L’auteur-compositeur-interprète Bobby Lehoux poursuit sa route en solo avec Les animaux sauvages, premier long jeu de son projet Fantômes créé en 2013. L’artiste nous dévoile ces bêtes qui dorment à l’intérieur, celles qui nous préoccupent et nous tourmentent. Un disque folk rock tout en sobriété, où il a fait équipe avec différent.e.s collaboratrices et collaborateurs (Marshall Vaillancourt, Benjamin Griffiths, Jeanne Corpataux-Blache, Marie-Audrey, Marie-Claudel et Zéa Beaulieu-April). On voulait en apprendre plus sur le processus derrière l’album, Bobby a pris le temps de répondre à nos questions.
Boucle Magazine : Le projet Fantômes a d’abord vu le jour en formule duo. Pour Les animaux sauvages, tu reviens cette fois seul. Est-ce que cette nouvelle formule a changé quelque chose dans ton approche ?
Fantômes : Ma vision est maintenant mieux définie, plus assumée. Pour Les animaux sauvages, les démos des chansons étaient plus abouties et j’avais une meilleure idée de ce que je voulais faire en matière d’arrangements. Fantômes est passé par plein de phases, mais à la base mon premier EP éponyme est issu d’un projet solo. Je viens d’un milieu de bands, alors j’ai rapidement voulu recréer cette dynamique avec Fantômes. En rétrospective, je crois que je n’étais pas prêt à prendre tout ça sur mes épaules. Je n’avais pas l’expérience et la maturité pour mener un projet. Je suis un peu un late bloomer. Je joue dans des groupes depuis huit ans maintenant, j’ai tranquillement appris des trucs ici et là et c’est peut-être la première fois que je me sens plus en contrôle du navire. J’aime l’aspect du dialogue lorsqu’on collabore avec d’autres musiciens. Il faut alors apprendre à écouter les idées des autres et laisser son égo de côté pour le bienfait des chansons.
BM : Les chansons qui construisent l’album sont très imagées et métaphoriques, presque comme de courtes histoires (on pense entre autres à Culte, Reine Louve ou Incirrina). D’où vient l’intérêt pour ce style d’écriture ? Ça permet un plus grand laisser-aller ?
F : J’aime la possibilité de raconter une histoire en chanson, d’avoir une ligne narratrice avec un début et une fin. C’est peut-être un mélange entre mon background en études cinématographiques et les musiciennes et musiciens qui me font triper. Je suis un fan fini de Fred Fortin, Tom Waits et de PJ Harvey. La narration est bien ancrée dans leurs chansons. Ils se permettent de changer de peau, de prendre la perspective d’une autre personne. C’est très country comme approche en fait. Pour ce qui est de la métaphore, pour moi, c’est la possibilité de faire entrechoquer deux idées et d’en créer une nouvelle. Pour moi, la force de la poésie réside dans ce choc. Quand Stéphane Lafleur dit « l’hiver nous travaille au noir », moi ça me fait tomber en bas de ma chaise. C’est quelque chose qui m’attire beaucoup dans le cinéma et dans l’art en général. J’aime beaucoup la mythologie aussi et ça, c’est le comble du métaphorique. En fait, beaucoup de chansons de l’album sont construites en lien avec des animaux mythiques et la réappropriation de leurs symboles.
BM : Que ce soit dans les paroles ou dans l’ambiance, il y a quelque chose de singulier dans le projet, on sent qu’il y a une aura autour. C’est important pour toi de construire cet univers ?
F : Oui, c’est important pour moi. Je crois que c’est la première chose qui m’habite dans un projet. J’imagine une ambiance que j’aimerais avoir, un peu comme un moodboard. […] L’univers évolue un peu sans qu’on s’en rende compte, elle prend les commandes. Les animaux sauvages est pour moi un album concept, alors c’était important que ces chansons-là se placent dans un monde bien à elles. C’est quelque chose de difficile à saisir, même quand on est dans la composition, quand on a établi une certaine base, le reste devient presque inconscient. C’est un mélange entre contrôle et lâcher-prise.
BM : L’errance qui teinte l’album s’entend aussi à travers les arrangements, à la fois enveloppants et dépouillés. Avais-tu une ligne directrice en tête de ce côté ?
F : Oui, il y avait une volonté de dépouillement, mais je crois que ça s’installe aussi avec le temps. On a pratiqué longtemps avant d’enregistrer ce qui donne la possibilité de bien choisir ce que tu vas jouer, d’aller à l’essentiel. Même chose pour l’enregistrement, on a pris le temps de le faire et d’essayer différentes options. Je crois que ça vient avec une certaine maturité aussi. Avant je voulais remplir tous les espaces possibles, maintenant je laisse les choses respirer un peu plus.
BM : Dans Les animaux sauvages, il est beaucoup question de libérer ces « bêtes » qui se cachent à l’intérieur de soi. Qu’est-ce que l’écriture de cet album t’a permis d’affranchir ?
F : Chanter est déjà un acte libérateur pour moi. Nommer les choses permet de les rendre réelles et facilite, par la suite, une certaine forme de guérison. Ce sont des problèmes qui m’habitent encore aujourd’hui et qui, je crois, habitent beaucoup de gens : le manque de confiance en soi, avoir de la difficulté à communiquer ses émotions, le stress, le sentiment d’imposture, l’envie et bien d’autres choses encore. Écrire ces chansons m’a aidé à tourner la page sur certains aspects de ma vie. Vieillir aide aussi. On voit les choses un peu différemment.
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Photo de couverture : Fantômes, crédit : Marie-Pier Meilleur