Aujourd’hui, je vous partage la nouvelle œuvre de Catherine Larochelle tout récemment parue en chez les éditions Québec Amérique, Toutes nos disparitions, un roman qui nous plonge dans l’histoire d’une famille qui éclate et qui tente tant bien que mal de survivre face à l’absence de ses membres.
Racontée à la première personne du singulier, Lucie, la protagoniste, nous narre son quotidien dans un original aller-retour entre présent et passé. Voulant à tout prix disparaître en espérant ainsi faire comprendre à ses parents le poids de leurs choix, elle tente une fugue, la faisant passer pour un enlèvement pendant l’absence de sa mère, en nous amenant à vivre avec elle, heures par heures, l’expérience d’une absence risquée.
Le roman n’est pas construit selon des chapitres, mais selon l’heure qu’il est, nous faisant ainsi sentir l’écoulement du temps durant lequel Lucie se cache en attendant la réaction de sa mère face à son absence. C’est durant la nuit de son prétendu enlèvement qu’elle nous amène à voir comment son quotidien se déploie dans sa famille dysfonctionnelle. D’origine française par son père et québécoise par sa mère, c’est au Québec qu’elle vit avec sa mère et sa petite sœur Serena, puisque le travail de son père l’oblige à faire des allers-retours constants entre la France et le Québec. Les visites de celui-ci sont rythmées par l’incertitude constante liée au temps qu’il peut allouer à sa vie de famille. La mère se retrouve donc à tenir la chandelle en faisant son possible pour subvenir aux besoins de ses filles avec un travail dans le secteur de l’immobilier qui n’arrive pas toujours à combler ses dépenses élevées. Étant constamment obnubilée par son apparence et le regard des autres, elle prend soin d’habiller ses filles de manière à cacher aux yeux de tous les difficultés financières et le chaos émotionnel dans lesquelles elles vivent.
C’est entre l’école, le travail, le ménage, la plomberie, les travaux manuels pour faire tenir sa maison en mauvais état, l’effort constant qu’elle donne pour compenser les absences prolongées de son mari à ses filles, l’éducation de celles-ci, que la mère tente de garder le contrôle sur la situation en donnant tout ce qu’elle a pour faire fonctionner cette famille qui ne tient qu’à un fil. Au bord de l’épuisement, elle n’arrive pourtant pas à monter dans l’estime de ses filles qui veulent constamment être avec leur père (le parent préféré), étant pourtant incapable de donner plus de deux semaines de présence physique à sa famille.
Dans un cocktail d’anxiété, de manque de confiance en soi, de troubles alimentaires, de sentiment constant d’abandon qui lui colle à la peau, Lucie décide de disparaître, espérant ainsi faire revenir son père pour de bon et faire oublier à sa mère son obsession pour l’apparence et la perfection. C’est dans une écriture imagée et des tournures de phrases qui nous donnent l’impression de voir réellement l’histoire prendre vie sur papier, que l’écriture de Catherine Larochelle se déploie, dans un beau mélange d’ironie, de douleur, d’humour, d’épuisement, d’espoir et d’amour. Roman profondément ancré sur la question familiale et les liens forts subsistant entre des êtres qui s’aiment, c’est surtout l’impossible qui devient possible par l’union dont arrivent enfin à faire preuve les personnages vers la fin du récit. Avec cette œuvre merveilleusement touchante, Catherine Larochelle a eu l’idée brillante de mettre à l’honneur la famille et de remettre au goût du jour le fameux sujet de notre époque actuelle : la conciliation travail-famille, avec ses risques, ses difficultés et son quotidien riche en bouleversement.
Je vous encourage à lire ce livre et à plonger dans ce beau récit, qui je l’espère, vous plaira comme moi!
Photo de couverture : crédit, Québec Amérique
