Jeudi dernier, j’ai eu la chance d’assister à la première médiatique de FOREMAN à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, présentée pour la deuxième fois. Une création de Charles Fournier dans laquelle il y joue également. Cette pièce, une production de la compagnie Mon père est mort, est mise en scène par Olivier Arteau et Marie-Hélène Gendreau. J’ai absolument adoré cette expérience! Une heure quarante-cinq, plongée dans l’univers d’une gang de chums. Les comédiens, autant que la mise en scène, forment un ensemble totalement divertissant, et jamais redondant.
Un texte fort et un jeu convaincant
Dans son texte, Fournier rend un certain hommage aux hommes qu’il a cotoyés dans le milieu de la construction. Des hommes qui sont mal avec leurs émotions, qui ont été élevés à être tough, à ne pas pleurer, à être de « vrais » hommes. C’est dans une langue crue et honnête que le texte vacille entre Carlos (Charles Fournier), racontant l’histoire de sa vie au public, et une réunion avec ses chums d’enfance sur la terre de son père, là pour lui faire une surprise. Les deux fils narratifs se rencontrent dans les dernières scènes, et donnent lieu à une fin touchante.
La langue crue, parfois vulgaire du texte, pourrait choquer certaines personnes. Par contre, selon moi, elle apporte un message fort à la pièce et une véracité surprenante quant à la réalité de ces milieux remplis de testostérone comme la construction. Il n’y a rien dans le texte qui m’a totalement surprise. J’ai même, au contraire, reconnu plusieurs personnes que j’ai cotôyées à travers les différents archétypes masculins, présents dans la pièce. Cette vérité, Fournier l’a mené jusqu’au bout et sans avoir peur de s’attaquer à des enjeux très actuels comme les violences sexuelles et ses dénonciations durant le mouvement #metoo. C’est un portrait extrêmement précis d’hommes issus d’un même milieu qui pourtant, semble avoir une portée universelle quant à l’enjeu de la masculinité et spécifiquement de la masculinité toxique. C’est que la pièce met l’emphase sur une problématique parfois peu explorée : la difficulté de certains hommes à exprimer leurs émotions, sans tomber dans la violence.
Pour porter ce texte, les comédiens ont fait un travail de champions. C’est sans pudeur et avec réalisme que Poitras (Pierre-luc Désilets), Jo (Steven Lee Potvin), Frank (Vincent Roy), Arnaud (Miguel Fontaine) et Carlos (Charles Fournier), se sont dévoilés devant le public. Chacun d’eux avait exactement la bonne façon d’interpréter leur personnage, qui était spécifique, tout en étant universel. Ils ont réussi, tout en restant cru et vrai, à créer une sorte de sympathie de la part du public. Vraiment, je me suis prise, malgré les atrocités qu’ils ont pu dire, à m’attacher à leur personnalité. Chapeau!
Une mise en scène dynamique
Je crois sincèrement que dans le cas de cette pièce, la mise en scène amène une dimension essentielle, au sens où elle apporte réellement un plus à la dynamisation des propos, et permet aussi d’ajouter une couche d’humour. C’est autour d’une vieille carcasse d’Honda Corolla qu’elle se déploie. Du côté cour, on retrouve une corde de bois, quelques éléments de camping. Des branches pendent du plafond et c’est à peu près tout. L’auto est un élément important du décor et est utilisée constamment, et ce, jusqu’à la fin de la pièce. Bref, sans être trop extravagant, les décors sont simples et efficaces.
La présence de quelques chorégraphies des hommes sur des bruits de jeux vidéo, entre autres à un moment représentant la masturbation, amène une couche humoristique très intéressante, et permet de dédramatiser les propos parfois lourds de la pièce. J’ai absolument adoré ces petits interludes. De plus, les alternances entre les scènes de party entre les gars et les monologues de Carlos étaient très dynamiques, et ponctuées d’une trame sonore absolument fantastique. Tout fonctionne dans ce petit bijou de Charles Fournier. J’ai pleuré, j’ai ri (aux larmes) et j’ai réfléchi. Je conseille à tous, spécialement aux hommes (même si vous ne venez pas du milieu de la construction et n’avez pas été « élevés par des mononcles »). C’est pour un public averti, mais une fois averti, je vous promets que vous ne le regretterez pas!
Foreman est présenté au théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 12 novembre. C’est une pièce qui mérite d’être vue par tous et toutes, et même revue. Pour des billets, c’est par ici.
Photo de couverture: Foreman, crédit : Èva-Maude TC