À toi, qui ne liras peut-être jamais cette lettre.
À toi, pour qui j’écris pourtant ces lignes.
À toi, ma belle amie, pour qui la vie ne sera plus jamais la même.
Je me souviens encore de notre première rencontre; nous avions à peine 12 ans. Nous entamions une nouvelle étape de notre vie, une étape que j’avais longtemps attendue et toi (je le sais maintenant) longtemps redoutée. Tu avais peur de quitter le monde de l’enfance pour celui de l’adolescence, peur de quitter le nid, de (commencer à) voler de tes propres ailes. Si je sais tout ça aujourd’hui, c’est que nos chemins ne se sont jamais séparés depuis. Nous avons vieilli ensemble et je t’ai vue redouter ton futur, craindre l’arrivée au cégep, la graduation universitaire, l’entrée dans le «vrai» monde des adultes.
Cette journée-là pourtant, la journée de notre rencontre, tu étais tout excitée, toute souriante et enjouée. Tu cachais bien ta nervosité, comme nous tous d’ailleurs. Ton casier était voisin du mien, tout comme ton bureau dans tous les cours que nous avions en commun (ordre alphabétique oblige). Le lien entre nous s’est fait facilement (peut-être en raison de notre petite taille quasi identique… même si je demeure convaincue que je te dépasse de quelques centimètres!). Tu étais si gentille, si douce qu’il m’aurait été bien difficile de ne pas t’aimer, même si je dois bien avouer qu’il m’est arrivé de t’envier. D’envier ton enthousiasme naturel, ta bonne humeur contagieuse, ton audace, ta beauté. Tu étais, à bien des égards, un modèle pour moi et pour bien d’autres aussi.
Tu me paraissais si forte, si déterminée; tu l’étais sans doute trop en fait. Trop déterminée à tout réussir, à tout faire. Trop forte en apparence, trop occupée à ignorer ta petite voix intérieure, celle qui te disait de ralentir, de prendre un peu de temps pour toi, de faire ce que tu aimais sans penser à ce que tu aurais pu faire, à ce que (tu crois que) tu aurais dû faire. D’accepter que tu ne pourrais pas sauver tout le monde (même si ton grand cœur l’aurait tellement souhaité), que tu en faisais déjà amplement, que tu ne pouvais en faire plus. Reconnaître que tout ça te faisait peur, en parler, l’accepter, te donner le temps d’apprivoiser tout ça. Mais ton corps s’en est chargé pour toi. Épuisé, il a décidé de te forcer à t’arrêter, de te confronter à tes peurs et à tes angoisses. À l’aube de ton quart de siècle, tu n’as eu d’autre choix que de prendre un temps d’arrêt pour essayer de comprendre ce que ton corps voulait te dire, pourquoi il te mettait ainsi au pied du mur, t’affaiblissait de la pire manière qui soit. Tu y travailles toujours aujourd’hui et j’imagine combien ce doit être difficile pour toi. J’aimerais tellement pouvoir t’aider, mais je ne sais pas comment. Tout ce que je sais, c’est que je serai toujours là si tu as besoin d’une oreille attentive, même au beau milieu de la nuit, et que, même si on ne se voit plus autant, je pense souvent à toi.
Tu sais, j’ai souvent voulu te faire parvenir cette lettre pour que tu saches toute l’admiration que j’ai toujours eue (et que je continue d’avoir) pour toi. Pour que tu saches que tu as inspiré beaucoup de gens autour de toi et que cette expérience, aussi négative puisse-t-elle être en ce moment, te permettra assurément d’en inspirer encore davantage lorsqu’elle sera derrière toi. Pour que tu saches aussi que tomber, ça fait partie de la vie, que ce n’est pas un échec, mais un apprentissage en vue d’une nouvelle réussite.
Je ne sais pas si tu recevras un jour cette lettre, mais, en attendant, je t’envoie toutes les ondes positives du monde. Et rappelle-toi toujours ceci : tu es belle, tu es forte, tu es capable.