L’idéal

C’est un peu fou tout ce qui se passe, en ce moment. Le printemps s’en vient et, pourtant, chacun est invité à rester chez soi au lieu de sortir regarder la neige fondre. Je connais beaucoup de gens que cette situation de confinement angoisse. Ennuie. Emmerde.

« Je peux pas me permettre de prendre un mois de congé, t’sais, parce qu’on sait tous que ça va durer plus que deux semaines; c’est inévitable! »

Je les comprends. C’est vrai que la situation n’a rien d’idéal. Mais sans pour autant se mettre en mode « panique », on doit admettre que le problème a atteint des proportions majeures qui demandent la mise en application immédiate de solutions. Il y a à peine deux semaines, je discutais avec mes collègues dans notre bureau partagé, et chacune y allait de ses commentaires. Naïvement, j’ai dit : « Dans deux semaines, Montréal sera la ville fantôme; on verra plus un chat dans les rues et tous les commerces seront fermés! »

*bruit de déglutition*

C’est comme ça que je me suis retrouvée à travailler chez mes beaux-parents, qui sont absents, dans une grande maison calme et silencieuse. J’amène mon chien pour me tenir compagnie. Comme mon chum a pris congé cette semaine – fermeture de garderie oblige –, il en profite pour laisser les filles en pyjamas jusqu’à tard dans la matinée. Ils écoutent les bonhommes à la télé, déjeunent tranquillement, puis passent la journée à faire des casse-têtes, des tours en Megabloc ou à sortir se promener en poussette. Quand je lui écris vers 9 h 30 pour savoir comment ça va, il me dit que Mimi a dormi jusqu’à 8 h et que, comme elle se frottait les yeux et qu’elle pleurnichait, il vient de la recoucher pour sa sieste. Je sursaute. « Ben là, elle dort déjà ?! Vous allez pas sortir de la maison ?! » Puis, je me ravise. Les nerfs, pompon. Si elle est fatiguée, qu’elle dorme! Qu’est-ce qu’elles ont tant à faire d’autre, de toute manière?

Qu’est-ce qu’on a tant à faire?

On peut voir cette pandémie comme le pire des cauchemars. Mais peut-être aussi qu’on peut la voir comme une occasion de slacker. De s’éloigner de la folle routine habituelle – le 9 à 5, le gym, les sorties, les activités parascolaires, les courses inutiles – et des distractions habituelles – le cell, l’ordi, la tablette, les applis, la télé – pour revenir à l’essentiel.

Se déconnecter pour mieux reconnecter.

Prendre une grande marche. Jouer dehors. Respirer l’air encore frette de la mi-mars. Lire un livre. Cuisiner avec ceux qui partagent notre maison. Manger avec ceux qui partagent notre maison. Jouer à des jeux de société. Jaser. S’obstiner. Se pogner un peu, puis rire parce que dans le fond, c’est niaiseux. Facetimer avec ses grands-parents. Faire des biscuits. Des bricolages. Dessiner. Boire du café, encore un autre. Boire du thé. De la bière, du vin. Profiter du fait qu’on n’a pas de lunch à faire pour le lendemain. Soigner sa maison, soigner son esprit, soigner son corps. Soigner ceux qu’on aime. Parler au téléphone avec un ou une amie. S’envoyer de l’amour à distance. Faire l’effort de se rapprocher dans la distance.

C’est vrai que c’est pas l’idéal, de rester chez soi.

L’idéal, ce serait d’en profiter.

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Elyzabeth Martel-Choinière

Féministe, maman, traductrice, gobeuse de mots, caféinomane, rêveuse créative et gourmande affirmée, Elyzabeth a constamment la tête qui bourdonne de milles idées. Passionnée et toujours en quête de projets stimulants, elle se laisse volontiers guider par les envies de son cœur et de son ventre.

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