Les jeunes sur le marché du travail: un sujet chaud, mais surtout, une adaptation à faire. Comme les jeunes que nous étions et le défi que nous avons été pour nos prédécesseurs. Dans les années 90, j’ai fait rager mon gérant du McDo parce que je n’allais pas assez vite et j’ai déçu ma superviseure lorsque je surveillais des baigneurs, car je ne voulais pas travailler après 19 heures. Pourtant, aujourd’hui, j’ai de superbes évaluations au travail et on me considère comme une très bonne employée.
Récemment, une conversation avec une amie m’a fait réaliser beaucoup de choses qui m’habitent depuis. Dans la vie, je soutiens, dans un rôle-conseil, des adultes et j’ai aussi une formation en RH. Je lis et m’informe beaucoup à propos des jeunes qui arrivent sur le marché du travail, c’est donc un sujet qui m’interpelle. À noter qu’en utilisant le terme «jeunes», je parle de ceux dans la vingtaine, mais aussi des ados dans les crèmeries, les pépinières, les camps de jour, etc. Certaines personnes n’ont pas le goût ou l’engouement du travail. J’en connais de 15, de 25, et même de 55 ans. Je crois que c’est une question de tempérament, pas d’âge. L’encadrement sera plus ardu, c’est vrai, demandera plus de temps, c’est vrai. L’employeur n’aura même pas la garantie que ses investissements RH lui seront rentables. L’attraction à rester au sein d’une organisation est si fragilisée que ce n’est plus juste un concept, mais une réalité.
Ceci étant dit, il manque de main d’œuvre. Pourtant, les jeunes, ils sont là. Ceux de qui on dit — moi —même coupable — qu’ils sont accros à leur téléphone, ont des parents qui font pareil — encore coupable! — La technologie rend impatient, car la vitesse nous habitue à des réponses pratiquement sans délais et des recherches pratiquement sans efforts. Je me pose la question: en vieillissant, devenons-nous un peu impatients aussi?
Les jeunes étudient plus longtemps et plusieurs ont leurs études payées par leurs parents, ils peuvent donc se concentrer sur celles-ci. Ainsi, l’obligation de se trouver un premier emploi n’est plus une fin en soi. Par contre, je crois que les premiers emplois ont une fonction: celles de nous préparer à notre future «vraie» job. D’ailleurs, on parle maintenant d’une moyenne de 6 à 8 employeurs dans une carrière, comparativement à 1 ou 2 pour les générations d’avant. J’avoue, j’aurais adoré ne pas travailler pendant mes études. Cependant, je ne regrette pas mon parcours: il m’a forgée. Les deux côtés de la médaille ont leurs avantages et leurs désavantages.
Mais les patrons qui engagent des jeunes dans ces premiers emplois sont-ils patients? Ont-ils aussi des impatiences liées à la technologie? Prennent-ils des appels non-urgents pendant qu’ils forment un nouvel employé? Je l’observe beaucoup dans le commerce au détail et dans les épiceries. Le jeune est en formation et il attend constamment que son patron finisse un appel. Je trouve ensuite ironique que ce dernier dise des jeunes qu’ils ne sont pas capables de décrocher de leurs cellulaires. Je sais, business is business, mais former un employé, ça aussi, is business. Si une formation est toujours entrecoupée de prise d’appels, je ne pense pas que le jeune se sente important et valorisé et ça ne me surprendrait pas qu’il aille ailleurs si il a une meilleure offre, car il n’aura développé aucun lien avec son employeur. Rendu là, qu’est-ce qui le retient? J’ai refusé un emploi de plusieurs milliers de dollars de plus annuellement l’année dernière pour garder une relation professionnelle qui était sans prix à mes yeux.
Il y a aussi tout le concept générationnel de ces jeunes qui ont grandi avec les phrases: «tu es important», «respecte-toi», «n’acceptes pas n’importe quoi», «connais ta valeur». C’est ce qu’ils font. Ils ne veulent pas se faire exploiter, ils ne veulent pas perdre leurs vies au travail, ils veulent voyager avant que les changements climatiques ne rendent certaines régions trop chaudes. Je ne suis pas pour ou contre ces phrases avec lesquelles ils ont grandi, je réfléchis. Certains les nomment «enfants-rois», mais c’est à ne pas confondre. Ceci est un concept beaucoup plus complexe. Avoir grandi avec des phrases d’encouragement et de soutien ce n’est pas faire des enfants-rois. On peut très bien encourager notre jeune en répondant à ses besoins, mais il ne faut pas lui reprocher après d’écouter sa petite voix intérieure!
La pandémie les a écorchés, eux aussi. Pour certains, dans l’adolescence, les confinements ont eu des effets épouvantables sur le plan social. Les tik-tokeuses et les youtubeurs que les parents trouvaient parfois insignifiants, ont été leurs compagnons pour penser à autre chose que les conférences de presse du dénombrement de décès que certains jeunes regardaient en même temps que leurs parents.
Je n’ai pas de solution. Je ne dis pas que les jeunes sont hypers travaillants ou qu’ils sont hypers paresseux, je dis juste qu’ils ont eu une drôle de période à passer et qu’ils font partie des deux premières générations à ne pas être éduqués à la maison. Ils ont des aspects différents dans leur développement, ils ont passé, pour certains très jeunes, au travers d’une pandémie remplie d’informations qu’ils n’avaient peut-être pas la maturité de gérer. Peut-être qu’on pourrait penser à ne pas les former au travail de la même manière que nous l’avons été, car ils ne sont pas nous? Peut-être qu’il faut innover? Peut-être qu’il faut réaliser que certains ont vécu la perte de revenus ou d’emploi de leurs parents durant la pandémie? Peut-être qu’il faut comprendre que les troubles anxieux chez les jeunes sont en hausse et que les ressources pour les aider sont en baisse?
J’ai vu une jeune hôtesse d’environ 16 ans se faire hurler dessus, car une section du restaurant était fermée et que le client ne comprenais pas pourquoi il ne pouvait pas aller s’y asseoir. Elle a tout tenté: politesse, explication et sourire. Le client lui a littéralement dit: «Tu es conne ou quoi? Ton resto est à moitié vide». Les yeux dans l’eau, elle a fini par répéter doucement que son gérant ne voulait pas qu’elle ouvre cette section par manque de staff. Le client est parti en trombe en ne démontrant aucune habileté sociale devant ses trois enfants. Pourtant, elle, elle était au poste, sans expérience, peut-être avec peu de savoir-faire en restauration, mais avec un savoir-être impeccable, même avec son iPhone dans la poche!
Je souhaite que nous soutenions nos jeunes, que nous prenions le temps de voir où ils sont rendus et ce qu’ils comprennent. En tant que patrons ou clients, tendons leur la main. Quand nous ne pourrons plus marcher ou parler, un jour, ce sont eux qui nous tendrons la leur. Donnons-leur socialement ce qu’il leur a manqué pendant la pandémie: du présentiel de qualité.