Faire mal : une histoire de solitude

Crédit photo: Maryse Boyce

J’ai eu la chance le 22 octobre dernier d’assister à la première du solo Faire mal, joué dans le cadre du 5 à 7 de l’automne à La Licorne. Une pièce qui m’a agréablement surprise.

Un texte d’ailleurs, une adaptation d’ici

Faire mal est une pièce de l’autrice britannique Phoebe Eclair-Powell, présentée au Bush Theatre en 2021. Sortie en pleine pandémie, ce monologue explore la solitude, l’obsession et la haine sur les réseaux sociaux d’une manière inédite. L’histoire raconte celle d’une agente immobilière, profondément seule, qui rencontre Alice, une jeune influenceuse semblant mener une vie parfaite. À force de se côtoyer, une certaine forme d’amitié se développe, tandis que l’obsession de l’agente pour la vie idéale d’Alice s’intensifie. Peu à peu, la frontière entre le réel et le virtuel s’estompe, et les sentiments de l’agente oscillent entre adoration, jalousie et haine. La pièce questionne le côté plus obscure des réseaux sociaux avec beaucoup d’humour.

Dans le cadre des 5 à 7, le texte est, à mon avis, extrêmement central à l’expérience globale, d’autant qu’il n’y a pas de grande mise en scène ni de jeux de lumière marquants. L’accent est véritablement mis sur le jeu des acteurs et la richesse du texte. Je dois dire que c’est l’un des meilleurs textes que j’ai eu l’occasion de voir interprétés dernièrement. Il réussit à établir un équilibre juste entre l’humour, le drame, le divertissement et la réflexion. Faire mal a bien entendu été traduite pour être présentée au Québec. La traduction a été réalisée par Marc-André Thibault, et je l’ai trouvée particulièrement réussie. À tel point que je n’avais même pas l’impression qu’il s’agissait d’une traduction. Cela s’explique par le fait que le texte n’a pas simplement été traduit littéralement, mais qu’il a également été adapté à notre réalité locale. Bien qu’elle présente des similitudes avec la réalité britannique, la nôtre demeure unique avec ses propres spécificités. En somme, j’ai trouvé que le texte original était déjà très puissant, et l’adaptation qui en a été faite est tout simplement géniale.

Crédit photo: Maryse Boyce

Un jeu tout en nuance et une mise en scène efficace

Pour porter un bon texte complexe, il faut une actrice capable de relever ce défi. Isabeau Blanche l’a réussi avec brio. J’ai eu la chance d’être assise à l’avant, et elle m’a captivée du début à la fin. J’avais l’impression qu’elle s’adressait directement à moi, comme si j’étais dans l’appartement de l’agente, écoutant son histoire. Tout était réuni : de sa voix aux micro-gestes de ses mains, en passant par ses expressions faciales, l’actrice m’a convaincue à chaque instant. Malgré les propos parfois déroutants de la protagoniste, l’humour omniprésent tout au long de la pièce, associé à l’habileté d’Isabeau Blanche à embrasser son personnage sous toutes ses facettes, m’a permis de m’attacher à elle. J’ai véritablement adoré son jeu. Honnêtement, j’aurais aimé avoir une critique à formuler, mais il est clair que l’actrice a travaillé extrêmement fort avec Rose-Anne Déry à la mise en scène pour créer un personnage complexe et attachant dans son humanité. Non seulement son ton était juste, mais son regard exprimait également beaucoup de choses. En somme, j’ai été profondément impressionnée par la justesse du ton, qui s’est maintenue tout au long du monologue.

Enfin, j’aimerais mentionner les décors et la mise en scène, qui, bien que très simples, m’ont convaincue. Les 5 à 7, c’est simple : une pièce à 17 h 30, accompagnée d’une bière et d’une petite collation dans une salle intime, le tout à un prix raisonnable. C’est une formule que j’apprécie et qui mérite d’être encore davantage explorée. Cet événement se veut accessible, efficace et convivial. L’accent est mis sur le jeu des acteur.rice.s et sur le texte, ce qui nous ramène aux sources du théâtre.

Dans ce cadre, la mise en scène m’a paru très réussie. On y retrouvait un bean bag, une lampe d’appoint et un module composé d’un ring light et de différents téléphones. Ces trois éléments, bien que simples, s’associent pour créer un environnement suffisamment dynamique pour une seule actrice. Le module évoque les structures pour bébés tout en mettant en avant l’importance de la vie sur les réseaux sociaux, un thème central de la pièce. À ce propos, la protagoniste garde également son téléphone à proximité. Pour ce qui est du bean bag, il offre la flexibilité de créer différents sièges selon les besoins. J’ai trouvé cela vraiment efficace, et cette sobriété a permis de mettre encore plus en lumière l’actrice et son jeu. De plus, le changement de costume dynamise le monologue, accompagné de quelques transitions sonores. En somme, rien d’extravagant, mais tout pour me convaincre.

C’est vraiment une pièce qui m’a divertis, fait rire, mais qui m’a également fait réfléchir et discuter. Un évènement à ne pas manquer.

Faire mal est présenté dans la salle de répétition de La Licorne à 17 h 30 du mardi au vendredi jusqu’au 15 novembre. Pour un beau début de soirée à un prix très raisonnable c’est par ici.

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Catherine Fournier

Étudiante à la maîtrise en théâtre, Catherine est une passionnée de tout ce qui touche à la culture. Son passe-temps préféré? Lire dans son lit, une bougie allumée pendant que son chat Clémentine dort à côté.

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