«C’est juste une joke!» ou quand c’est rarement drôle

Rire fait partie de mon quotidien.

Entre un film dramatique et une comédie, je prends automatiquement la comédie. Entre Arrested Development et Once Upon a Time, c’est Arrested Development qui a gagné haut la main et si je vois un enregistrement d’un standup comic sur Netflix, je le regarde. J’aime vraiment rire aux éclats à ne plus finir et j’aime rire sur des jokes « ethniques » si vous voyez ce que je veux dire…

Sauf que récemment, j’ai vu une joke que j’ai pas trouvée très drôle, où les gens qui riaient n’étaient pas vraiment concernés… Quelqu’un a fait une blague sur le nom d’une personne d’origine asiatique et s’esclaffait qu’il avait un nom français. Étant en couple avec un Asiatique qui a un nom vietnamien et un nom français (une norme chez les Asiatiques, peu importe leurs origines), j’ai trouvé ça bête et j’ai envoyé la blague à mon copain. La réponse ne s’est pas fait attendre… En fait, il n’y a pas eu de réponse. Juste trois petits points dans notre discussion, disons que ça disait tout.

Disons qu’en termes de blague raciste et innocente, on venait d’en avoir la preuve vivante.

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Quand mon chum et moi faisons des blagues, c’est souvent par rapport à nos origines. On aime faire rire et rendre les gens un peu malaisés par rapport à nos cultures respectives. C’est notre façon de désamorcer les introductions timides, les moments pleins de silence. Ça fait rire et ça met un peu d’ambiance. Les gens nous voient rire et rient avec nous.

On rit de notre enfance, de nos cultures et de choses que tous les enfants d’immigrants vivent. Mon copain et moi avons une affection particulière pour Fresh Off the Boat, une émission américaine mettant en vedette une famille asiatique qui essaye de s’intégrer dans la très blanche Orlando des années 90. Je n’ai jamais vu mon copain rire autant, et ce, de ses origines. Quand je lui demande pourquoi ça le fait autant rire, il me dit « Parce que c’est vrai. Tout est vrai. C’est exagéré! Mais je me reconnais! »

Puis c’est vrai, il se reconnait comme moi je me reconnais dans les jokes de Aziz Ansari, ou dans Master of None où encore une fois, Aziz Ansari excelle à raconter les multiples aventures d’un enfant d’immigrant. C’est drôle parce qu’on se comprend, qu’on fait rire les autres et qu’on se sent inclus dans les rires.

Ceci dit, faire une blague aux dépens des autres cultures, cultures dont souvent la personne en question ne fait pas partie, c’est une façon de relayer les stéréotypes, de faire des groupes fermés. L’humour, bien qu’innocent souvent et fait avec plein de bonnes intentions, peut finir par être raciste. Quand je ne trouve pas quelque chose de drôle parce qu’on rit du fait que je suis arabe, que je dois cacher une bombe sous mes vêtements, que je dis ouvertement « Ouin… c’est raciste » et que je me fais répondre que c’est juste une joke et que j’ai pas de sens de l’humour, je finis par me dire que même au niveau du rire, c’est définitivement pas encore gagné.

L’humour, ça doit aller à deux sens. Sous les couverts de l’humour, souvent, on continue de renforcer certains stéréotypes culturels et ethniques qui ne favorisent pas l’acceptation ou l’intégration de l’autre. Le rire est ce qui rejoint le plus les gens. Le rire, c’est positif. Sauf qu’il faut être positif en riant avec l’autre, en acceptant ses différences comme étant des perles que nous pouvons exagérer tant qu’on ne l’offusque pas, tant qu’on ne se moque pas de lui. Et c’est là la différence. Lorsqu’on rit du nom de quelqu’un, de ses traits, de sa culture, c’est rire de lui. Avoir un humour inclusif et qui rejoint tout est difficile, mais ça vaut la peine d’essayer.

Mon chum se fait appeler des fois « Le Chinois ». Il est loin d’être chinois, loin d’être seulement un Asiatique et il trouve ça rarement drôle.

C’est pas qu’on a un mauvais sens de l’humour, c’est pas qu’on est plates et qu’on est coincés. C’est pas parce que plus rien est politically correct. C’est juste qu’il est temps de comprendre que certaines choses ne sont pas drôles venant des autres. Ne riez pas de nous, riez avec nous.

Il me semble que c’est simple.

Yara El-Soueidi

Yara El-Soueidi est une consultante en contenu créatif qui vit à Villeray, Montréal, avec son copain depuis 9 ans et demi. Born and raised à Montréal dans un milieu multiculturel, c’est une obsédée de belles images et de beaux textes qui cherche en permanence la prochaine tendance qui prendra d’assaut le web. Dans ses temps libres, elle bingewatch des séries sur Netflix, elle discute de politique américaine, elle tombe en amour avec Drake, elle lit des livres d’auteurs québécois, elle regarde les étoiles (littéralement), elle se fait les ongles, elle boit un chai latté et elle passe son temps au Sephora pour acheter des rouges à lèvres de toutes les couleurs.

Chronique d'un couple multiculturel 1

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Yara El-Soueidi

Yara El-Soueidi est la cofondatrice d'Espace L, un coworking club exclusivement féminin qui verra le jour à Montréal. Elle est aussi une militante féministe engagée, une obsédée de nouvelles technologies, une anxieuse perpétuelle, une amatrice de rap, une drama queen avec une obsession pour Drake, les ananas et le maquillage. Montréalaise born and raised, elle manie le franglais et parle d'inclusion, d'intersectionalité, de multiculturalisme et de sa vie si palpitante de fille d'immigrants.

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