Être en relation avec moi c’est vivre au jour le jour. Toujours avoir le meilleur de ce que je peux donner cette journée-là, oui, mais …au jour le jour.
Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Ni de ce que vendredi prochain sera fait. Ni de ce que dans deux semaines sera fait. Migraine vestibulaire ou pas. Indigestion ou pas. Anxiété importante ou pas.
Je ne suis pas si imprévisible que ça: juste pas «planifiable».
«Oui, mais tu as juste à faire comme l’ami du cousin de ma belle-mère! Lui il a toujours de la médoc avec lui et il fait tout ce qu’il a faire.»
«Arrête de te plaindre pis donne-toi un coup de pied au derrière.»
Mettons que tu me dis: la semaine prochaine, on va faire de la randonnée en montagne, okay?
Toi, tu as tes bottes, ton sac à dos léger ( collation, lunettes de soleil, bouteilles d’eau…bref, le nécessaire pour traverser ta journée, les outils de base) chaque jour, tous les jours.
Moi je souffre de méga sac à dos avec des pierres chroniques dedans et de souliers à talons hauts chroniques. Oui, j’ai des jours avec les bottes et le sac à dos léger et j’apprécie ces jours. J’adore les jours sacs à dos léger et dieu que je savoure les jours où j’ai les bottes dans les pieds.
«Oui mais moi aussi j’ai des journées où je trouve que mon sac est lourd et que mes bottes sont pas confortables. Pis je fais de la randonnée pareil!»
Oui, mais moi mes mauvaises journées c’est pas des bottes qui compressent un peu mes orteils, c’est des fucking talons hauts dans les pieds qui compressent les orteils, bloquent dans la terre du gazon et glissent quand je tente de monter une pente! Mon sac à dos, il a pas juste deux-trois bébelles (pratiques) dedans, il a des mégas grosses pierres qui non seulement écrasent mes lunettes de soleil et ma bouteille d’eau (les éléments en moi qui seraient mes forces pour traverser la journée), mais en plus, il écrase mes épaules, me fait chavirer quand je tente de marcher de manière solide et droite. Cancelle la montée d’une pente, je vais débouler!
Donc quand toi tu chiales que tu es fatigué de monter la pente, moi je savoure le fait qu’aujourd’hui je peux tenter de monter la pente! Mes journées PAS de talons hauts et de sac à dos lourd pleins de pierres…wow! les arbres sont magnifiques! As-tu vu comment c’est beau le vent dans les feuilles? Non seulement je marche sans les grosses pierres dans mon sac à dos, je vole!
Pis là tu vas me dire: «calme-toé, c’est bin juste un sentier de randonnée…»
Ce à quoi je te réponds: moi les petits plaisirs, je les apprécie! Moi les belles journées, les beaux moments, les affaires simples, mais le fun, je les savoure!
«Jess, qu’est-ce que tu as fait pour ta fête?»
AH MON DIEU j’avais JUSTE mal à la tête FAIT QUE j’ai pu manger au A&W, magasiner tranquillement dans un centre commercial pendant deux-trois heures et flâner dans une librairie! C’ÉTAIT FOU RAIDE! Je suis même revenue à la maison avec des livres que je vais pouvoir apprécier plus tard! WOOT WOOT! Je suis vraiment contente!
Toi qui es en santé à part des rhumes et gastro occasionnelle, tu te dis: mais c’est plate comme journée de fête Jess! Moi, je suis reconnaissante!
Si tu ne sais pas quand ta gastro ou ton rhume occasionnels ( gros rhume, grosse gastro…mal de coeur solide là, tu as le « rhube », tu es congestionné jusqu’au cerveau) vont apparaître, car ils apparaissent souvent sans prévenir, tu ne planifierais pas à long terme. Tu ne sais pas si demain, tu vas avoir de la misère à parler, si tu vas te moucher au dix minutes et que tes yeux vont pleurer tellement ils vont être irrités… ÇA TE TENTES-TU VRAIMENT de planifier de quoi avec quelqu’un? De un, si ça arrive, tu vas devoir non seulement faire le message plate de canceller mais en plus…un rhume c’est comme une maladie invisible! Personne ne le voit sauf s’ils font attention aux signes subtils, le monde vont te gosser en te disant «voyons c’est yin’qu’un rhume!» pis ils vont te parler de l’ami du frère de la blonde qui lui a des rhumes comme toi et que oui il goûte pas les aliments parce que son nez est bloqué et que tout goûte pas bon et qu’il a de la misère à parler tellement sa gorge fait mal mais il va au resto quand même! Il se force! Il rit pareil donc il doit avoir du fun non? (Invalidation 101: ne pas reconnaître le vécu réel et émotionnel de la personne. La juger, la dénigrer. Ce n’est pas juste méchant, c’est cruel et culpabilisant, voire nuisible pour son estime et sa confiance en lui et en les autres.)
Donc je ne sais pas de quoi demain sera fait.
Mais même avec un sac à dos plein de pierres, même si mes pieds ont de la misère à avancer dans la bouette et à monter des pentes, même si parfois je ne peux pas aller faire de la randonné ou manger au resto parce que mon corps et/ou mon mental ne me le permettent vraiment pas. Que ni toi ni moi n’aurions de fun à le faire ensemble. Même dans les pires moments, si tu m’aimes, tu vas vivre au jour le jour avec moi. Il y a des jours où tu vas plutôt chiller avec moi sur un divan et il y a des jours où on va aller marcher quelque part ensemble. Assise mal en point ou en forme en pleine marche, je vais t’aimer du mieux que je peux, avec tout ce que je peux donner. Je vais être reconnaissante de t’avoir à mes côtés avec ton empathie et ta gentillesse pendant que je vais moins bien. Je vais être reconnaissante de partager un peu de normalité avec toi et de souvenirs de moi en forme sur le sentier de randonnée.
Quand j’ai pu profiter d’une journée de magasinage avec mes parents pour ma fête ou quand j’ai été capable d’aller au lancement du livre d’une amie, j’ai pu savourer la situation en elle-même. Le plaisir que toi et quelqu’un d’autre auriez vécus normalement, j’ai eu de la gratitude profonde d’avoir pu le faire. De la gratitude que dans la loterie des maladies chroniques, ces journées-là, j’ai gagné une journée de possibilités.
Une première version de ce texte a été publié sur le blog personnel de Jessica.
