Entrevue : P’tit Belliveau, la musique avant tout

Entrevue : P'tit Belliveau, nouvel album, Boucle Magazine

Écouter ses envies. C’est le mot d’ordre que s’est donné P’tit Belliveau lors de l’élaboration de son troisième et plus récent album, arrivé tout juste avant que l’auteur-compositeur-interprète ne prenne la route pour une grande tournée aux quatre coins du Québec. Si certaines choses ont changé depuis la sortie de Greatest Hits Vol.1 en 2020, le désir de faire de la musique lui, est resté bien présent et l’artiste écossais le démontre sans équivoque sur sa nouvelle proposition homonyme, regroupant 12 chansons aux styles plus éclectiques que jamais. Country, pop, punk, rock, métal, tout y passe. Pas de catégorisation ici. C’est du P’tit Belliveau, tout simplement, et c’est tant mieux.

Quelques heures avant un vol vers la Nouvelle-Écosse pour un bref retour à la maison, Jonah Guimond, de son vrai nom, nous raconte qu’il s’agit là d’un processus instinctif avant tout. « La chose que je me disais pendant la création, c’était de me poser le moins de questions possibles. Avant, j’avais plus de contraintes et une idée plus précise de ce qu’était le projet que je considérerais plus ou moins country, bluegrass, avec d’autre stuff qui s’ajoutaient. Aujourd’hui, je considère que le projet est rendu plus vaste, ça me permet de me poser moins de question et d’être plus dans le moment, parce que je n’ai plus besoin de considérer tous ces enjeux-là. Pour moi, ça feel toujours comme du P’tit Belliveau. »

Trois EPs et deux albums plus tard, avec ce troisième long-jeu cette fois lancé de manière indépendante, l’artiste à qui l’on doit Income Tax a ainsi pu mettre en pratique un lâcher-prise qui n’aurait sans doute pas été possible au commencement. « J’aurai eu besoin d’être vraiment ouvert d’esprit si j’avais fait le même type d’affaire au début. J’avais besoin d’améliorer mes skills, d’apprendre plus à écrire des chansons et aussi à propos de moi-même pour être capable de faire quelque chose qui est plus off-the-wall comme ça. Cet album-là peut être weird pour du monde, mais y’a aussi des chansons qui sont plus accessibles. Je crois pas que j’aurai vraiment pu faire ça avant et j’aimerais continuer d’écrire de cette manière là from now on. »

Le faire soi-même

Qu’on pense à P’t’être qu’il a du tequila dans la brain, un rappel musical à la culture country du sud des États-Unis relatant des moments de vie bien arrosés, ou encore à la pop de Comfy, un hymne au chillage chanté en collaboration avec Fouki ayant atteint 30 000 écoutes sur les plateformes de streaming seulement une semaine après sa sortie, dans ce nouvel album, on entend un P’tit Belliveau plus libre que jamais. Portant une fois de plus le chapeau de réalisateur, l’artiste s’est également permis de jouer de tous les instruments, mis à part la steel guitar manié par Daniel Crowther. « Cet album-là avait juste besoin de ça de plus! Le reste, j’étais capable de le faire moi-même » raconte-t-il.

Cet esprit DIY s’est d’ailleurs traduit jusque dans l’enregistrement des pièces, qui s’est fait entièrement dans le studio maison de l’artiste en Nouvelle-Écosse. « J’aime travailler dans mon propre studio le plus possible! C’est le fun cette liberté-là, parce que des fois je suis passionné et excité à des heures random! Je suis pas le meilleur ingénieur de tous les temps, c’est sûr qu’il y a des fautes techniques et que je les entends, but, à la fin de la journée, je m’en fou un peu. Je trouve quand même que ce sont des bonnes chansons et ce type de perfection-là, c’est pas vraiment quelque chose que je recherche. Ça me donne envie de créer encore mieux et d’apprendre. Pour moi, c’est une des grosses raisons pour lesquelles j’ai envie de continuer. »

À la pièce

Le public l’aura compris, dès la première écoute, ce nouvel album n’a rien d’usuel. Mis à part la trilogie électro-métal The Frog Swamp, The Secret Life of Frogs et The Frog War, construite autour des grenouilles, rien de moins, chacune des pièces qui compose cette proposition homonyme a droit à son propre moment de gloire. « Ça ne m’excite plus de créer un album qui est une oeuvre en soi. Pour moi, je vois quasiment ça comme une playlist qui est curated par moi. Le seul travail, c’était de choisir le meilleur ordre de chansons possible avec les différents styles qui vont dans tous les sens. C’était pas nécessairement voulu qu’il y ait un fil, je voulais juste faire des chansons et les assembler » nous dit P’tit Belliveau. Cette manière de faire, bien ancré dans les habitudes d’écoute actuelles, est d’ailleurs ce qui a encouragé l’artiste à aller de l’avant avec cette idée. « Moi, ça ne m’intéresse plus les albums, ça ne m’intéresse plus de travailler dans ce contexte-là. Je le fais parce qu’on en a besoin pour les médias puis pour les festivals et que tout le monde attend le next album pour que toute la machine recommence, but moi, personnellement, ça ne m’excite plus. Ce sont les chansons qui m’excitent. En termes de moi, comme Jonah qui écoute de la musique, et en termes de créateur de musique. »

À travers une combinaison de styles, pour ce troisième album, le multi-instrumentiste s’est ainsi amusé à explorer différents sons, démontrant d’abord et avant tout un amour sans limite pour la musique. La passion dans la voix en abordant le sujet, P’tit Belliveau nous le confirme, c’est un mélomane, un vrai de vrai. « J’aime vraiment tous les styles et je dis pas juste ça comme ça. J’écoute tout! J’aime la musique, c’est comme du cheesecake, c’est juste un cadeau! Ça me fascine toutes les textures qu’on peut créer, toutes les différences de sons, les sons qui nous font sentir mal et qui nous font peur, les sons qui nous rendent contents, qui nous rendent tristes. Sans même y mettre de mots, on peut créer un son qui nous donne une émotion précise et complexe. Moi, ça me fascine à l’infini! »

Rassembler autour de la musique

Alors qu’il chante Édith Butler avec une reprise de La 20, ou encore son affection pour son village natale et sa famille avec L’église de St. Bernard, P’tit Belliveau parvient non seulement à nous partager son dévouement à la musique, mais aussi, et surtout, son désir constant de rassembler les gens autour de celle-ci en la rendant accessible à tou.te.s. « Plus que rien d’autre, ce que je considère l’essentiel du projet, c’est d’offrir une escape à la vie normale et pour faire ça, faut que ce soit un minium accessible comme musique. Of course, il y a encore beaucoup de stuff weird dans ma musique, mais c’est pas voulu nécessairement, c’est juste par hasard. J’essaie juste d’être honnête et naturel et je sais que le monde vont être capable de ressentir ça » dit-il.

Pour quiconque ayant déjà assisté à un spectacle de P’tit Belliveau, cette envie de rassembler se ressent d’ailleurs autant sur scène que sur disque. « Pour moi, le show, et même la musique, c’est pas vraiment pour nous, on est juste là pour amener le monde ailleurs, les faire oublier qu’ils payent des taxes, qu’ils ont une job qu’ils déteste et que tout va mal. Je veux juste que pour deux heures, tout ça n’existe pas et qu’ils aient du fun. Pour être capable de faire ça, il faut que ce soit authentique. […] Quand on s’amuse sur le stage, il ne faut pas que ce soit fake, le monde est sensible à ces choses-là. »

De l’authenticité et du fun, le public pourra d’ailleurs en avoir tout le printemps et l’été, alors que P’tit Belliveau et ses musiciens parcourront le Québec pour présenter les chansons de ce nouvel album, et bien plus.

Pour connaître tous les détails des prochaines dates de concert de P’tit Belliveau, rendez-vous sur ses pages Facebook et Instagram. L’album P’tit Belliveau est disponible dès maintenant sur toutes les plateformes d’achat et d’écoute numériques.

Crédit photo de couverture : Sacha Cohen

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Karine Gagné

Rédactrice en chef adjointe et cheffe de section culture pour Boucle Magazine, Karine évolue dans le domaine culturel à divers titre. À travers ses articles, elle met de l’avant une ligne éditoriale axée sur la scène locale et la découverte.

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