Y’a un méchant fléau, ces jours-ci, qui s’amuse à détruire la confiance de mes potes, comme un lutin de la self-hate. Il s’est pointé le bout du nez quand une amie, si scintillante qu’elle fait rougir même les objets inanimés, s’est mise elle-même à rougir quand on lui a dit les mots fatidiques: « T’es ravissante! »
Ensuite, y’a eu les bons mots en varia. « Non, c’est vrai! Ta personnalité est tienne, définie, t’as des projets en banque, une volonté de vivre qui te rend incandescente, presque. » Toujours pas de sourire sincère, simplement une grimace gênée disant « arrêtez, j’y crois pas ».
En bonne altruiste, j’ai pas arrêté tout de suite. J’ai continué le bal en lui lançant des compliments à la tonne, sur son talent de vivre, tout simplement. Sa façon de rire, de rétorquer à une bonne blague, d’argumenter dans une conversation engagée, de boire son verre de vin du bout des lèvres, de porter un coat de cuir comme si c’était juste ça qui lui restait d’propre. C’est ce qui la rend belle, pis tellement plus encore. Elle n’a pas besoin d’être « jolie » au sens (trop) traditionnel du terme pour être une belle personne. Le problème, c’est qu’elle-même n’y croit pas. Pas une seconde.
Ce qui me reste dans le fond de la gorge, c’est que je sais que cette gêne de se trouver adéquate, elle vient de la construction sociale de sa vie passée à n’être « jamais assez ». Jamais assez belle, intelligente, performante, sensuelle, silencieuse, pertinente, vivante, point. Il aurait fallu qu’elle soit mannequin à temps partiel et qu’elle ait une profession libérale le reste du temps pour que y’ait deux-trois quatre mille personnes de contentes. Sans que ce soit elle, la principale gratifiée.
Maintenant, quand le discours de l’amour propre arrive sur la table, pour tous les défauts, les imperfections, les manques que la vie nous apportent, elle se déconnecte, telle une ado qui ne veut pas parler à son crush sur MSN Messenger. On aura beau lui dire que l’opinion d’elle qui importe, c’est celle qui vient de son cœur, elle ne l’écoutera pas. Du moins, pas tout de suite.
Il faudra d’abord qu’elle déconstruise ces idéaux qu’elle s’est forgé avec les années, qu’elle passe le bulldozer sur sa conception de la vie, de l’importance de l’Apparence. Et avec tout ça, cesser de juger comme on lui a appris depuis la tendre enfance. Madame Société nous a donné un modèle, et il fallait le copier à la perfection, sous peine de se faire juger. Ah, le jugement. Ce regard des autres auquel on accorde trop d’importance. Les ami(e)s, la famille, les collègues, les amis Facebook aux vies dorées de likes et de photos à la lumière retouchée. Sa confiance a été détruite par cet héritage de comparaison éternelle, ce puits sans fond qu’est l’angoisse de plaire. Ce ne sera facile, mais c’est une conversation essentielle à avoir avec soi, à notre ère de la performance à tout prix pour obtenir le condo Pinterest, le clébard photogénique et les jolis outfits.
Il faut retrouver le courage de discuter avec soi, de trouver la beauté qui se cache dans la noirceur des doutes, des mantras « formateurs ». Il faut déconstruire ce qu’on croyait vrai jusqu’à maintenant pour se faire une nouvelle définition de soi, qui soit basée sur ce qui est bon en nous. Parce que tout le monde a cette étincelle de beauté en soi, suffit d’y croire.
Bref, fille, gars, toi, personne humaine qui mérite l’Amour, t’es écoeurant(e).
T’as le droit d’y croire. Pis si c’est un article sur ton blogue préféré qui t’incite à le faire, ben so be it. Ça ne regarde que toi.