Comment pourrais-je imaginer ma vie si je n’avais aucune possibilité d’écrire ? Quand j’y pense, je me dis que je n’y arriverais pas. Ça me réveillerait la nuit. Ça me réveille déjà la nuit, la force de l’écrit. Un coup d’éclair qui apparaît avec une force brutale pour chasser ce que j’ai dans la tête.
Mes écrits c’est la vie, une partie de mon corps. Quand mon corps ne sera plus que cendre, mes écrits vont rester et ça, c’est beau. Un héritage que je pourrais léguer. À ce moment-là, quelqu’un prendra mon âme entre ses mains. Je pourrais revivre au travers son moment présent. Il y a quelque chose dans l’écriture qui fait en sorte qu’on ne puisse pas être plus présent que ça.
Écrire c’est l’existence, la liberté, c’est vivre. Être en transe.
C’est des témoignages. C’est une essence. Plus qu’une passion. J’ai donc senti le besoin de vous livrer le pourquoi j’écris, le pourquoi je suis en vie.
De la bonne solitude
Écrire c’est de la solitude. C’est délicieux écrire. Quand on se sent incompris, l’écrit est là et on se comprend mieux. C’est de là que ça part, l’écriture. Être dans une solitude profonde pour mieux ressentir et mieux comprendre notre monde intérieur. Faire ressortir quelque chose de plus fort que nous.
La solitude ne veut pas dire qu’on est seul dans une pièce, mais qu’on est seul dans notre dedans. Même entouré de gens. Concentré dans notre subjectivité.
L’écriture c’est une porte ouverte à mes émotions. Ce besoin de se retirer du monde et de se débarrasser d’un trop-plein. Elle vient d’une force des plus intimes.
La liberté d’expression
La solitude c’est aussi gage de liberté. Pas de regard outré sur ce qu’on écrit. Écrire dans sa plus pure expression, dans sa plus simple existence, dans sa liberté d’expression. La page blanche : quand on a une histoire dans la tête qui ne vient pas à l’écrit, mais qui existe. En fait, la page blanche n’existe pas. Elle n’est qu’une illusion, une barrière, un manque profond de liberté.
Tout le monde peut écrire, même si on ne sait pas écrire. C’est à ça que la liberté d’écrire fait appel. Quand on est pleinement bien dans notre solitude on agit sans contrainte de la grammaire, on laisse place à une marée de possibilité. La liberté de choisir nos propres mots et nos propres intentions et intonations. L’écriture automatique.
La transe d’écrire
Quand j’écris, je ne vois plus ni n’entends plus. Je suis concentrée dans ma seule pensée d’écrire. Je profite pleinement d’une solitude créée par moi, pour moi. Je ne cherche pas mes mots, mes mots viennent à moi sans que je ne les commande. Je suis en transe. De mon corps et de mon esprit. La transe de l’écriture. Il y en a qui ont de la misère avec ça, mais moi non.
Je prends cette source comme elle vient. Je la laisse venir à moi comme une puissance. C’est une transfusion de mots. Comme mon sang. Ça coule à flots.
Quand je ne prévois rien, c’est là que j’écris le mieux. Je me laisse aller dans un état qui se rapproche de mon existence la plus fondamentale : être là. Lorsque je commence à penser, je me perds dans ma tête. Je ne sais plus trop où je m’en vais. Mon énergie se change et se transmet ailleurs.
Je découvre des mots, des phrases qui m’aident à poursuivre mon chemin. Je prends conscience de la complexité de la vie. Je me questionne. L’écriture c’est un partage, un héritage et elle doit venir de quelque part, du plus profond.
Écrire c’est passer à l’acte
Un acte grandiose. Le sentiment que ça nous donne des ailes. On vole au-dessus de nous-mêmes et on constate le bon et le mauvais, on se sent plus léger. Le poids de notre être devient presque inexistant. On dessine avec l’encre de notre mémoire, de notre instinct, de notre corps.
Le bonheur de notre solitude est la plus belle valeur qu’on puisse avoir. Ce qu’on écrit n’a pas d’importance tant que ce qu’on fait à une valeur pour nous. Ça fait des frissons, ça bouillonne comme un feu de Saint-Jean, ça picote et ça chatouille nos armes : nos mains. Par les mains on subit la rage, la tristesse, la joie et on le transmet sur papier. Un concept de maladie incontrôlable, une folie, qui nous permet de passer à l’action pour nous défaire de nos tensions les plus profondes.
Ça me ramène à mes instincts les plus primaires. Ça y va avec un vif sentiment. Écrire ça vient d’un élan du cœur.
C’est sauvage. Soyez sauvage.
Il est difficile à suivre parfois ce flot qui érupte dans notre esprit.
Et puis, il arrive souvent au mauvais moment aussi. Sous la douche, dans le lit, ou alors qu’une personne essaye d’avoir notre attention. Mais il est tellement fort; il faut qu’il vive, il faut qu’il sorte, en lettres, en dessins, en sculpture, en tissus. Peu importe.
Alors on saute du lit à deux heures du matin. On court pour allumer l’ordi ou sortir une feuille. Et il faut le rattraper avant qu’il s’envole. Mais ce n’était pas que des mots, plutôt des pensées, qui tiennent parfois plus de l’émotion que de la verbalisation. Alors ça va vite, très vite. Il faut oublier le contrôle, se laisser porter et entrer dans cette transe dans laquelle on se sent tellement en harmonie avec nous-même… Enfin !
Quand ça arrive, je n’oublie pas d’en profiter. Parce que, que je le vive pleinement ou non, je sais ce qui m’attend le lendemain : le contre-coup, un petit passage à vide, apathique voire mélancolique. Mais lui non plus ne durera pas. J’ai appris à le gérer. On m’a proposé de me réguler. Mais je n’arriverais pas à renoncer à l’hypomanie ; ces instant où je vis enfin moi.