Des airs de printemps s’installent dans Like Flowers on a Molten Lawn, un éloge à la lenteur et à la résilience que nous propose Matt Holubowski avec son nouvel album, tout juste sorti le 24 mars dernier.
« Ça faisait huit mois que j’attendais qu’il sorte et je trouvais ça tellement long! » me dit Matt Holubowski au bout du fil, fébrile, lors de notre conversation quelques jours avant la sortie de ce nouveau projet inspiré par le poème Spring is Like a Perhaps Hand de EE. Cummings. L’attente en aura valu la peine, puisque l’auteur-compositeur-interprète qu’on a connu en formule guitare-voix en 2014 avec l’album Ogen, Old Man, arrive avec une quatrième proposition étoffée, dans laquelle les racines folk laissent place à une instrumentation plus riche, aux environnements sonores aussi enveloppants que lumineux. De l’Orchestre symphonique national estonien jusqu’aux notes de Koto — un imposant instrument d’origine japonaise — menées par Sarah Pagé, la magie opère.
Une allure de renouveau qui marque l’aboutissement de plusieurs mois d’explorations musicales entamés en 2020, peu de temps après la sortie de l’album Weird Ones, dont la tournée avait dû être écourtée en raison de la pandémie. Cette période a permis à l’auteur-compositeur-interprète de prendre le temps nécessaire pour apprivoiser de nouvelles techniques, dont l’apprentissage s’est fait aux côtés du polyvalent Pietro Amato, également à la coréalisation de l’album. Une précieuse collaboration qui s’est concrétisée en cours de route, à laquelle s’est ajouté Marc-André Landry (basse), Marianne Houle (violoncelle, voix), Stéphane Bergeron (batterie) et Simon Angell (guitare). En résulte des chansons soigneusement réalisées, qui démontre toute l’évolution musicale d’Holubowski et son désir d’écouter ses envies. Discussion autour de Like Flowers on a Molten Lawn.
Boucle Magazine : On a l’impression qu’il y a tout un monde qui sépare ton premier album de celui-ci! L’album commence d’ailleurs avec End Scene, que tu décris comme une « grande respiration avant de se lancer dans l’inconnu ». Est-ce que c’était à la base de ce 4e album, cette idée de se lancer dans l’inconnu?
Matt Holubowski : Oui! Le processus complet était de me lancer dans l’inconnu. La genèse derrière, c’est qu’il y avait quelques bouts de chansons qui avaient été créées, que j’ai un peu recyclé. Je pense que la sonorité et l’angle de cet album vient justement d’une découverte pour moi, celle de plonger dans l’aspect plus technique, plus technologique de la musique. J’ai toujours été un auteur-compositeur plus ésotérique. J’écris des chansons à la guitare ou au piano puis ensuite, je me fis à mes collaborateurs pour enregistrer et faire les arrangements. Là, j’étais très intéressé à m’impliquer dans les aspects prise de son, expérimentation, mixage et réalisation, donc je m’y suis lancé et le réalisateur de l’album, Pietro Amato, a vraiment été un mentor pour moi dans tout le processus. C’est vraiment un nouveau terrain de jeu pour moi.
BM : Il y a donc eu beaucoup d’apprentissage à travers le processus?
MH : Oui! J’ai découvert une nouvelle passion! […] J’avais besoin d’une flamme et j’ai retrouvé cet aspect un peu geek avec ce côté plus technique. Je suis rendu un peu obsédé avec tout ça, c’est un monde qui est infini et que je ne vais jamais avoir fini d’explorer et de peaufiner, donc c’est vraiment excitant!
BM : On sent que tu t’es fait plaisir avec cet album. Ce côté plus électro, on l’entend bien d’ailleurs dans la pièce La lune est morte de rire. Est-ce que tu as envie de continuer à explorer ce son, ou après ces explorations, tu as tout de même envie d’un petit retour à la guitare?
MH : Les deux. J’ai découvert la possibilité d’aller dans de nouvelles directions. On associe toujours un artiste avec un genre de musique et je n’aime pas beaucoup cette boîte. […] En pensant à Sufjan Stevens, on écoute Carrie & Lowell, qui est un album classique folk et The Age of Adz qui est un genre de crazy électro expérimental avec des voix de robots et j’aime les deux albums de façon égale. Je me retrouve beaucoup dans cette idée-là. […] C’est un peu dans cette optique que j’ai envie de créer et, pour moi, cet album représente cette liberté.
BM : Il y a un aspect très cinématographique aux chansons, quelque chose de visuel à la musique. D’ailleurs, l’album est accompagné de plusieurs images de Valery Lemay. Est-ce que c’était important pour toi d’avoir ce côté plus visuel à la musique?
MH : Oui, j’ai toujours aimé la musique de films et j’ai toujours voulu participer à cet écosystème. Le visuel, à notre époque, c’est primordial. […] Pour la création [de ces visuels] je pense que le seul crédit que je peux prendre, c’est de m’être entouré de gens vraiment talentueux qui ont de belles idées comme Valery, comme Véronique Audet-Gagnon qui a fait la réalisation des clips et comme Lucas Harrison Rupnik à la coréalisation.
BM : Il y a aussi un narratif qui s’installe à travers l’album. Qu’est-ce que tu avais envie de nous raconter avec Like Flowers on a Molten Lawn?
MH : Tout et rien! Connor Siedel, qui a réalisé mes derniers disques, a un peu mis le doigt dessus. C’est du « reverse engineering ». Je crée une histoire à partir d’un ramassis d’idée. Le printemps est ce qui revient quand même souvent. La genèse est un poème [de EE. Cummings] que j’avais lu et qui parlait de la lenteur, de la précision et de la beauté de la création du printemps […], c’est un peu comme ça que je voulais créer l’album. L’autre vient du titre de l’album, Like Flowers on a Molten Lawn, qui provient d’une image d’une fleur solitaire qui pousse sur une pelouse faite en lave. Il y a beaucoup de résilience et d’espoir dans l’album. Ces thématiques reviennent souvent dans mes chansons et dans ma vie en général, c’est un peu comme cette célèbre citation de Cohen, « There’s a crack in everything, that’s how the light gets in ». […] Pour moi, l’idée d’une fleur qui pousse dans un climat qui devrait la rendre impossible, ça me donne espoir, ça me donne quelque chose à quoi m’agripper.
BM : L’observation et la connexion avec soi et avec les autres, ça revient aussi beaucoup dans tes chansons.
MH : Oui, d’une certaine manière, c’est un journal intime. C’est ce que je vois autour de moi, physiquement et émotionnellement, ce que je vois à l’intérieur de moi et ce que je perçois dans les gens. Mon interprétation de la vie, d’une certaine façon. Que ce soit en voyage, à la maison ou dans mes amitiés et dans les émissions de télé même. End Scene est d’ailleurs en partie inspiré par [l’émission] Rick & Morthy!
BM : Plein de dates de spectacles s’en viennent et avec toute cette instrumentation sur disque, à quoi on peut s’attendre sur scène?
MH : J’ai depuis longtemps un peu abandonné l’idée d’essayer de représenter un album parfaitement tel quel. À la limite, je trouve ça un peu plate. Quand je vais voir un show et que l’artiste a pris la peine de réinterpréter ses propres chansons et de les remanier de nouvelles façon, je trouve ça vraiment plus intéressant. […] Un des grands exercices que j’ai fait sur cet album, c’est justement de remanier toutes les chansons de façons différentes pour m’assurer que peu importe dans quelles formes elles existent, ça fonctionne. […] Donc, [pour les spectacles] ça va être un remaniement des chansons. Je pense que l’idée, c’est juste d’en garder l’esprit.
Matt Holubowski sera en spectacle un peu partout au Québec au cours des prochains mois. Pour connaître tous les détails des dates, rendez-vous sur son site web. L’album Like Flowers on a Molten Lawn est disponible en format physique par ici, ainsi qu’en format numérique sur toutes les plateformes d’écoute en continu.
Photo de couverture : Matt Holubowski, crédit : Veronique Audet-Gagnon