Views from Above est une exposition qui a été faite en hommage à Emmanuelle Duret, finissante de la maîtrise en arts visuels et médiatiques à UQAM, décédé le 3 février 2022. C’est avec la collaboration de la Galerie de l’UQAM et de son père, Edmond Duret, que ses amies ont produit cette exposition et déposé son mémoire de maîtrise.
En entrant dans la Galerie de l’UQAM, j’ai rapidement été interpellé par le choix de présentation des œuvres. À l’intérieur de ladite pièce, le premier élément qui attire le regard est une table rectangulaire en bois, sur laquelle sont intégrés des clichés de Ludwigsfeld, un quartier résidentiel situé près de Munich en Allemagne : « Dans les années 1940 s’y construit le sous-champ de concentration Allach [dépendant du camp de concentration de Dachau], qui servira notamment de camp de transit pour réfugiés avant d’être reconverti en quartier résidentiel ».
En regardant de plus près les clichés du camp Allach, il est possible de voir les différentes divisions du camp : partie juive, section des femmes, etc. Construit en 1943, le camp détenait des individus qui servaient dans plusieurs groupes de travaux forcés, notamment l’armement aérien (BMW). Ce camp sera reconverti en quartier résidentiel des années plus tard, sous le nom de Ludwigsfeld.
Ces clichés, pris en hauteur, nous permettent de voir, par vues aériennes, la ressemblance typographique existant entre les deux sites : Ludwigsfeld et Allach. Même si le camp d’Allach n’existe plus aujourd’hui, sa structure architecturale, notamment les différentes sections la constituant, perdure encore aujourd’hui sous les fondations du quartier Ludwigsfeld. Cette structure, invisible à l’œil nu et d’un point de vue extérieur ne permet pas au regard de voir et de comprendre l’empreinte historique et mémorielle présente de manière géographique. Ce faisant, Duret dévoile cette problématique de l’absence par notre position olfactive et nous montre par son regard ce qu’on ne voit pas, c’est-à-dire, comment « l’histoire et la mémoire s’inscrivent dans le territoire de manière invisible ».
« […] De l’extérieur, cet espace ne semble rien représenter. À partir des vues de l’intérieur et d’une vue de l’extérieur, j’aimerais donner à voir ce qui n’y est pas. Ce qui reste à mettre en place, c’est mon engagement corporel, visuel, ma position. Ce qui est donné à voir, c’est mon regard sur cette absence. Prise en son centre ; c’est mon regard qui témoigne ».
Ces images du site d’Allach et de Ludwigsfeld nous montrent ce qui est absent pour nous amener à questionner notre propre point de vue. Elles nous permettent d’accéder par notre regard, à une partie de l’histoire, en laissant une trace indélébile qui fait état d’une présence mémorielle. En nous montrant cette absence, il nous est possible d’imaginer un espace autrefois existant et de prendre part à l’histoire, par notre présence indirecte, sur un lieu autrefois empreint d’atrocité et de violence.
J’espère que cette exposition vous plaira et vous permettra de comprendre comment l’art nous amène à nous questionner sur des réalités qui font notre histoire collective.
Vous pouvez voir cette exposition à la Galerie de l’UQAM jusqu’au 21 janvier 2023.
Photo de couverture: Vue de l’exposition Emmanuelle Duret. Views from Above, 2022, Galerie de l’UQAM. © Galerie de l’UQAM