Lolita n’existe pas: la déconstruction d’un mythe sur scène

Lolita n'existe pas, théâtre

Le 6 octobre dernier, j’ai eu la chance d’assister à une représentation de Lolita n’existe pas dans la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Connaissant le mythe de Lolita, cette jeune fille ayant séduit un homme beaucoup plus vieux dans le célèbre roman Lolita de Vladimir Nabokov, j’avais toujours ressentie un certain malaise. La pièce brillante de la dramaturge et actrice Pamela Dumont, m’a réellement permis de me réconcilier avec cette histoire. Elle apporte ce que le roman et l’histoire originale n’ont pas: le point de vue de la jeune fille. En effet, à l’origine, Lolita n’est qu’un mythe raconté avec le regard de l’homme. Elle n’a pas d’individualité ni de personnalité qui lui est propre. En faisant cette mise en scène de l’histoire, Dumont réussie à renverser la perception de la figure de Lolita et à lui donner une voix, en plus de soulever plusieurs questionnements, qui sont extrêmement pertinents de nos jours face au consentement.

Crédit photo : Patrice Tremblay

La déconstruction du mythe original

La pièce raconte la rencontre entre elle et lui, qui partiront en roadtrip ensemble. Elle voulant prouver au monde qu’elle est « quelqu’un », accepte de quitter avec lui vers Atlantic City. Au fil du voyage, leur relation se complexifie et met en scène la manipulation de l’homme et la naïveté de la jeune adolescente, qui, malgré sa réticence marquée tout au long de la pièce, se fait embarquer dans le jeu de son partenaire de voyage.

Cette réticence permet réellement de mettre en lumière la complexité d’une telle relation. La jeune fille, sans s’en rendre compte, dans un désir d’émancipation utilise parfois un langage beaucoup plus adulte, sans que ce soit volontairement dans l’objectif de séduire. L’homme quant à lui, profite de la volonté de celle-ci à être grande, et lui vole le peu de jeunesse et de naïveté qu’elle avait en introduisant des rapports amoureux et sexuels à leur relation. Il n’est pas strictement représenté comme un homme gentil ou méchant, mais plutôt comme un reflet de sa socialisation. Il n’a jamais aimé, ne s’est jamais fait aimé. Il tombe amoureux de la jeune femme sans réaliser le rapport de force qu’il a sur elle. N’ayant jamais eu d’expérience, il est plus facile pour lui d’aller vers la jeunesse.

La pièce permet de mettre en lumière la complexité de l’individu et surtout de la jeune femme adolescente qui, selon le mythe original, ne ferrait que séduire en toute connaissance de cause et sans ambiguïté. Vers la fin de la pièce, une entrevue télévisée avec la jeune femme victime, vient encore plus éclairer le trauma et l’expérience qui a été vécu de son point de vue. C’est pour cette raison, selon moi, que la pièce mérite d’être vue et revue. Elle permet aux adolescent.e.s de se questionner facilement sur la notion de consentement et de relation d’autorité, avec une pièce de seulement 1h15. Je lève mon chapeau à Paméla Dumont pour cela.

Crédit photo : Patrice Tremblay

Jeu des acteur.ice.s et mise en scène

Seulement cinq personnages composent la pièce et trois comédien.nes se partagent la scène. Paméla Dumont, aussi autrice, joue le rôle de la jeune adolescente. Malgré la différence d’âge avec son personnage, elle réussit avec brio à convaincre le public avec une gestuelle et un ton plus enfantin. Le rôle de l’homme est quant à lui joué avec justesse par Sylvio Arriola, qui devient de plus en plus troublé et troublant plus la pièce avance. Alexandre Ricard quant à lui, occupe les trois autres rôles mineurs de la pièce, soit le commis de dépanneur, l’animateur de télé et le jeune garçon. Il réussit certainement à distinguer ces trois rôles et pas seulement par le costume ou l’allure physique, mais aussi à l’aide d’une interprétation adaptée à chacun des personnages. J’ai adoré le ton de la pièce qui restait assez enfantin tout au long, cela permettait de voir encore plus les tensions de l’histoire.

Pour ce qui est de la mise en scène, elle était assez sobre. Une seule pièce maitresse faisait guise de décors. J’étais assise devant au centre, donc j’ai vraiment eu l’expérience optimale. Malheureusement, je crois que si j’avais été sur le côté, je n’aurais pas eu une aussi bonne expérience, simplement parce que j’aurais manqué certains repères visuels. Ceci dit, j’ai tout de même adoré l’ensemble de la mise en scène que j’ai trouvé efficace, simple et claire.

C’est une pièce que je recommande à tou.tes.s d’aller voir, spécialement les adolescentes et adolescents pour qui je crois, la pertinence des sujets abordés est très grande.

Elle est toujours en représentation jusqu’au 22 octobre au Théâtre Denise-Pelletier dans la salle Fred-Barry. Pour les billets, c’est par ici.

Photo de couverture: Crédit: Xavier Cyr

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Catherine Fournier

Étudiante en littérature, Catherine est une passionnée de tout ce qui touche à la culture. Son passe-temps préféré? Lire dans son lit, une bougie allumée pendant que son chat Clémentine dort à côté.

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