Dès les premières minutes, on est plongé en plein cœur d’un party enivrant. Sur une piste de danse, 4 personnes se déchaînent au rythme de la musique. Hypnotisé.e.s par l’ambiance de la fête et les mouvements assumés des interprètes, on ne réalise même pas qu’une des personnes se retrouve au sol, ses mouvements chorégraphiés saccadés illustrant le moment de l’agression sexuelle. Il s’agit du premier coup de poing de la soirée.
Présentée au théâtre La Chapelle du 4 au 9 mars, l’œuvre interdisciplinaire « Les Avalanches » de Julie Artacho dénonce notre société qui défend la culture du viol en fermant les yeux sur de nombreux drames et ignorant ainsi les victimes. Transporté.e.s par les médiums du théâtre, de la danse et de la musique, nous visitons la possession, la violence et l’amour au travers des diverses réactions confuses des interprètes et de plusieurs témoignages qui prennent au cœur.
Pour un public averti
Avant même d’entrer dans la salle de spectacle, le public est prévenu : il y aura des scènes et des sujets sensibles abordant des violences sexuelles. Il est même expliqué que nous sommes libres de sortir en tout temps pour prendre une pause, au besoin. Une intervenante est présente sur place pour permettre aux spectateur.rice.s de ventiler pendant et après la représentation. Nous savons donc déjà à quoi nous en tenir. Je lève mon chapeau pour cette initiative, car la pièce est effectivement prenante, et même deux personnes sont sorties au tableau final.
Un fil conducteur nébuleux
Malgré la première scène très puissante, j’ai eu du mal à suivre le reste de l’œuvre. Il faut un certain temps avant de comprendre que la suite de l’histoire n’est justement pas une suite, mais qu’il s’agit de plusieurs tableaux qui montrent d’autres types de réactions aux violences sexuelles. Selon moi, la manière dont cela a été mis en scène est un peu décousu et il manque le fil conducteur qui relie toutes ces scènes. Il manque une certaine organicité entre les différentes formes artistiques, passant tantôt d’un monologue épuré à une bataille chorégraphiée, jusqu’à une chanson entière qu’on écoute par la musicienne présente sur scène. Je me suis sentie lancée de tous les côtés, sans nécessairement être touchée par ce que je voyais. Après réflexion, on peut bien sûr voir la force de l’œuvre qui tente d’illustrer des réactions suite à l’agression par le mouvement, la parole et même la musique. Par contre, il aurait fallu le ressentir davantage pendant l’œuvre.
Une finale qui vaut le spectacle
C’est vers la fin de l’œuvre que mon attention a été recaptivée. En effet, dans un élan de folie, deux interprètes montrent avec rage et militantisme l’épuisement contre le harcèlement. Il s’agit d’une scène très intense, « in your face », qui devient presque clownesque tant la haine est présente et visible. La frustration face aux comportements sexuels déplacés et trop présents en société est montrée en plein jour, faisant écho à ce que plusieurs personnes vivent au quotidien. Puis, une chorégraphie touchante et brillamment interprétée par Mya T. Métellus donne des frissons quand on voit la transformation du corps suite à l’agression. Enfin, l’œuvre se termine sur Natacha Filiatrault, où elle liste pendant d’innombrables minutes des agresseurs et les endroits des agressions, dans le silence le plus complet, assise sur un tabouret au centre de la salle. On ne peut être plus confronté.e.s par la situation et la longueur du moment est difficile à vivre, tant il est percutant.
Bien que la pièce n’a pas su captiver mon attention tout du long, j’ai été sincèrement touchée et dérangée par quelques tableaux, qui, pour eux-seuls, valent le détour.
La pièce Les Avalanches est présentée jusqu’au 9 mars au théâtre La Chapelle. Pour les billets et détails, c’est ici!
Crédit photo de couverture : Camille Gladu-Drouin