussions sur l’avenir, chaque lieu prend dynamiquement vie sur scène. Un pari réussi pour Simon Lacroix à la mise en scène.
Si les moments entre le jeune acteur vedette Sébastien (joué par l’hilarant Oscar Desgagnés) et Nath (excellente Sonia Cordeau), font partie des moments forts de la pièce, une soirée chez Sylvain Pastrami ne suffira que pour faire opérer la magie davantage. Musique de club, danse, drogue et répétition d’une scène pour le moins douteuse à la demande du réalisateur seront le parfait mélange pour tout chambouler. Henri est-il vraiment prêt à laisser partir Laura à Whitehorse pendant trois mois pour un film au scénario improbable qui porte sur les caribous? Le climat qui règne entre tout un chacun mènera à une incursion aussi féroce que drolatique dans un univers souvent idolâtré de plusieurs.
Présentée jusqu’au 15 décembre à la Cinquième Salle de la Place des Arts et produite par Couronne Nord, Whitehorse vous fera assurément passer un bon moment. Pour tous les détails et billets, c’est par ici.
Photo de couverture : Danny Taillon