Deux ans se sont écoulés depuis la sortie de Prélude, premier album de l’autrice-compositrice-interprète Félixe (Véronique Bazin) qui revient avec Les jours peureux, un EP transitoire entre nostalgie et nouveau départ. Conjuguer la fin de sentiments amoureux à un recommencement, c’est ce que propose l’artiste avec ce mini-album composé l’année dernière après une rupture qui lui aura inspiré des titres sur les hauts et les bas d’une ancienne relation et l’élan de renouveau qu’elle entraîne.
Entourée des mêmes musicien.ne.s qui l’ont accompagné pour sa première carte de visite (Simon Bilodeau, Anne-Sophie Bourlaud, Alexandre Veilleux et Marcus Quirion), Félixe offre un EP empreint de vulnérabilité dans un rock vaporeux construit sous le son affirmé des guitares qui se font plus présentes, parfois plus lourdes, parfois plus ambiantes, s’arrimant au rythme des pièces retraçant le parcours intime de la chanteuse. L’album tout juste sortit, on en a profité pour discuter davantage de la démarche derrière celui-ci avant le lancement officiel qui aura lieu ce jeudi 19 août via la nouvelle plateforme virtuelle Rampe de lancement de l’ADISQ.
Boucle Magazine : Avec ton premier album Prélude, tu entamais un tout nouveau chapitre et fermais la porte sur quelque chose. On retrouve ça aussi dans Les jours peureux. Est-ce que tu considères que c’est une étape nécessaire dans ton processus créatif ?
Félixe : Je pense que oui. Pour moi si ce n’est pas « canné », je ne peux pas en parler. Quand la page est tournée, j’ai l’impression que je peux mieux sortir ce que j’en pense. Les jours peureux, ça a été pour moi de tourner la page sur quelque chose sans perdre ce que j’avais appris là-dedans. Ça a vraiment été important, tout ce que la personne m’a apporté et ce qu’il m’en reste, c’est l’évolution que j’ai faite.
BM : Est-ce que c’est une des raisons pourquoi le EP commence avec la pièce Iberville qui parle de ta nouvelle relation ?
F : Oui vraiment. Iberville c’est une chanson qui va de l’avant. Pour moi, ça a été une émancipation. Ce n’est pas un hasard que la chanson donne l’impression d’avancer. Tout était voulu !
BM : C’est une pièce où on sent un véritable lâcher-prise, tant dans les riffs que dans la voix.
F : Oui j’étais vraiment dans un state of mind de let it go et d’émancipation quand je l’ai écrite. J’avais envie de voir ce que la vie avait à m’offrir. Et je pense que c’était dans le mood du EP de commencer avec quelque chose qui proposait qu’on embarque dans un autre truc.
BM : Est-ce que ça te stressait de partager cet aspect de ta vie et de cette ancienne relation ?
F : Ça me stressait de ne pas faire honneur à cette relation et à cette personne. Il y a des trucs que je dis et que j’ai vérifié avec mon ex pour voir si c’était correct avec lui, je trouve que c’est la moindre des choses. Il y a deux côtés dans une histoire, mais je suis la seule qui la raconte en ce moment. Oui j’y suis allée deep, mais j’y suis allé en surface aussi parce que pour moi, c’était aussi beaucoup axé sur ma nouvelle sexualité. Je l’ai exposé en vidéo entre autres avec le vidéoclip [d’Iberville]. Pour moi, porter un corset ce n’est pas naturel… je suis tout le temps en t-shirt et en casquette ! Mais y’a quand même une grosse partie de moi qui avais envie de me sentir femme. J’ai 30 ans, j’ai envie de m’appartenir au complet.
BM : Est-ce que c’est pour cette raison que tu as décidé de te mettre de l’avant dans le vidéoclip ?
F : Oui, c’était important. Au début on avait pensé à un ami, mais on dirait que je n’étais pas à l’aise que quelqu’un s’approprie ce que ça signifie pour moi. J’avais besoin que le discours m’appartienne. […] J’ai vraiment développé une confiance. La pandémie m’a vraiment apporté cet aspect de liberté. Quand je vais me maquiller, ça va être vraiment parce que je vais en avoir envie et non parce que quelqu’un va poser son regard sur moi et va le valider. C’était cool de reprendre un certain contrôle sur mon image. J’avais envie d’être libre et de me dire que si j’ai envie de porter un corset, je m’en fou et je peux. Si je prends des selfies, ce n’est pas aux autres de juger si c’est trop osé ou pas.
BM : Il y a aussi tout un univers visuel avec le EP, c’est quelque chose à quoi tu tenais ?
F : Vraiment ! C’est la première chose à laquelle j’ai pensé quand les chansons ont été écrites. Pour moi ce EP-là, c’est le déménagement. Je veux qu’on comprenne qu’il y a des souvenirs dans un appart même si tu t’en vas. Tu as habité ces quatre murs-là et il y a des affaires qui restent. J’avais envie que ça existe, c’est pour ça que la pochette de l’album c’est un piédestal avec une boîte de déménagement brune. Pour moi c’était d’honorer tout ce qu’on a bâti avec une personne.
BM : La guitare est aussi beaucoup plus présente, j’ai l’impression que tu as voulu t’amuser avec ça.
F : Oui ! […] J’ai eu beaucoup de fun à la guitare là dessus, je pense que j’ai exploré la guitare d’une autre façon que Prélude, où je découvrais ce que j’aimais. Là, quand on est arrivé avec Les jours peureux, je me suis dit « j’ai envie de mettre du trémolo partout ! » Je pense que j’ai juste voulu y aller all in et ça m’a fait du bien.
BM : Et de travailler avec la même équipe, ça s’est fait naturellement ?
F : Pour moi, mon équipe dans ce temps là de ma vie c’était vraiment important, parce que c’est des gens en qui j’avais confiance et j’avais besoin de voir mes amis aussi. C’est cool de travailler avec des gens nouveaux, mais dans une période de ma vie où tout était nouveau, je pense que j’avais besoin qu’il y ait quelque chose que je connaissais et avec lesquelles j’étais plus familière.
BM : Maintenant que c’est canné pour Les jours peureux, tu es prête pour entamer le prochain ?
F : Oui, vraiment ! En ce moment j’ai beaucoup envie d’écrire et je suis dans une passe où tout m’inspire. J’écoute beaucoup la musique de mes ami.e.s, je me sens vraiment proche des gens qui m’entoure, c’est magnifique ce qu’ils font et ça me drive vraiment.
On découvrira Les jours peureux lors d’un spectacle de lancement virtuel le 19 août dans un décor spécialement choisi pour l’occasion. Le tout sera disponible sur la page de l’événement en collaboration avec l’ADISQ et sa nouvelle initiative de diffusion web consacrée aux lancements d’albums. L’album de Félixe est disponible sur toutes les plateformes d’achat et d’écoute numériques sous l’étiquette Rozaire.
Photo de couverture : Félixe, crédits : Graham GS