« C’est capoté! » me lance Larynx au bout du fil le 18 mars dernier, jour de lancement de son deuxième album Applaudissez, bande de chameaux. D’ailleurs, le mot se prête bien pour décrire ce long-jeu tant hypnotisant qu’exaltant qui nous dévoile un nouveau pan de l’univers que le musicien nous fait découvrir depuis sa première proposition Ruche de mouches en 2020. À travers ses 17 chansons, Applaudissez, bande de chameaux traverse autant les influences des 70’s que celles des années 80 ou 90, des périodes musicales qu’Alexandre Larin affectionne et manie astucieusement. Sans délaisser les racines psych rock, cette fois, l’audace ira même par moment jusqu’à emprunter au country-folk, le tout coiffé de plusieurs collaborations, dont celles des Deuxluxes, d’Helena Deland et de Léona.
Rock enivrant et textes débridés, la douce folie de Larynx s’installe d’abord et avant tout dans le plaisir, le mot d’ordre qui a d’ailleurs guidé le processus. Tout juste après une ronde de livraison de vinyles gracieusement déposés avec un Ah Caramel! en prime à l’occasion de la sortie de l’album, on a discuté de la création de cette récente proposition.
Boucle Magazine: On parle souvent du vertige du deuxième album pour un artiste. Est-ce que dans ton cas, tu as ressenti une certaine pression?
Larynx: Il y a naturellement une pression qui s’installe, mais j’ai réussi à l’enlever d’une certaine façon. C’est hors de question de me mettre dans ce mood parce qu’autrement, l’inspiration n’arrive pas. J’arrive toujours à me placer dans une zone où je pense juste à me faire du fun avec mes amis. C’était ça la pulsion du début [de l’album]. C’est cliché, mais l’idée, c’était de me dire s’il me restait un ou deux mois à vivre, quel genre d’album j’aimerais faire? Clairement, je ne me soucierai pas de ce que les gens en penserai, ça me tenterai plutôt d’avoir du plaisir avec tous les musiciens et musiciennes talentueux autour de moi.
BM: Tu dis justement que c’est un album que tu as fait pour te faire plaisir. C’est important pour toi de garder cette notion dans ton processus?
L: C’est plus qu’important. C’est la seule raison de le faire. La plupart des gens qui commencent la musique, c’est pour le plaisir d’écrire des tounes, d’être fier et d’être tellement excité de le faire! Au fil du temps, on dirait que c’est plus difficile parce qu’on tombe dans les choses plus techniques. Ça peut être stressant et t’éloigner du but initial. Alors, si j’ai pas de fun, j’arrête là. C’est vraiment pour moi le main point de faire de la musique, le plaisir.
BM: Comment l’approche musicale s’est faite? Est-ce qu’il y a des choses que tu t’es permis d’explorer davantage sur cet album?
L: Le premier [album] est sorti d’un trait et cette fois, j’avais le goût d’aller un peu plus loin, sans me réinventer complètement. Je ne pense pas être arrivé avec un album complètement expérimental, mais je me suis permis d’aller dans certaines directions. Dans le trip de synthés des années 80 et dans des zones un peu plus « musique explosive », justement. J’ai toujours voulu faire ça, alors je me suis payé la traite au niveau stylistique.
BM: L’album compte 17 chansons, le double du premier! Est-ce que tu avais peur de te perdre un peu à travers la sélection des pièces?
L: Il y en avait encore plus, mais l’un de mes buts principaux était de l’imprimer en vinyle et c’est un format capricieux où il faut qu’il y ait un certain temps sur chaque side. Ça a été quand même un bon casse-tête de choisir les bonnes chansons. Plutôt que de le voir comme un album de A à Z, c’était Face A, Face B. Il y a plein de chansons qu’on a mis de côté. J’aurais aimé faire un album double, mais je m’en suis gardé un peu pour plus tard (rires).
BM: Tu as collaboré avec plusieurs artistes pour cet album. Est-ce qu’en composant, tu avais déjà des gens en tête, comment le processus s’est fait pour choisir tes collaborations?
L: Quand je les ai composées, je n’ai pas pensé à ça, mais dès le moment où l’idée de l’album est arrivée, je me suis demandé ce qui m’amènerait vers cette zone de plaisir et la réponse, c’était les collaborations. J’avais vraiment le goût de collaborer et je voulais le faire avec encore plus de monde. La toune avec les Deuxluxes, le beat était tellement kick/snare que j’imaginais tout de suite Étienne le jouer avec ses pieds. Il y en a qui étaient quand même évidentes. Helena [Deland] qui chante avec moi sur certaines chansons, on s’est tout de suite dit que ça marcherait!
BM: Bien t’entourer, est-ce que ça te motive plus?
L: Oui, parce que seul, c’est certain que je saute une coche (rires)! Juste le fait d’être entouré de gens qui ont cette oreille extérieure, ça me garde les pieds sur terre. Ça me donne la confiance, ça me donne le gaz pour continuer. Triper ensemble, c’est l’effet boule de neige: on tripe de plus en plus. Ça me donne un petit baume et ça me donne du jus.
BM: Dans tes textes, tu t’inspires beaucoup des histoires et des gens autour de toi. Si tu devais décrire les histoires de cet album, qu’est-ce que tu aurais à dire?
L: Mes textes tournent pas mal autour des interactions que j’ai avec les gens autour de moi. Les gens qui partent et ceux qui arrivent dans ma vie. Il y a aussi des chansons d’amour. « J’ai dessiné un coeur dans la neige » c’est comme une nouvelle relation qui commence et tout ce côté très léger et bubbly. Il y a aussi des chansons qui sont à propos du départ et des frictions comme « Tu as tellement changé » ou « Devinette », qui parlent d’un break-up d’amitié. Il y a aussi les moments où je commence à délirer et que je rêve d’aliens et de choses un peu plus ésotériques. J’essaie de mélanger ce côté terre-à-terre de la vie et d’y mettre une couche de peinture pour rendre ça un peu plus flyé.
BM: Et le titre Applaudissez, bande de chameaux, d’où ça vient?
L: La genèse de cette phrase-là, c’est qu’à chaque temps des fêtes, à la place de donner des cadeaux à ma grand-mère comme elle a déjà tout, j’ai commencé à faire des lettres de remerciements. Au début, c’était quelques petits paragraphes que je lui demandais de lire devant toute la famille. J’ai commencé à y prendre goût et c’est devenu 3 pages de remerciements. On était tous crampés. C’est une ancienne prof d’école qui parle full bien et moi, je lui fais dire les pires affaires. Un moment donné, il y avait une petite intro hyper absurde et le punch finissait par « Applaudissez, bande de chameaux! » Je trouvais ça tellement drôle! Venu au temps de l’album, tout était fini et j’étais incapable de me décider sur un titre. J’avais une cinquantaine de noms. Je savais pas trop où me mettre parce que je me disais que j’avais tellement mis d’effort là-dedans. J’ai eu un meeting avec mon gérant et il m’a demandé lequel me faisait le plus plaisir. « Applaudissez, bande de chameaux », ça me faisait rire. J’y ai été pour quelque chose dans la même vibe que l’album, avoir du plaisir!
Curieux.ses de découvrir ce nouveau long-jeu? L’album Applaudissez, bande de chameaux est disponible dès maintenant en format vinyle et en version numérique sur toutes les plateformes d’écoute.
Les dates à retenir pour voir Larynx en spectacle:
Lancement au Ministère à Montréal le 7 avril 2022
Lancement au Pantoum à Québec le 8 avril 2022
Photo de couverture: Larynx, crédit: Étienne Barry
Félicitations Karine très belle entrevue avec Larynx