Faire le tour du monde, même avec les moyens de transport actuels, c’est un exploit. Faire le tour du monde alors que l’avion n’existait pas encore, c’est encore plus impressionnant. C’est ce que la journaliste Nellie Bly a fait en 1889. Elle relate son expérience dans le livre Le tour du monde en 72 jours publié aux Éditions du Sous-sol. Suite à la publication en 1872 du célèbre roman de Jules Verne Le tour du monde en 80 jours, Nellie Bly, frondeuse et indépendante, décide de battre ce record fictif en partant seule à travers les continents. S’engageant auprès du journal New York World à accomplir ce voyage en moins de temps que Phileas Fogg, le héros de Jules Verne, elle part, sans accompagnateur, avec pour seul bagage une minuscule valise. Bien vite, le monde entier suit l’évolution de son voyage entre les transferts de paquebots et de trains. Un concours est d’ailleurs organisé pour prédire l’heure exacte de son arrivée.
Dans cet ouvrage, elle relate donc ces 72 jours passés à explorer les cultures et les pays. D’une destination à l’autre, elle rencontre des compagnons de voyage qui sont tantôt sceptiques tantôt admiratifs de son objectif ambitieux. Elle s’étonne de l’accueil généreux qu’on lui réserve et apprend énormément sur les coutumes parfois barbares qui sont établies dans certains pays. Entrecoupé d’extraits de journaux de l’époque suivant son périple, le récit de voyage de Nellie Bly décrit longuement chaque rencontre qu’elle fait et chaque journée passée en mer ou sur les continents.
Plus de 125 ans plus tard, il est à la fois perturbant et instructif de lire un livre comme Le tour du monde en 72 jours. Cette publication constitue assurément un témoin écrit d’une époque révolue rédigé par une femme féministe et peu soucieuse des conventions. De réaliser qu’un des éléments qui intriguait le plus les gens qui suivaient son expédition est le fait qu’elle ne voyage qu’avec un seul bagage et une seule robe est plutôt décourageant. Quoique très intéressant pour la manière qu’il décrit les peuples et les cultures du XIXe siècle, cet ouvrage est dérangeant par le regard que pose Nellie Bly sur les gens autour d’elle. En effet, malgré le fait qu’elle constituait visiblement une femme avancée sur son époque, j’ai souvent eu l’impression de lire des remarques racistes et réductrices. Peut-être est-ce seulement l’effet du décalage entre les mentalités qui me pousse à ce constat, mais j’ai été à l’occasion très choquée par les pensées qu’avaient l’auteure sur les habitants d’ailleurs.
J’ai apprécié cette lecture pour l’intérêt historique des textes et tout ce que j’y ai appris sur une période fort différente de la nôtre. Toutefois, le ton très froid et détaché qu’adopte l’expéditrice dans ces récits m’a empêché d’être très absorbée par le livre. Lorsque je lis un récit de voyage ou le compte-rendu d’un exploit humain, j’aime que le côté humain et sensible de l’auteur(e) me touche comme dans la biographie Wild de Cheryl Strayed, notamment. Nellie Bly s’exprime trop peu sur ce qu’elle ressent, mais encore une fois, il est possible que l’époque n’ait pas permis un regard aussi intime dans des textes publics. Bref, Le tour du monde en 72 jours de Nellie Bly conserve un intérêt pour les lecteurs qui s’intéressent à la géographie et l’histoire du XIXe siècle, mais les émotions y sont trop absentes pour toucher réellement le lecteur.
Le tour du monde en 72 jours, Nellie Bly, Éditions du Sous-sol, 2016, 173 pages, 31,95$
Amélie Lacroix Maccabée
L’image à la une provient du site www.cinqcontinents.com